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La BCE veut éviter à tout prix une panique sur la dette italienne, mais son instrument anti-spread ne plait pas aux Allemands

La BCE veut éviter à tout prix une panique sur la dette italienne, mais son instrument anti-spread ne plait pas aux Allemands
Christine Lagarde – Credit: Hollie Adams/Bloomberg via Getty Images

Plus encore que l’inflation, la BCE a une peur bleue d’une nouvelle crise de la dette. La Banque centrale européenne veut éviter à tout prix de revivre le scénario de 2010-2012. La semaine dernière, Christine Lagarde a annoncé la création d’un outil pour réduire les écarts des taux d’emprunt souverains entre les pays de la zone euro. « Vous devez tuer ces spreads dans l’oeuf », a-t-elle réaffirmé, sur un ton très volontariste.

Une nouvelle crise de la dette dans l’Europe du Sud ? On n’en est pas encore là, mais les coûts des emprunts publics se sont envolés en périphérie de la zone euro, depuis que la BCE a confirmé sa volonté d’augmenter ses taux pour lutter contre l’inflation.

Concrètement, certains craignent que la dette des pays du sud et en particulier de l’Italie ne devienne insoutenable suite à l’augmentation des taux d’intérêt. Avec un effet de contagion sur le système bancaire qui détient des obligations d’État.

Ce qui inquiète en particulier les observateurs est l’écart de rendement entre les obligations italiennes et les obligations allemandes à 10 ans, considérées comme la référence dans la zone euro. La semaine dernière, le « spread » a atteint près de 250 points. Il n’y a pas de niveau universellement accepté pour cet écart, mais certains estiment qu’il devrait plutôt se situer entre 100 et 150 points, et se justifierait par l’écart économique entre les deux pays.

Pour le moment, l’écart de taux sur les obligations espagnoles à 10 ans a peu varié, à 126 points de base, de même que sur les obligations grecques, à 262 points.

La BCE doit-elle intervenir ou pas ?

Mais un vent de panique a soufflé sur les actions des banques italiennes. Car dans un premier temps, la BCE a fait savoir qu’elle n’avait pas vocation à sauver les budgets des États membres. Quelques jours plus tard, pour éviter que la panique ne se prolonge sur les marchés, la BCE a fait volte-face, annonçant son intention de diriger vers les nations les plus endettées les liquidités provenant de la dette arrivant à échéance dans le cadre du plan de soutien à la pandémie, qui était censé prendre fin.

Ensuite, la BCE a annoncé la création d’un outil anti-spread dont les contours et l’échéance sont toutefois encore flous. Mais la BCE est parvenue à calmer le jeu, et l’écart entre les obligations italiennes et allemandes à 10 ans s’est réduit dans la foulée.

Mais voilà qu’une pluie de critiques s’abat sur la BCE qui devrait se limiter à son rôle de contrôler les prix, en ramenant l’inflation autour des 2%. « Le travail de la BCE consiste à assurer la stabilité des prix, pas à garantir des conditions de financement favorables », a déclaré Markus Ferber, membre conservateur allemand du Parlement européen. « Certains pays reçoivent maintenant simplement la facture d’années de politiques budgétaires irresponsables ».

« Si la BCE lance maintenant un énième programme pour maintenir les spreads à un niveau bas, elle se rapproche dangereusement (du) financement de l’État monétaire », a ajouté M. Ferber, ce qui est interdit par les traités.

Le président de l’institut économique allemand ifo, Clemens Fuest, a lui aussi mis en garde l’institution européenne : « La BCE veut commencer à aider financièrement certains États membres en limitant les écarts de taux d’intérêt. Cela conduira à de nouveaux débats sur les limites du mandat de la BCE », a-t-il estimé dans Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne.

L’AFP rappelle qu’un outil similaire créé en réponse à la crise de la dette de 2012 avait pour cette raison été attaqué par des eurosceptiques allemands devant la Cour constitutionnelle.

« Tuer dans l’oeuf »

Après avoir réagi timidement, la BCE prend le taureau par les cornes. C’est Christine Lagarde en personne qui est venue justifier la création d’un tel instrument, rappelant que « la lutte contre les spreads était au coeur de la politique de la BCE ».

Ces « spreads, vous devez les tuer dans l’oeuf », a-t-elle assuré en conférence de presse. « Personne ne devrait douter de notre détermination et de notre engagement ». Le danger bien sûr, c’est que la BCE se voit privée de la possibilité d’augmenter les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Car une telle hausse ferait trop de mal aux finances de certains États. La BCE se trouverait alors coincée entre deux feux.

En attendant, la question de savoir si on se trouve dans les mêmes conditions que la crise de la dette de 2010-2012 se pose. Les grandes banques italiennes ont fortement réduit leurs avoirs en obligations nationales et en produits risqués. Mais de plus petites banques posent toujours problème, analyse Reuters.

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