Un plafonnement des prix sur le pétrole russe : pourquoi c’est (très) compliqué

Le G7 réfléchit à imposer un prix maximum sur le pétrole russe, car malgré les différents embargos, la Russie s’enrichit, plus qu’avant la guerre, avec ses ventes de pétrole. Le groupe pense également à exiger un plafond des prix sur le gaz. Mais ces deux idées posent question.

Depuis plus de quatre mois, la guerre fait rage en Ukraine, et les pays occidentaux prennent des sanctions contre la Russie, en représailles. Les dirigeants des pays du G7 – les 7 premières puissances mondiales selon un classement fixé en 1975 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) – actuellement réunis en Bavière, en Allemagne, discutent de nouvelles sanctions. L’UE, avec Charles Michel et Ursula von der Leyen, est également assise autour de la table.

Une mesure qui est à l’ordre du jour est l’imposition d’un prix maximum sur le pétrole russe. C’est que les pays veulent couper les revenus conséquents que le pétrole procure à la Russie : 20 milliards de dollars rien que pour le mois de mai, contre une moyenne mensuelle de 15 milliards de dollars en 2021. Pourtant, la Russie dispose de moins de clients aujourd’hui, mais les prix de l’énergie se sont envolés. D’où cette idée de limiter les hausses de prix du carburant pour leurs économies et leurs citoyens.

Voilà une proposition introduite par les Etats-Unis. Le pays de Joe Biden était le premier pays à décréter un embargo sur le pétrole russe, début mars, avant le Royaume-Uni (progressif jusqu’à la fin de l’année) et le Canada. L’Europe a récemment suivi, après de longues discussions, et veut évincer les importations de pétrole et de produits pétroliers russes d’ici la fin de l’année (et dans des délais plus longs pour certains pays membres). Des mesures qui étaient censées faire l’effet d’une bombe sur l’économie russe, mais le contraire s’est produit : avec la plus forte demande que ces embargos créent auprès d’autres fournisseurs, les prix augmentent, ce qui profite également à la Russie, même si elle doit vendre moins cher que les autres. En Chine et en Inde notamment, les importations de pétrole russe augmentent considérablement depuis plusieurs mois, ce qui contrecarre les plans initiaux des Occidentaux.

200 dollars le baril

Les embargos peuvent donc sembler comme un coup d’épée dans l’eau. Pour véritablement punir la Russie avec un embargo, il faudrait que de nombreux autres pays renoncent au pétrole russe. Or, si les nouveaux clients de la Russie arrêtent d’acheter son or noir (via d’éventuelles sanctions, par exemple), ils devront trouver d’autres sources de pétrole, qui sont déjà très demandées. Le prix du baril passerait alors facilement à 200 dollars, explique Darwei Kung, gestionnaire de portefeuilles auprès de DWS, à CNN.

Un prix insoutenable pour une économie. Pour cette raison, les pays du G7 réfléchissent alors à l’imposition d’un prix maximum sur le pétrole russe, plutôt. Comment cela fonctionnerait-il? A partir de quand? Et quel serait le plafond? Voilà des questions sur lesquelles les pays doivent encore travailler.

Puis il y a l’épreuve de la réalité : la Russie va-t-elle accepter les prix planchers si son pétrole est déjà boycotté par tous les pays qui lui imposent ce prix ? On en revient au même problème: quelle sera la réponse des autres pays, notamment de la Chine, qui n’a jusqu’ici soutenu aucune des sanctions de l’Occident ?

Un autre problème avancé est qu’un prix maximum créera de la « complexité » sur le marché, ce qui rendra les transactions plus difficiles et pourrait donner une nouvelle envolée aux prix. « Plus le système est compliqué, plus il y aura de défis », reprend Kung. « Le système de marché fonctionne parce que, d’une certaine manière, il est très simple. Il est très efficace. »

Plafonds sur les prix de l’énergie

Mais la mesure proposée fait réfléchir les dirigeants du G7, qui voient même plus loin : pourquoi ne pas imposer un plafond – temporaire – des prix, sur l’ensemble de l’énergie? Dans un brouillon d’une décision obtenu par le Financial Times, suite à la réunion de lundi soir en Bavière, les pays étudieront la « faisabilité » de tels plafonds temporaires. Un officiel cité estime que les pays sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’une bonne idée, mais qu’il reste beaucoup de travail à faire pour le mettre en pratique.

Une solution supplémentaire pour soulager les factures a été avancée par la France : augmenter l’offre mondiale. La France vise particulièrement le pétrole vénézuélien et iranien, sous embargo des Etats-Unis. Avec ce pétrole en plus sur le marché, les prix pourraient également baisser. Les pays de l’OPEP, eux, ne sont pas pressés de faire baisser les prix.

Ces deux mesures ne vont pas sans leur lot de questions également. Comment, quand, combien, pour combien de temps? Les pays producteurs de pétrole et de gaz accepteront-ils les plafonds? Là aussi, il en va de la « complexité » créée sur le marché. « C’est un défi compliqué. Il n’est pas évident pour moi de savoir comment ce mécanisme fonctionnerait », analyse le CEO d’Exxon Mobil, interrogé par le FT. « Dans le pétrole et le gaz, les marchés fonctionnent de manière très efficace et efficiente ».

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