Le plan de relance franco-allemand pour l’UE a déjà ses détracteurs

Hier, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président français Emmanuel Macron ont proposé un projet de relance de 500 milliards d’euros pour aider l’Union européenne à se remettre de la crise causée par la pandémie. Si la présidente de la Banque centrale européenne a salué l’initiative, ce plan n’est pas au goût de tout le monde dans l’UE. La route s’annonce déjà longue et semée d’embûches.

Ce projet est pourtant historique, puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’un effacement de la dette en commun et non de prêts aux États membres. Cette somme serait empruntée par la Commission européenne et redistribuée aux régions et secteurs les plus touchés suite à la pandémie. Des propositions qualifiées ‘d’ambitieuses, ciblées et bienvenues’ par Christine Lagarde, présidente de la BCE. Mais une fois n’est pas coutume, la proposition divise déjà l’Europe.

Des conditions floues

Il y a d’abord les partisans, qui pour l’instant se cantonnent à l’Espagne et l’Italie. Ce n’est pas surprenant vu le choc qu’ils ont subi suite à la pandémie.

‘Nous saluons la proposition de la France et de l’Allemagne de créer un fonds européen de relance par le biais de subventions non-remboursables. C’est un premier pas dans la bonne direction, une initiative qui est conforme à nos exigences et dans laquelle nous devons continuer à progresser’, a indiqué sur Twitter le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.

Un soutien appuyé par son homologue italien Giuseppe Conte: ‘La proposition franco-allemande (500 milliards de subventions) est un premier pas important dans la bonne direction, dans la lignée des intentions de l’Italie. Afin de surmonter la crise et d’aider les entreprises et les familles, nous avons besoin d’un ambitieux fonds de sauvetage. Nous sommes confiants dans la proposition de la Commission.’

Il s’agirait donc bien de ‘subventions non-remboursables’, le principe semble clair. Mais la proposition manque pourtant de précisions. L’initiative franco-allemande indique dans les petites lignes que ces prêts seront ‘conditionnés à un engagement clair par les États membres d’appliquer des politiques économiques saines et un programme de réformes ambitieux’. Ce ne serait donc en principe pas gratuit.

Si le plan d’austérité n’est pas évoqué, cette dernière condition a de quoi faire raviver le spectre de la crise financière chez les pays du sud de l’Europe. La Grèce, l’Espagne et le Portugal entre autres ont dû se serrer sévèrement la ceinture suite à la crise de la dette souveraine de 2010. Et les cicatrices sont encore toutes fraîches.

En outre, le Président français a souligné que ‘la relance européenne devra être accompagnée d’engagements, de conditions en matière de climat, d’environnement et de biodiversité’. Le Green Deal est donc également bien présent dans ces conditions en petits caractères. ‘L’idée c’est de traiter les régions et les secteurs touchés, et de regarder les priorités environnementales. Si on aide l’industrie automobile en Espagne, on va plutôt encourager l’électrique, l’hybride, le programme batteries européennes pour créer de l’emploi, plutôt que d’aller soutenir une industrie à moindre rendement écologique.’

‘Le club des radins’

Ensuite, il y a l’opposition des pays du nord du continent qui gèrent généralement bien leurs finances et ne veulent donc pas du fardeau du sud. Une fracture européenne qui a déjà été mise en lumière à plusieurs reprises dans la tentative d’une solution commune à la pandémie.

Ces pays du nord sont qualifiés comme le ‘club des radins’ par le journaliste Jean Quatremer (Allemagne, Autriche, Finlande et Pays-Bas). Le Danemark a remplacé la Finlande, et l’Allemagne a désormais changé de bord. Rappelons que la majorité du Bundestag, l’assemblée parlementaire en Allemagne, était jusque-là opposée au principe d’une dette commune. La démarche d’Angela Merkel peut donc être qualifiée d’historique, un ‘pas en avant [franco-allemand] qui ne connaît aucun précédent’ selon l’ancien directeur général de l’OMC Pascal Lamy.

Un mouvement très peu au goût de son voisin le Chancelier autrichien Sebastian Kurz. Il a indiqué dans un tweet sa désapprobation sur une mutualisation de la dette. Dans ses alliés, on compte également la Suède.

Si le Chancelier indique être ‘prêt à aider les pays les plus touchés avec des prêts’, il insiste bien que toute aide de l’UE devrait se faire sous la ‘forme de prêts et non de subventions’. Plus tôt dans la journée, son gouvernement avait déjà ‘écarté toute idée de subvention’.

‘Nous attendons que le CFP (cadre financier pluriannuel) actualisé reflète les nouvelles priorités plutôt que de relever le plafond’, a aussi ajouté Sebastian Kurz, en référence au budget à long terme de l’Union européenne.

Or, la proposition franco-allemande doit être acceptée par tous les autres pays membres pour être mise en place. ‘Si un État dit non, cela bloque tout. En tous les cas, cela bloque à 27’, a indiqué Emmanuel Macron. Certes, l’UE prévoit des mécanismes en cas de blocage. ‘On peut décider de lier cette initiative au budget, qui exige lui aussi l’unanimité. Tous les états qui bloquent ont besoin d’un budget européen’, souligne le Président français. Mais dans tous les cas, ce projet ‘historique’ n’est pas près de traverser un long fleuve tranquille…

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