Alors qu’une grande partie du monde se sert avec succès des mesures sanitaires et des vaccins pour apprivoiser le coronavirus, l’épidémie est plus grave que jamais au Brésil. C’est important pour nous tous, car si le Brésil ne maîtrise pas le virus, il deviendra le plus grand laboratoire à ciel ouvert du monde permettant au virus de muter. Et l’épicentre de la propagation de variants plus infectieux, voire plus mortels.
Le nombre de décès au Brésil a atteint un nouveau sommet la semaine dernière, avec une moyenne de 1.208 par jour. Le système de santé est maintenant vraiment au bord de l’effondrement. Et un variant très contagieux et potentiellement plus dangereux se répand dans tout le pays.
Dès le début de la crise sanitaire mondiale, le Brésil s’est démarqué par la gravité de son épidémie. Sous la direction chaotique du président Jair Bolsonaro, la gestion a été rongée par des divisions internes et trompée par des charlatans médicaux. Plus d’un quart de million de Brésiliens sont aujourd’hui morts du Covid-19, un bilan que seuls les États-Unis ont dépassé. Pour ne rien arranger, la campagne de vaccination brésilienne est entravée par des pénuries et des retards.
Les hôpitaux au bord du gouffre
‘Dans ce scénario, si rien n’est fait, les gens commenceront vraiment à se battre pour des lits d’hôpitaux en mars’, a alerté Domingos Alves, directeur du laboratoire d’intelligence sanitaire de l’université de São Paulo. ‘Nous devrons ouvrir de nouveaux cimetières pour enterrer les corps’.
Les analystes de la santé avertissent que les conséquences au niveau mondial pourraient être importantes. Le Brésil a déjà montré qu’il produisait de nouvelles mutations du coronavirus, potentiellement plus dangereuses. Le variant connu sous le nom de P.1, découvert plus tôt cette année, a fait des ravages dans la ville amazonienne de Manaus. Entraînant plus de morts en janvier et février que pendant toute l’année 2020.
Autrement dit: si le Brésil ne maîtrise pas le virus, il deviendra le plus grand terrain de jeu du virus pour lui permettre de muter. Le pays ne serait alors pas seulement l’épicentre de la pandémie, mais aussi l’épicentre de la propagation de variants plus infectieux et plus mortels. Ce qu’il se passe au Brésil est donc crucial pour le bien-être de toute planète.
Lorsque le virus a frappé le Brésil l’année dernière, il a d’abord ciblé les villes, puis s’est répandu dans les campagnes. Ce décalage a été salvateur pour le Brésil. Les soins de santé y sont fortement concentrés dans les capitales des États. Ainsi, au moment où les habitants des communautés rurales ont commencé à inonder les hôpitaux des villes, ces établissements avaient eu le temps de se remettre de l’afflux initial des patients urbains.
Mais les rassemblements massifs lors des élections de novembre, suivis des fêtes de fin d’année et du carnaval ont tout chamboulé, poussant les infrastructures médicales de tout le pays dans leurs retranchements. C’est la première fois dans l’histoire du Brésil que les deux tiers des systèmes médicaux des capitales d’Etat brésiliennes s’effondrent en même temps. Même à São Paulo, la ville la plus riche de l’hémisphère sud, les soins de santé vont faillir dans les deux prochaines semaines, prédisent les médecins.
Des politiciens terrifiés à l’idée de déclarer un confinement
Les experts ont appelé à un lockdown immédiat d’au moins trois semaines dans tout le pays pour éviter une catastrophe humanitaire. Mais un tel effort coordonné à l’échelle nationale pour combattre le virus semble peu probable.
Bolsonaro, qui a exhorté les Brésiliens à ne pas tenir compte de la pandémie dès le départ, a cherché ces derniers jours à minimiser la pénurie de lits d’hôpitaux. Il a également critiqué les nouvelles restrictions imposées par les autorités locales et s’est inquiété des effets secondaires de l’utilisation d’un masque buccal. Il a soutenu que ceux-ci provoquaient notamment des démangeaisons, des maux de tête et des difficultés de concentration. Et que ces masques étaient mauvais pour les enfants.
Certaines villes ont imposé de nouvelles restrictions: un couvre-feu à Brasilia et la fermeture des activités non essentielles à Porto Alegre en sont des exemples. Mais les analystes estiment que ces mesures sont terriblement insuffisantes.
Les politiciens sont extrêmement réticents à l’idée d’instaurer un confinement complet. Le chômage atteint des sommets et la pandémie a plongé des millions de Brésiliens dans la pauvreté. Les paiements d’urgence en espèces offerts par le gouvernement fédéral l’année dernière ont désormais été interrompus. Au Brésil, un pays où les inégalités et l’instabilité sociale sont massives, un lockdown sans compensations financières pourrait conduire à la faim, et à la violence.