Le Moyen-Orient rappelle au “Trump des Tropiques” que le Brésil n’est pas les Etats-Unis 

Au Brésil, le président d’extrême droite fraîchement élu Jaïr Bolsonaro, vient d’essuyer un premier revers dans sa tentative d’imposer une politique étrangère nationaliste à l’image de son homologue américain Donald Trump. La semaine dernière, Bolsonaro a en effet annoncé que, comme Trump, il allait relocaliser l’ambassade de son pays en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Cependant, cette annonce menace d’avoir des conséquences potentiellement désastreuses pour le Brésil.

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’est félicité de cette décision, et a qualifié Bolsonaro d’« ami ». Mais il semble  être le seul à avoir témoigné de sa satisfaction.

Une visite diplomatique annulée en Egypte

L’Égypte a en effet annoncé le report de la visite qu’Aloysio Nunes Ferreira, un diplomate brésilien, devait faire les 8 et 11 novembre derniers, au cours de laquelle il devait rencontrer le président égyptien Abdel Fatah el-Sisi et son homologue égyptien Sameh Shoukry. 

Le ministère des Affaires étrangères égyptien a justifié ce report par des impossibilités d’agenda officiel. Mais selon deux sources diplomatiques du ministère des Affaires étrangères égyptien qui ont souhaité demeurer anonymes, c’est bien à l’annonce de Bolsonaro de son intention de relocaliser l’ambassade du Brésil en Israël qu’il faut imputer ce revirement. Cette décision marque en effet une rupture avec le soutien de longue date du Brésil pour l’adoption d’une solution à 2 Etats pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Le secteur de la viande brésilien menacé de boycott

Cet accroc diplomatique ne soit pas son unique conséquence, et que l’Égypte ne soit pas la seule à manifester son mécontentement. Car le monde arabe dispose d’un levier puissant, pour contraindre le Brésil : il peut le menacer d’un boycott sur ses exportations. Cette menace a déjà été brandie à mots couverts : « La réaction ne sera pas donnée en tant que pays individuel, mais au nom de l’ensemble du monde arabe. Nous nous attendons à ce que le Brésil agisse avec raison et ne se confronte pas au monde arabe », a déclaré un diplomate turc à Reuters sous condition d’anonymat. 

Le Brésil est en effet le plus gros exportateur de viande halal, et le monde arabe est l’un des plus gros  marchés des éleveurs brésiliens. Chaque année, le pays exporte pour 16 milliards de dollars de viande au Moyen-Orient et en Turquie. Sur ce montant, seuls 3 % sont destinés à Israël. Les exportations de viande vers le Moyen-Orient représentent 1/4 des exportations totales du Brésil vers cette région. Les exportations annuelles de viande halal pèsent 5 milliards de dollars par an, soit plus du double que celles de l’Australie et de l’Inde, les pays concurrents les plus sérieux, qui seraient bien heureux de reprendre ces parts de marché.

La firme brésilienne BRF, le plus gros volailler du monde, a énormément misé sur la demande toujours croissante de viande halal. Elle a installé des usines en Turquie et aux Émirats arabes unis pour satisfaire la demande locale, et prévoit de doubler ses productions de produits préparés halal dans le Golfe d’ici à 2023. Pedro Parente, le président du conseil de l’entreprise, a qualifié la décision de Bolsonaro de « cause d’inquiétude ».

Rubens Hannun, président de la chambre de commerce Arabo-brésilienne, a rappelé que le Brésil bénéficierait également des investissements en infrastructures des fonds souverains arabes. Le fonds Mubadala Development des Émirats arabes unis, par exemple, a injecté 2 milliards de dollars dans l’empire brésilien des matières premières EBX il y a quelques années. « Nous ne voulons pas troubler cette relation. Nous craignons que cela ouvre la porte à la concurrence », a-t-il déclaré.

La leçon pour Bolsonaro : le Brésil n’est pas les Etats-Unis

Après l’annulation de la visite des diplomates brésiliens en Égypte, le « Trump des tropiques » a semblé rétropédaler, et déclaré que sa décision de relocaliser l’ambassade d’Israël n’était pas définitive. 

Contrairement à son homologue américain, qui peut se permettre de snober n’importe quel pays dans le cadre de sa politique « America First », il n’est pas à la tête d’une superpuissance mondiale, et dispose donc d’une influence bien moindre sur la scène politique internationale. Dans ces conditions, il n’aura pas une aussi grande marge de manoeuvre pour appliquer son agenda nationaliste.

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