Il y a des choses bien pires qui nous pendent au nez que la variole du singe

Selon le site web de ProMED, le plus grand système de surveillance ouvert au monde pour le signalement des épidémies, le mois de mai a été mauvais pour les maladies infectieuses. Et cela n’a rien à voir avec la variole du singe, qui provoque actuellement de la panique en Occident. Il y a des choses bien pires qui circulent dans le monde. Des choses nouvelles, beaucoup plus alarmantes aussi. Mais nous ne semblons toujours pas réaliser, même après l’alerte au coronavirus, ce qui nous pend au nez. Et, surtout, nous ne semblons pas comprendre – ou vouloir faire face à – ce que nous devons faire pour éviter une pandémie vraiment grave.

Au cours des trois dernières semaines, on a recensé près de 100 cas et 18 décès humains dus à une maladie étrange transmise par des tiques en Iraq ; une nouvelle épidémie de virus Ebola et plus de 100 cas de peste bubonique ont été découverts en République démocratique du Congo ; et deux ans seulement après que l’Afrique a été déclarée exempte de polio sauvage, de nouveaux cas sont apparus au Malawi et au Mozambique. Une forme dangereuse de typhoïde circule au Népal, en Inde et en Chine. Sur plusieurs continents, des maladies transmises par les moustiques, telles que le paludisme, la dengue et le virus du Nil occidental, font l’objet d’épidémies alarmantes.

Dans ce contexte mondial, les foyers de variole du singe, jusqu’ici très limités, qui ont commencé à apparaître le mois dernier – dont 6 cas en Belgique – ne sont remarquables que parce qu’ils sont signalés dans des pays riches.

Les pandémies animales sont également en augmentation. La peste porcine africaine continue de sévir dans le monde et plusieurs types de grippe aviaire mortelle se propagent, obligeant à abattre des centaines de millions de volailles.

Des vétérinaires et des écologistes ont également mis en garde ce mois-ci contre de mystérieuses maladies fongiques découvertes chez des poissons et des animaux marins en Australie et dans des pays du Moyen-Orient, ainsi que contre des maladies mortelles chez des chiens et d’autres animaux domestiques.

Ce n’est pas une coïncidence si 335 nouvelles maladies mortelles sont apparues depuis 1940

Nous vivons avec plusieurs milliers de virus potentiellement mortels qui circulent chez d’autres espèces, mais ce qui est remarquable, c’est que la plupart des virus qui affectent les gens aujourd’hui étaient tout simplement inconnus il n’y a même pas 70 ans. Non seulement de nouveaux agents pathogènes passent de plus en plus souvent des animaux aux humains, mais un nombre croissant d’entre eux sont liés aux changements que nous, en tant qu’espèce, provoquons dans l’environnement mondial et local. Le changement climatique va exacerber la propagation rapide des virus et des agents pathogènes à mesure que l’homme se déplace dans le monde naturel.

Ce n’est pas une coïncidence si 335 nouvelles maladies potentiellement mortelles sont apparues dans le monde depuis 1940, alors que la population humaine a triplé, que le climat a changé et que la consommation de viande a augmenté de façon spectaculaire. Les écologistes des maladies affirment que rien n’augmente le risque de passage d’un agent pathogène d’une espèce à l’autre comme l’expansion incontrôlée de l’agriculture et l’exploitation humaine des espèces sauvages.

Plus l’homme s’est développé et a empiété sur des zones sauvages ou a imposé des conditions non naturelles à d’autres espèces, plus nous avons créé un environnement idéal pour que les virus et les agents pathogènes se propagent entre les espèces, mutent et se répandent. Le VIH, l’Ebola, la fièvre de Lassa et la variole du singe en Afrique ; le SRAS et le Covid-19 en Chine ; le Chagas, le Machupo et le Hantavirus en Amérique latine ; le virus de Hendra en Australie ; le MERS en Arabie saoudite – tous sont apparus au cours des 75 dernières années, à une époque où nous avons accéléré la déforestation, déménagé vers les villes, empiété de plus en plus sur les habitats animaux et créé une économie mondiale.

