Le covid-19, une tragédie américaine…

De notre correspondant aux Etats-Unis, Dominique Dewitte.

L’Amérique représente 4,5% de la population mondiale, mais un quart de tous les cas de coronavirus dans le monde y sont détectés, et un quart de tous les décès y sont déplorés. La réponse américaine à la pandémie résonne comme un cauchemar, l’une des pires au monde.

Le nombre de cas confirmés de Covid-19 a atteint son plus haut niveau en deux mois aux États-Unis cette semaine. Mercredi, les États-Unis ont signalé 36.358 nouveaux cas – le total quotidien le plus élevé depuis le début de l’épidémie. Selon l’OMS, le virus n’a même pas atteint son apogée en Amérique du Nord et du Sud.

Le virus met l’économie à l’arrêt

La pandémie a d’énormes implications pour l’économie, si chère au président Trump. Mercredi, même les bourses, pourtant détachées de la réalité jusque-là, ont commencé à remettre l’avenir en question.

Le Texas demande à nouveau à ses résidents de rester chez eux. La Californie et la Floride signalent un nombre record de nouveaux cas et d’admissions à l’hôpital. Dans la métropole de Houston, le nombre de lits en soins intensifs est occupé à 97%. Les gouverneurs des États qui maîtrisent mieux le virus imposent même une quarantaine aux personnes voyageant depuis d’autres États plus problématiques. En Floride, la puissante Association des restaurants et des hébergements demande au gouvernement de prendre des mesures contre les entreprises de restauration qui ignorent la distanciation sociale. Au Nevada, les employés de casino exigent le port de masques pour tous. L’UE examine en ce moment même si elle imposera bientôt une interdiction d’entrée aux Américains, au même titre que les Brésiliens et les Russes.

Les conséquences risquent d’être fatales pour la réélection de l’actuel résident de la Maison Blanche. Les calculs de Bloomberg Economics indiquent que l’indice de pauvreté atteindra un sommet en novembre. L’indice compare le taux de chômage avec l’indice des prix à la consommation.

Pendant longtemps, l’économie a semblé garantir la réélection de Trump. Mais plus maintenant. L’Economist Intelligence Unit a publié mercredi un rapport indiquant que le chômage fluctuera autour de 10% en novembre, contre 3,5% en novembre dernier. Une récupération complète est d’ores et déjà impossible avant la fin 2021, selon le magazine économique, lorsqu’un vaccin sera peut-être sur le marché.

Depuis mars, 40 millions d’Américains ont déposé des demandes de chômage. L’aide financière fournie par le gouvernement expirera en juillet. Aucun accord n’a encore été trouvé sur une prolongation. Tant de familles américaines font face à un sombre troisième trimestre.

Les États-Unis ont ignoré les paiements de plus de 100 millions de prêts étudiants, de prêts automobiles et d’autres crédits depuis début mars, selon le Wall Street Journal. 106 millions de comptes bancaires affichaient un solde négatif fin mai, soit trois fois plus qu’à la fin avril.

Or, les conditions économiques sont toujours un important indicateur du comportement électoral. Tous les indicateurs pour un éventuel second mandat sont actuellement dans le rouge rouge. D’autant plus que les chiffres de popularité du président ont à peine dépassé les 50% au cours des 4 dernières années.

Trump y croit-il toujours?

Aux États-Unis, la question se pose de savoir si Trump lui-même souhaite toujours un second mandat. La seule réponse qu’il trouve pour le moment est de lier l’augmentation du nombre de cas confirmés à l’augmentation du nombre de tests. Trump a apparemment peu appris des expériences de New York, d’Italie, d’Espagne et d’autres anciens épicentres du coronavirus. Dans de nombreux États, la situation est pire aujourd’hui qu’elle ne l’était en mars-avril.

‘Le président semble tellement pris au piège qu’il arbore un comportement défensif et autodestructeur. Ses conseillers se demandent s’il aspire vraiment à un second mandat’, écrit le New York Times. Les veilles techniques du président ne semblent plus avoir de prises sur la population, y compris dans son camp. L’homme veut relancer sa campagne contre vents et marées. Le décalage est fort: Trump pense à son avenir politique alors que l’Américain moyen tente de s’assurer un avenir tout court. Son attitude capturée par les photographes dans les jardins de la Maison Blanche en dit long. Elle fait suite à sa déconfiture lors du meeting de Tulsa (Oklahoma) devant un stade à moitié vide. Lui qui se montre toujours en homme fort, sûr de lui, et positif, affichait une mine déconfite. Une image rare.

EPA-EFE/ALBERT HALIM

Obama, le mur, la tension raciale, l’immigration et les statues

En fait Trump fait face à une sorte d’avalanche d’événemts défavorables: les deux livres brûlots de son ancien conseiller à la sécurité nationale et de sa nièce, sa guerre avec Twitter pourtant son réseau social de prédilection, ainsi que toute la séquence liée à Black Lives Matter. Du coup, Donald Trump se rabat sur ses ennemis de prédilection: sans fournir la moindre preuve, il a accusé son prédécesseur Barack Obama de ‘haute trahison’ (une accusation grave) et s’est engagé à plein temps sur les questions d’immigration et le mur à la frontière américano-mexicaine.

Il joue l’autruche : la Maison Blanche réfute l’hypothèse du New York Times et confirme que Trump veut absolument entamer un deuxième mandat.

Mais de l’aveu même de Fox News, un média traditionnellement favorable à Donald Trump, l’analyste Howard Kurtz admet que le président n’est pas très enthousiaste ces derniers mois. Mais il ne pense pas que le New-Yorkais jettera l’éponge si facilement:

‘Depuis que Trump est arrivé au pouvoir, il a constamment démontré son mépris pour les médias. Les mêmes personnes qui ne lui ont pas donné de chance en 2016 uniquement à cause de son style agressif et non conventionnel. Ses conseillers ont peut-être raison de penser que modérer son ton augmenterait ses chances de battre Biden (candidat plus consensuel, y compris auprès des électeurs républicains). Mais je ne doute pas que sa réélection soit son objectif.’

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