Le mouvement des non-alignés fait son grand retour à l’initiative de la Serbie

Ce sont 120 pays qui se sont réunis à Belgrade la semaine passée, ressuscitant la tradition du mouvement tiers-mondiste des années 1960. Mais c’était surtout l’occasion pour la Serbie de se faire une place sur la scène internationale, alors que les pays des Balkans sont encore loin de pouvoir adhérer à l’UE. Mais aussi de vendre des armes.

Alors que les médias du monde entier s’apprêtent à couvrir la COP26 à Glasgow, les représentants de pas moins de 120 nations se sont réunis lundi dernier à Belgrade, la capitale de Serbie, sans que cela n’attire beaucoup l’attention. Pourtant, l’événement avait une portée tant historique que commémorative non négligeable : il devait faire renaître l’idéal des non-alignés en l’adaptant aux enjeux du XXI siècle, 60 ans après la constitution, dans la même ville, de ce mouvement international.

Parfum de Guerre froide

Ses origines remontent à 1956 avec la conférence de Brioni, qui a réuni autour d’une même table le président égyptien Gamal Abdel Nasser, le président yougoslave Josip Broz Tito et le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru, qui planchaient sur l’idée d’une troisième voie entre les deux blocs en train de se constituer pour la Guerre froide ; l’Otan d’un côté sous le patronage américain, et le Pacte de Varsovie de l’autre dirigé par l’URSS. Le mouvement des non-alignés est officialisé le 1er septembre 1961 à Belgrade et réunit les pays qui ne veulent adhérer à aucun des deux blocs prêts à s’affronter, tout en rejetant le colonialisme européen et l’impérialisme américain, mais en promouvant une vision du socialisme bien moins totalitaire, en théorie, que celle en vigueur en Union soviétique.

Parfois surnommé le Tiers-Monde -un terme dont la signification a fort évolué- le mouvement des non-alignés a regroupé jusqu’à120 pays sur tous les continents, ce qui en a fait la seconde assemblée de pays souverains par la taille, juste derrière les Nations-Unies. Et cet idéal n’a jamais disparu : l’organisation existe encore, malgré la fin de la Guerre froide et des liens qui n’ont jamais été aussi serrés que dans les autres alliances supranationales.

Vitrine pour la Serbie…

60 ans après, la Yougoslavie unie de Tito n’est plus ; elle a éclaté en sept États distincts et rivaux qui se sont livrés des conflits meurtriers. Mais parmi ces fragments, en Serbie, le président Aleksandar Vucic n’a pas oublié ce vieux réseau de solidarité, et tente visiblement de le réveiller: « Se battant pour son intégrité territoriale et sa souveraineté, la Serbie défend à la fois les principes universels des Nations unies, mais aussi certains des principes clés du Mouvement des non-alignés. La Serbie est extrêmement dévouée à la recherche d’un compromis et d’une solution permanente. Il n’y a pas d’alternative au dialogue. »

Une déclaration qui tombe alors que les tensions couvent dans les Balkans, et que les braises pourraient fort bien se raviver entre la Serbie et le Kosovo, province sécessionniste dont Belgrade ne reconnait pas l’indépendance, et qui abrite une forte minorité serbe. Ce sommet représente donc une belle occasion d’attirer l’attention sur le plan international et de présenter ses arguments dans les divers conflits frontaliers de la région. mais aussi de tisser des liens et de faire des affaires : cette réunion des non-alignés a été ouverte par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ce qui, dans le contexte actuel de retour des tensions est-ouest, est un faux-pas dans l’idéal tiers-mondiste.

… Et pour son arsenal

Et le gouvernement serbe a combiné le sommet avec la grande foire à l’armement militaire bisannuelle du pays, qui a ouvert ses portes au second jour de la réunion,alors qu’elle a lieu habituellement en été, et où sont proposés toutes sortes d’équipements et de véhicules.

Pour l’historien croate Hrvoje Klasić, interrogé par Euronews, c’est  » Un nouvel étalage des errances politiques serbes et un moyen pour Vučić de marquer des points sur le plan intérieur auprès de ses électeurs. Nominalement, le pays veut rejoindre l’Union européenne, mais si vous regardez ses décisions et celles de son peuple au cours de la dernière décennie, vous voyez qu’il est beaucoup plus proche de la Russie et de certains pays asiatiques. Je pense que Vučić ne s’est jamais remis du fait qu’il n’est pas devenu un leader régional. Mais la Serbie, bien que le plus grand pays de la région, n’est ni le plus prospère ni le plus puissant. Donc je pense qu’il utilise toutes les opportunités pour montrer aux gens qu’il est important. »

La Serbie, comme d’ailleurs les autres pays des Balkans, est un grand exportateur d’armes, tant de matériel neuf que d’anciens stocks issus des guerres récentes. Et celles-ci se retrouvent souvent dans les différents conflits ou guerres civiles qui ravagent la planète.

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