Le problème que tout le monde voit mais que personne ne veut voir… La Deutsche Bank est l’éléphant dans le salon de la BCE

A la fin du mois d’octobre, les résultats des stress tests de la Banque Centrale Européenne (BCE) ont montré que 25 banques européennes étaient trop sous-capitalisées et posaient un risque pour le secteur bancaire de la zone euro. Parmi elles, on trouve 9 banques italiennes, 3 banques grecques, et 3 banques chypriotes. Pourtant, ce ne sont pas les petites banques d’Europe du Sud qui présentent un danger pour le secteur bancaire européen, affirme le journal berlinois Tageszeitung. En revanche,  certaines banques du Benelux, de l’Italie, de la France ou de l’Allemagne, présentent un danger bien plus important pour la zone euro. La Deutsche Bank est particulièrement menaçante, précise le journal.

Il explique que lorsqu’une banque consent un prêt, ou qu’elle spécule pour son propre compte sur les marchés financiers, elle n’utilise qu’une infime partie de ses capitaux propres pour le faire, et emprunte le reste. Le rapport entre les capitaux propres et les capitaux empruntés indique l’effet de levier. En période de croissance économique, un effet de levier élevé, c’est-à-dire une plus forte proportion d’emprunts pour financer les activités, favorise une profitabilité plus élevée.

Josef Ackermann, alors CEO de la Deutsche Bank, avait ainsi fixé un objectif de rentabilité des capitaux propres avant impôts (c’est-à-dire le rapport entre les bénéfices avant impôts et les capitaux propres) de 25% avant la crise financière, une cible qui n’était rendue possible que par l’optimisation de cet effet de levier.

Cependant, en période de crise, les effets vertueux de l’effet de levier se retournent contre les banques, parce que ce qui était une utilisation optimale d’un minimum de capitaux se transforme en sous-capitalisation. En effet, on doit comparer les pertes réalisées au montant des capitaux propres engagés de la même manière que l’on prenait en compte les bénéfices pour calculer le taux de rentabilité des capitaux propres avant impôts. Lorsque les pertes sont supérieures au capital, la banque est en faillite.

Un rapport sur ​​les risques publié par le Center for Risk Management de Lausanne avait conclu que la Deutsche Bank était de loin la banque la plus risquée de la zone euro, avec un risque de faillite estimé à 75,4 milliards d’euros. Or, ce risque provient largement de l’effet de levier élevé pratiqué par cette banque.

Il y a trois ans, alors que cet effet de levier était de 1 sur 44, l’ancien économiste en chef du FMI, Simon Johnson, avait décrit Ackermann comme étant « l’un des banquiers les plus dangereux du monde ». Il avait estimé que le patron de la Deutsche Bank se permettait de fixer des objectifs de profitabilité de l’ordre de 25% (et l’effet de levier que cela implique) parce qu’il savait que la banque était « too big to fail » et qu’elle serait renflouée par les contribuables si elle se trouvait au bord de la faillite. Cependant, le même effet de levier atteint aujourd’hui 1 sur 50… la Deutsche Bank serait en faillite si elle devait perdre plus de 2% de ses actifs. Un tel effet de levier correspond au quadruple de ce qui se pratique dans les grandes banques américaines.

Selon les modélisations de l’Université de New York, le risque de défaut de paiement de la Deutsche Bank est 7 fois supérieur à ce que ce que la BCE a trouvé dans ses stress tests.

La Deutsche Bank est « l’éléphant dans le salon de la BCE », conclut le journal :

Le problème évident et majeur que tout le monde voit, mais que personne ne veut voir. (…) Si l’on ajoute les banques éléphants de la France et des Etats du Benelux, c’est toute une horde d’éléphants, que l’on ignore délibérément, qui piétine le salon de la BCE. Les auditeurs sont occupés à gonfler les banques moustiques grecques et italiennes pour en faire des éléphants afin que les politiques, les médias et le public continuent de ne pas voir les véritables éléphants dans le salon ».

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