Les électeurs brésiliens ont élu dimanche à une large majorité Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite, avec 55,2 % des suffrages, contre 44,8 % pour son opposant du PT (parti ouvrier) Fernando Haddad. Au cours de sa campagne, le nouveau président – surnommé « le Trump des tropiques » – a préconisé une « simplification brutale » du système fiscal local, la privatisation d’entreprises et la réduction de moitié du nombre de ministères. Il veut aussi lutter contre la criminalité élevée du pays.
Agé de 63 ans, Jair Bolsonaro (notre photo ci-dessous) est un ancien capitaine d’artillerie à la retraite membre du Parti libéral social (PSL), un parti antisystème qui mêle conservatisme social et politiques libérales. Comme Trump, il sait exploiter les médias, connaît bien son public et a su se créer une base solide de partisans extrêmement loyaux. Et comme son homologue américain, le Trump des Tropiques, comme on le surnomme, s’est fait conseiller par Steve Bannon.
« Adoptons dès maintenant la dictature »
Il s’est distingué par de nombreuses déclarations choc sur l’armée, la lutte contre la criminalité, la gauche, les femmes et divers groupes minoritaires : [à la politicienne brésilienne Maria do Rosário] « Je ne vous violerai pas parce que vous êtes trop laide » et « je préfère que mon fils meure dans un accident, plutôt qu’il soit homosexuel. » Plus récemment, il aussi déclaré « Le Congrès d’aujourd’hui est inutile… Faisons un coup d’Etat dès à présent. Adoptons dès maintenant la dictature. »
Son élection constitue un tournant décisif pour le Brésil, qui a été gouverné par le PT pendant 13 ans entre 2003 et 2016, jusqu’à la destitution de Dilma Rousseff en raison d’un scandale de corruption. C’est Michel Temer, membre du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) qui lui avait succédé. Devenu le président le plus impopulaire de l’histoire du Brésil avec seulement 2 % d’opinions positives, il avait échappé à des poursuites pour une affaire de corruption, et avait renoncé à se présenter à l’élection présidentielle.
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Un programme économique libéral
Bolsonaro, qui a choisi Paulo Guedes, un libéral formé à l’école de Chicago, souhaite mener des réformes fiscales et structurelles pour libérer l’économie. Il veut engager un vaste programme de privatisation, et redonner de la flexibilité au marché du travail.
Mais il devra faire face à un certain nombre d’obstacles. Les électeurs ont clairement indiqué qu’ils souhaitaient le changement, mais la crise financière et un budget fédéral serré ne lui permettront pas d’investir sur les projets qui pourraient prolonger sa lune de miel présidentielle.
Seuls 106 des 308 membres de la chambre basse du Congrès du Brésil et 8 des 54 sénateurs le soutiennent, et il lui sera difficile de nouer des alliances avec les membres d’autres partis, s’il veut conserver sa réputation de non-conformiste politique. Le système judiciaire brésilien fort, qui a mené au limogeage de plusieurs anciens présidents et de centaines d’autres politiciens et dirigeants d’entreprises, repoussera toute ses éventuelles tentatives pour faire évoluer le Brésil vers un système politique plus autoritaire.
Un pays profondément polarisé
Enfin, le Brésil, comme de nombreux autres pays du monde actuel, est profondément polarisé et le flot de désinformation sur les réseaux sociaux pourraient inciter les détracteurs de Bolsonaro à affirmer que les élections étaient truquées. Facebook a fermé plus de 100 000 comptes WhatsApp diffusant des théories du complot sur le candidat de gauche Fernando Haddad au cours de la campagne.
Une semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle du 7 octobre, le quotidien Folha de Sao Paulo avait révélé que des entreprises soutenant Bolsonaro avait dépensé des millions d’euros pour diffuser des messages pour le soutenir, une pratique qui contrevient à la loi brésilienne sur le financement des campagnes électorales.
Le pays est plongé dans l’une des pires crises politiques et économique de son histoire
Ces dernières années, le peuple brésilien a connu les pires crises économiques et politiques de l’histoire moderne du pays. Depuis 2014, le PIB du pays a chuté de plus de 10 % et des millions de Brésiliens qui avaient atteint la classe moyenne sous Lula sont retombés dans la pauvreté.
Les régimes de retraite du pays ne sont pas viables. 56 % des sommes dépensées par le gouvernement sont consacrés aux pensions et ce montant augmente chaque année de 4 %, plus rapidement que le PIB. La criminalité est en hausse. L’année dernière, 64 000 Brésiliens ont été tués, soit 175 par jour. 7 des 20 villes les plus meurtrières du monde se trouvent au Brésil. La corruption au Brésil est répandue dans toutes les couches de la politique et seulement 18% des Brésiliens font confiance à leur gouvernement.
La première tâche de Bolsonaro sera donc de restaurer la confiance dans le gouvernement. Ce sera d’autant plus difficile si des millions de Brésiliens doutent de la légitimité de sa victoire.