Le Bureau européen des consommateurs dépose une plainte contre Shein pour tactiques de vente manipulatrices


Principaux renseignements

  • Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a déposé une plainte contre Shein pour son utilisation présumée de « dark patterns », des tactiques de conception manipulatrices qui encouragent les consommateurs à faire des achats.
  • L’action de l’UE contre Shein constitue un test important pour l’application des cadres existants de protection des consommateurs aux nouveaux modèles commerciaux numériques.

Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a pris des mesures contre le géant de la mode rapide Shein en déposant une plainte auprès de la Commission européenne. La plainte concerne l’utilisation présumée par Shein de « motifs sombres », c’est-à-dire de tactiques de conception manipulatrices visant à inciter les consommateurs à faire des achats.

Le rapport du BEUC cite des exemples précis de ces tactiques, notamment des fenêtres pop-up intrusives avertissant les utilisateurs de ne pas quitter l’application, des comptes à rebours conçus pour créer un sentiment d’urgence et des fonctions de défilement sans fin qui maintiennent l’attention des utilisateurs. L’organisation souligne également la fréquence des notifications envoyées par l’application Shein, citant en exemple un appareil qui a reçu jusqu’à 12 notifications en une seule journée.

Une enquête de plus en plus approfondie sur les « schémas sombres »

Cette plainte intervient dans un contexte de recherche croissante sur l’utilisation de « schémas sombres » dans le commerce électronique. Un rapport de la Commission européenne datant de 2022 a révélé que presque toutes les plateformes d’achat populaires utilisent au moins un schéma sombre pour influencer le comportement des consommateurs. Des tactiques telles que les comptes à rebours, les messages de pénurie et la gamification sont des pratiques très répandues dans l’industrie, conçues pour exploiter les biais psychologiques et encourager les achats impulsifs.

Le jeu « Puppy Keep » de Shein semble inoffensif, mais il représente un exemple sophistiqué d’une stratégie visant à créer un comportement habituel en se connectant quotidiennement. Cette normalisation des conceptions manipulatrices est devenue de plus en plus courante au cours de la dernière décennie, conduisant même la Commission fédérale du commerce (FTC) à prendre des mesures contre de grandes entreprises telles qu’Amazon pour des pratiques similaires.

Les régulateurs sont confrontés au défi complexe de distinguer les stratégies de marketing légitimes des manipulations nuisibles, d’autant plus que ces tactiques continuent d’évoluer et deviennent plus sophistiquées avec l’intégration de l’intelligence artificielle.

Modèle d’entreprise

Selon le BEUC, les motifs sombres ne sont pas simplement un choix marketing, mais font partie intégrante du modèle commercial de la mode ultra-rapide, qui s’appuie fortement sur la consommation de masse pour prospérer. L’industrie moderne de la mode rapide a considérablement accéléré les modes de consommation. Les consommateurs britanniques achètent aujourd’hui quatre fois plus de vêtements qu’en 1980.

Des entreprises comme Shein et Zara ont mis en place des chaînes d’approvisionnement exceptionnellement rapides. Elles produisent des milliers de nouveaux modèles chaque année et mettent les produits sur le marché en quelques jours. Ce cycle de production rapide nécessite un cycle de consommation tout aussi rapide, alimenté par des schémas sombres qui créent une urgence artificielle et un sentiment de FOMO.

L’environnement numérique amplifie cette dynamique, les médias sociaux et les applications mobiles offrant constamment des opportunités d’achats impulsifs par le biais de notifications et d’expériences gamifiées. Il en résulte un cycle d’auto-renforcement où la consommation est déconnectée des besoins réels, ce qui conduit à un gaspillage excessif. Rien qu’au Royaume-Uni, on estime que 1,72 million de tonnes de vêtements neufs sont achetés chaque année.

La réponse de l’UE

L’action de l’UE contre Shein constitue un test important pour l’application des cadres de protection des consommateurs existants aux nouveaux modèles commerciaux numériques. Bien que l’UE dispose d’outils réglementaires par le biais de directives sur les pratiques commerciales déloyales et les droits des consommateurs, l’application de ces directives est incohérente, ce qui permet aux pratiques douteuses de continuer à se répandre.

La législation traditionnelle en matière de protection des consommateurs a été élaborée avant l’émergence des techniques avancées de manipulation numérique. Cela a créé des lacunes réglementaires que les entreprises ont exploitées. Alors même que les régulateurs commencent à s’attaquer à ces problèmes, les plateformes continuent à développer des méthodes plus subtiles et plus efficaces pour influencer le comportement des consommateurs, souvent sans commettre d’infractions manifestes.

Les accusations portées contre Shein font suite à une action similaire contre Temu, ce qui indique une approche plus systématique de la part des régulateurs face aux tactiques de manipulation déployées par les plateformes de mode ultra-rapide. L’ampleur de ces plateformes, qui opèrent dans des dizaines de pays et comptent des millions d’utilisateurs quotidiens, place les autorités de régulation qui cherchent à protéger les consommateurs contre les manipulations face à des défis sans précédent en matière d’application de la loi.

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