Après une avancée fulgurante, les talibans sont parvenus à remettre la main sur Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, 20 ans après avoir été chassés par les États-Unis et plusieurs alliés occidentaux. Un changement de pouvoir qui pose de nombreuses questions sur l’avenir du pays.
Charia, droits des femmes, combats… à quoi va ressembler l’Afghanistan maintenant que les talibans sont à nouveau au pouvoir ? Difficile à dire. Le mouvement fondamentaliste islamiste armé a tout de même fait plusieurs promesses lors d’une conférence de presse, dont la réconciliation dans le pays ou encore la protection des droits des femmes en accord avec la loi islamique. De belles promesses qui laissent les pays occidentaux dubitatifs concernant les projets des talibans. Doit-on s’attendre aux mêmes politiques talibanes qu’il y a vingt ans, lorsque la milice islamiste était au pouvoir ? Une chose est sure, la vision du mouvement fondamentaliste islamiste a changé sur certains points, mais pas forcément pour le meilleur.
L’Afghanistan, premier pays producteur d’opium au monde
Lorsqu’ils étaient au pouvoir, de 1996 à 2001, les talibans appliquaient un rigorisme religieux extrême et un conservatisme exacerbé. C’est pourquoi, à l’époque, la production d’opium avait chuté de 90%. L’islam prohibe en effet la consommation de drogue, il était donc assez logique que le mouvement fondamentaliste islamiste ait lutté contre sa production dans le pays, et ce, malgré la rentrée financière considérable que représentait le marché. Mais le repli des talibans au début des années 2000 a entrainé l’explosion des champs de pavot – plante à partir de laquelle est extraite l’opium – dans le pays.
En 2020, l’Afghanistan comptait pas moins de 224.000 hectares de pavot, selon l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC), soit une augmentation de 37% par rapport à 2019. De quoi produire 6300 tonnes d’opium, contre une quarantaine il y a 20 ans. En 2017, les revenus totaux de cette filière étaient estimés entre 4,1 milliards et 6,6 milliards de dollars, soit entre 20% et 32% du PIB de l’Afghanistan. Si aujourd’hui, la production d’opium ne vaut plus autant, en raison de la chute des prix, la culture du pavot reste malgré tout une part importante de l’économie afghane. Le pays occupe en effet un quasi-monopole sur le marché de l’opium à l’échelle mondiale, ce qui représente évidemment énormément d’argent.
C’est d’ailleurs pourquoi la vision des talibans vis-à-vis de la culture du pavot a – officieusement – changé. Selon l’ONU, la milice islamiste est désormais totalement impliquée dans la production d’opium, de la plantation du pavot à l’exploitation de son latex – l’opium – qui contient des substances analgésiques et psychotropes après traitement.
Selon les estimations, le marché aurait rapporté entre une dizaine et plusieurs centaines de millions de dollars chaque année aux talibans, et ce, malgré les 8,6 milliards de dollars investis par les États-Unis entre 2002 et 2017 pour freiner le trafic de drogue en Afghanistan, indique Reuters.
La participation des talibans dans le trafic de drogue représente évidemment une importante contradiction vis-à-vis des idéaux qu’ils défendent. Les sommes d’argent qui sont en jeu ont certainement joué dans la balance jusqu’ici et pourraient continuer de peser lourd dans la politique de la milice concernant la question de la production de drogue, maintenant qu’ils sont à nouveau au pouvoir.
Une source de revenus non négligeables
Si les talibans venaient à appliquer une nouvelle fatwa contre la culture du pavot, comme ils l’avaient fait en juillet 2000, ces derniers devront donc faire une croix sur l’une de leurs principales sources de revenus, mais ils pourraient également se mettre à nouveau à dos une partie de la population locale qui tire ses revenus de cette culture. Ce sont des centaines de milliers d’emplois qui sont concernés par la production d’opium dans le pays.
Le porte-parole de la milice a pourtant indiqué que « l’Afghanistan ne sera plus un pays de culture de l’opium », lors d’une conférence de presse. La production va être réduire « à nouveau à zéro ». Une promesse qui parait pour l’instant irréalisable tant l’exploitation de l’opium représente une part importante des revenus de la milice, mais aussi du pays.
On peut d’ailleurs imaginer que la culture de pavot restera autorisée, afin de fournir le marché noir mondial en opium, mais que sa consommation dans le pays sera profondément prohibée.
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