Le plus grand danger ? Une nouvelle grippe aviaire

Le plus inquiétant pour l’homme n’est pas la variole du singe, la peste ou même le virus Ebola, qui semblent dangereux et exotiques mais qui sont aujourd’hui plus ou moins contrôlables grâce aux vaccins. Ce qui est le plus inquiétant aujourd’hui, c’est la menace d’une nouvelle grippe aviaire, qui a autant de chances de provenir d’une ferme de New York ou de l’UE que de la Chine ou de la Bolivie. Le poulet est aujourd’hui la viande la plus populaire au monde et des dizaines de millions d’oiseaux presque génétiquement identiques et sensibles à des maladies catastrophiques, souvent élevés dans des conditions peu hygiéniques, pourraient se mêler aux oiseaux sauvages. Ce n’est qu’une question de décennies (au mieux) avant qu’une nouvelle souche hautement pathogène de grippe aviaire ne se développe et ne soit facilement transmissible entre humains.

L’histoire montre que les grandes pandémies de grippe avec des taux de mortalité très élevés se produisent tous les 30 ans – une moyenne que nous avons actuellement largement dépassée. Si nous avons de la chance, nous trouverons bientôt un vaccin pour le prochain et il ne tuera que 10 à 20% des personnes qu’il infectera. Si nous n’avons pas de chance, il pourrait être aussi transmissible que le variant Omicron et aussi mortel qu’Ebola – auquel cas ce serait effectivement la fin de la partie pour une grande partie de l’humanité et de l’économie mondiale.

Le changement climatique aggrave la situation

Le changement climatique, quant à lui, crée un monde plus chaud, ce qui a un impact potentiellement catastrophique sur les maladies. Le réchauffement climatique modifie fondamentalement le paysage des maladies en forçant ou en permettant aux espèces de survivre dans de nouveaux endroits et de se mélanger à d’autres. Les insectes tuent déjà environ 700.000 personnes par an, mais le réchauffement climatique permet aux moustiques, aux acariens, aux puces, aux tiques et à d’autres vecteurs de se développer dans de nouvelles zones, propageant la dengue, le chikungunya et d’autres maladies en altitude ou dans des climats auparavant plus frais.

Des bactériologistes canadiens ont montré comment les agents pathogènes se déplacent plus facilement vers de nouveaux hôtes sensibles en période de grands changements environnementaux historiques, comme aujourd’hui. Tout ce dont ils ont besoin, c’est d’une occasion de contact, et le réchauffement fait exactement cela. Une fois que les agents pathogènes se sont propagés à de nouveaux hôtes, il est plus probable que de nouveaux variants apparaissent, chacun ayant de nouvelles capacités d’infection.

La situation semble donc bien sombre. Mais la science et les nouvelles technologies sont en train de rattraper leur retard en matière de vaccins pour les maladies rares et négligées, et la surveillance mondiale et la détection précoce d’éventuels débordements de virus dans la nature se sont déjà considérablement améliorées.

La clé la plus importante pour nous protéger d’une nouvelle pandémie

Mais la clé la plus importante pour se prémunir contre la prochaine pandémie, et potentiellement une pandémie bien pire, est d’investir massivement dans les systèmes de santé publique des pays en développement. Ils constituent la première ligne de défense et les faire fonctionner est la précaution la plus sûre contre les maladies. La variole du singe est un très bon exemple de ce que nous ne comprenons toujours pas.

Le virus, découvert il y a cinq décennies en République démocratique du Congo, provoque une maladie bénigne chez la plupart des gens, ainsi que des cloques qui disparaissent généralement en quelques semaines. Il est beaucoup moins transmissible que le coronavirus et beaucoup moins mortel qu’Ebola. Il existe déjà un vaccin efficace.

La variole du singe illustre parfaitement le double standard que nous avons lorsqu’il s’agit de maladies : personne ne s’en est soucié – y compris les médias – jusqu’à ce que les Occidentaux commencent à tomber malades.

Au cours des deux dernières semaines, des cas de ce virus d’origine animale, que l’on trouve généralement en Afrique occidentale et centrale, sont apparus aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Israël et dans un nombre croissant de pays européens. « Nous » avons tous été surpris. Malgré le fait que plusieurs pays africains se soient battus contre des épidémies au cours des derniers mois (et des dernières décennies).

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