La “germanisation” de la BCE inquiète l’Europe

À la Banque Centrale Européenne (BCE), la nationalité qui prédomine parmi le personnel est la nationalité allemande. Dans ce contexte, la potentielle nomination du patronde la Bundesbank, Jens Weinmann, pour succéder en 2019 au président actuel de l’institution, l’Italien Mario Draghi, suscite de vives inquiétudes.

La BCE a son siège à Francfort, la capitale financière allemande, et les Allemands sont sur-représentés au sein de ses équipes. Ainsi,sur les 2900 membres de son personnel, 29 % sont Allemands, près de 15 % sont Belges, 12 % sont Italiens, et 8 % sont Français. L’institution compte plus d’Allemands dans son personnel que d’employés français, italiens et espagnols cumulés.

Les Allemands s’accaparent également 30 % des postes de cadres supérieurs. De plus, quatre des six principaux conseillers du directoire de la Banque centrale européenne sont Allemands. Or, jusqu’à présent, l’institution n’a jamais été gouvernée par un Allemand, et le président de la banque centrale allemande, Jens Weinmann, est considéré comme le favori, en grande partie pour cette raison.

Une influence allemande

Le Wall Street Journal affirme qu’il a eu communication de données non rendues publiques montrant que les Allemands exercent déjà une forte influence au sein de l’institution. L’un de ses services économiques les plus importants, qui produit en particulier les prévisions et les recommandations de politique économique, est surnommé en interne « la divisionpanzer ».

Ce surnom lui a été attribué lorsqu’il était dirigé par Jürgen Stark, l’ancien économiste en chef de la banque. Aujourd’hui, c’est le Belge Peter Praet (qui est toutefois né en Allemagne de mère allemande…), qui est à la tête de ce service. L’année dernière, 34 % des employés de ce service étaient de nationalité allemande.

Deux poids, deux mesures

« Il y a une germanisation de la BCE, ce qui bien sûr alimente un sentiment de préjugés à l’égard des pays de la périphérie », explique le président d’une banque des pays du sud de l’Europe. En 2011, une étude menée par le think tank allemand Ifo avait conclu que la nationalité des gouverneurs de la banque centrale pouvait avoir une influence sur leurs décisions en matière de taux d’intérêt.

En Allemagne, la BCE a souvent été critiquée pour avoir mené une politique d’assouplissement monétaire pour relancer l’économie sous la direction de Mario Draghi, un Italien. Dans le reste de la zone euro, cependant, beaucoup pensent que la BCE a agi trop tardivement en raison de l’influence allemande.

L’obsession de l’inflation

La nomination d’un Allemand au poste de président risque donc d’intensifier ce sentiment. Par le passé, la BCE a souvent été accusée de trop se préoccuper de l’inflation, une obsession allemande. Un officiel de la banque souligne que cette dernière a beaucoup critiqué les pratiques des institutions financières italiennes, portugaises ou espagnoles, et qu’elle a en revanche constamment épargné leurs homologues allemandes.

Selon Karel Lannoo, du think tank Center for European Policy Studies, « la nationalité du personnel de la BCE est extrêmement importante. Les Allemands ont une certaine vision de l’austérité de la la manière dont on manipule l’argent, les emprunts, et des opinions fortes en ce qui concerne le quantitaive easing ». Les porte-parole de l’institution affirment que ce sont les compétences et le talent qui sont déterminants pour le recrutement à la BCE, tout en soulignant qu’il est normal qu’on y retrouve un plus grand nombre d’employés allemands, compte tenu de sa localisation à Francfort.

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