C’est une question qui est beaucoup revenue lorsque le Brexit a été voté : une fois en dehors de l’Union européenne, le Royaume-Uni va-t-il devenir un nouveau paradis fiscal ? Le manque de précision sur la fiscalité et les droits des travailleurs dans l’accord du Brexit laisse aujourd’hui entrevoir un tel avenir pour le pays d’outre-Manche.
Lorsque le Royaume-Uni faisait partie de l’Union européenne, le pays devait se conformer à un certain nombre de règles sur la fiscalité, notamment sur l’impôt des sociétés et sur les aides d’État. Mais maintenant qu’il n’est plus contraint de respecter la réglementation de l’UE, il pourrait alléger sa fiscalité pour attirer de grosses fortunes et d’importantes multinationales.
L’accord commercial entre l’UE et le Royaume-Uni est très vague sur le plan fiscal. Une clause indique même qu’il ne doit plus se conformer à ces fameux impôts des sociétés. Le gouvernement britannique pourrait donc décider de faire passer des lois pour alléger les taxes. Au début des années 2000, les autorités des régions de Jersey et de Guernesey ont régulièrement défendu l’allégement de la fiscalité, bien que c’était interdit à l’époque.
Pour Richard Murphy, professeur en comptabilité, interviewé par The Independent, il est tout à fait possible que le Royaume-Uni adopte dans les années à venir de nouvelles lois lui offrant le ‘statut complet de paradis fiscal’. Pour Lord Sikka, cofondateur du Tax Justice Network, il est déjà certain que les autorités britanniques vont entrer en conflit avec l’UE sur la question de la fiscalité.
Avis des entreprises
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, n’a pas eu de chance sur le timing du Brexit. Ce dernier s’est déroulé en pleine crise du Covid-19. En ce début janvier, les entreprises subissent donc tous les changements commerciaux liés à la sortie du Brexit en même temps qu’un troisième confinement.
Un allègement des législations sur les entreprises pourrait donc être vu comme une solution pour aider à la relance du pays. C’est pour cette raison que Johnson s’est directement tourné ce mercredi vers 250 CEO du pays, explique le média Bloomberg. Le Premier ministre leur a demandé quelles réglementations sur les entreprises pourraient être réduites ou supprimées pour leur faciliter la vie post-Brexit.
Dans un communiqué de presse, Boris Johnson explique s’être ‘engagé à travailler avec les entreprises britanniques pour réaliser les vastes opportunités offertes alors que le Royaume-Uni se forge un avenir indépendant’.
Cela est loin de rassurer l’Union européenne qui voit dans cet appel le début de nouvelles règles qui viendront saper la compétitivité des pays membres.
Blocage de l’OCDE
En dehors de l’UE, le Royaume-Uni est toujours engagé dans certains accords de l’OCDE, dont un qui a pour but de lutter contre l’évasion fiscale.
De plus, en 2016, l’OCDE avait également partagé une note qui indiquait qu’il y avait peu de chances que le Royaume-Uni devienne un paradis fiscal après le Brexit. Selon les auteurs, cela passerait difficilement auprès de la population. Les Britanniques qui ont voté pour la sortie de l’UE l’ont fait pour que le Royaume-Uni puisse prendre ses propres décisions, pas pour que de grandes multinationales payent moins d’impôts. Les scandales des structures fiscales avantageuses de Starbucks et Google avaient fortement déplu à la population à l’époque. Offrir de tels bénéfices aujourd’hui serait une décision qui coûterait cher au gouvernement britannique en place.
Avantages pour le Royaume-Uni
Une diminution des impôts pour les sociétés permettrait toutefois au Royaume-Uni de ne pas subir la perte de compétitivité due au Brexit. En quittant le marché unique européen, le pays d’outre-Manche est moins intéressant pour les entreprises qui veulent commercer en Europe, car certains frais ont augmenté. Diminuer certaines taxes ou offrir des aides à certaines sociétés pour qu’elles s’installent dans le pays serait une solution pour compenser ces pertes.
L’une des premières mesures du gouvernement britannique pourraient être de créer des ports francs, c’est-à-dire des zones portuaires qui ne sont pas soumises aux règles douanières. Les sociétés qui s’y implanteraient bénéficieraient d’avantages fiscaux et pourraient plus facilement commercer avec le reste du monde. Ce type de zone n’est pas interdite dans l’Union européenne, qui en compte 82.
Rishi Sunak, chancelier de l’Échiquier, y est favorable, tout comme Boris Johnson. Mais de nombreuses critiques existent contre ces zones économiques. Si elles sont beaucoup trop avantageuses fiscalement, elles pourraient encourager le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.