La Banque centrale européenne (BCE) a semblé se reposer sur ses lauriers pendant longtemps, alors que les banques centrales du reste du monde étaient déjà occupées à relever les taux d’intérêt. Lors de sa dernière réunion, le régulateur a (enfin) annoncé des mesures visant à freiner l’inflation. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a renforcé ce message lors du Forum d’été de Sintra.
La BCE augmentera ses taux d’intérêt le mois prochain, pour la première fois en onze ans. Lors de la dernière réunion sur les taux d’intérêt, Chrsitine Lagarde a confirmé qu’une augmentation de 25 points de base était prévue. Le superviseur européen suit ainsi les traces, entre autres, de ses homologues américains et britanniques. Entre-temps, ces banques centrales ont déjà relevé les taux d’intérêt à plusieurs reprises. La Fed a même récemment relevé le taux d’intérêt de 75 points de base.
Augmentation de la pression inflationniste
S’exprimant lors du forum d’été de la BCE à Sintra, une municipalité du Portugal, Lagarde a réaffirmé qu’il y aura une hausse des taux d’intérêt en juillet. « Les pressions inflationnistes augmentent et deviennent plus intenses », a-t-elle fait entendre. « Rien ne laisse encore présager la fin prochaine des prix élevés des produits de base et de l’énergie. » L’inflation en Europe (zone euro) a atteint 8,1 % en mai, un niveau record. Ce chiffre est également quatre fois supérieur à l’objectif fixé par le régulateur. Le régulateur vise une inflation de 2% à moyen terme.
Les critiques se demandent si une augmentation de 25 points de base sera suffisante pour freiner l’inflation. Actuellement, les banques de la zone euro doivent toujours payer un taux d’intérêt négatif de 0,5% si elles placent de l’argent auprès du régulateur. Même avec l’augmentation prévue en juillet, le taux restera négatif jusqu’en septembre au plus tôt.
La BCE optera-t-elle pour une augmentation de 50 points de base ?
Au sein de la banque centrale également, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une hausse plus rapide des taux d’intérêt. Plusieurs membres du conseil ont déjà préconisé une augmentation de 50 points de base. Martins Kazaks, membre letton du conseil d’administration de la BCE, a par exemple plaidé pour une telle augmentation accélérée peu avant le début du forum d’été portugais.
« Si nous constatons que la situation s’est détériorée, que l’inflation est élevée et que les prévisions d’inflation sont pessimistes, alors, à mon avis, il serait judicieux d’avancer une telle augmentation », estime-t-il. Klaas Knot, gouverneur de la Nederlandsche Bank (DNB, banque nationale des Pays-Bas), et Robert Holzmann, président de la Österreichische Nationalbank (Banque nationale autrichienne), sont également favorables à une augmentation de 50 points de base.
Lagarde a reconnu lors de son discours qu’il y a des circonstances où une augmentation progressive n’est plus appropriée. « Par exemple, lorsque nous voyons les anticipations d’inflation se découpler de l’inflation-même ou lorsqu’il y a une dislocation économique excessive dans la disponibilité des produits de base. Dans une telle situation, nous devrions revoir notre politique accommodante plus rapidement », explique-t-elle. Cela correspond à ce qu’elle avait déclaré lors de la dernière réunion sur les taux d’intérêt.
Un difficile exercice d’équilibre
Cela reste un exercice d’équilibre difficile pour la banque centrale. Un relèvement trop rapide des taux d’intérêt pourrait s’accompagner d’une stagflation (croissance économique lente combinée à une forte inflation) ou d’une récession, surtout si les prix de l’énergie continuent de s’envoler en raison de la guerre en Ukraine.
Lagarde a noté que l’érosion du pouvoir d’achat des ménages pourrait freiner la demande, mettre à l’épreuve la résilience du marché du travail et atténuer la hausse attendue des salaires.
Lagarde n’a, de manière remarquable, pas mentionné une seule fois le mot « récession » pendant son discours. Plus encore, elle a souligné que la BCE s’attend toujours à des chiffres de croissance positifs « en raison des amortisseurs nationaux contre la perte de la dynamique de croissance. »
(CP)