Homo Bodoensis, un nouveau nom fait son apparition dans l’arbre généalogique de l’humanité

Une nouvelle étude propose de mettre un peu d’ordre dans une des périodes les plus buissonnantes et les moins aisées à appréhender de l’évolution de notre espèce. Plutôt que de multiplier les noms et les classifications, des paléoanthropologues proposent de baptiser une nouvelle espèce qui regroupera plusieurs de nos ancêtres anciennement considéré comme distincts, mais fort difficile à différencier.

Il est temps, encore une fois de remiser nos cours et nos schémas de l’école au rayon des antiquités et de se mettre à jour sur les grandes étapes de l’évolution de notre espèce. Ce n’est ni la première fois ni la dernière sans doute, mais ce n’est quand quand même pas si courant : un nouveau nom vient d’apparaitre dans l’arbre généalogique du genre homo. Notre arbre, à tous, à nous l’humanité. Mais un nom qui ne fera sans doute pas l’unanimité.

Représentation par l’artiste ETTORE MAZZA

Car les archéologues n’ont pas eu la chance de découvrir un nouveau squelette qui se révèlerait être un nouvel ancêtre et qui chamboulerait notre compréhension de l’évolution. Avec Homo Bodoensis, il s’agit plus d’une proposition de réarrangement des étiquettes. Ou plutôt d’un rayon entier dans notre bibliothèque familiale, voire d’un étage du bâtiment : une équipe de chercheurs a proposé, dans une nouvelle étude, de revoir complètement notre vision de l’évolution humaine basée sur des ossements datant de 774.000 à 129.000 ans avant notre époque.

Une évolution buissonnante et pas linéaire

Une très longue période qualifiée de « Muddle in the Middle » ou dans la langue d’Yves Coppens de grand flou du milieu du Pléistocène. Une époque qui se caractérise par une multiplication des squelettes humains à la fois fort semblables et subtilement différents, fort dispersés dans le temps et géographiquement, en Afrique et en Eurasie. À tel point que la classification de ces individus en espèces distinctes, et leur qualification en « nos ancêtres », dresse les scientifiques les uns contre les autres depuis des années. Car c’est cette période qui voit émerger notre très proche cousin l’homme de Néandertal en Europe, et notre propre espèce, homo sapiens, probablement quelque part en Afrique.

Auparavant le consensus portait sur l’existence de deux espèces plus anciennes : Homo heidelbergensis, ancêtre commun des Néandertaliens et de sapiens, et Homo rhodesiensis, qui serait tellement similaire que les mêmes os sont régulièrement reclassés de l’un à l’autre. Cette nouvelle étude avance donc l’idée de que la plupart de ces fossiles pourraient simplement être définis sous le nom d’espèce H. bodoensis.

« Parler de l’évolution humaine au cours de cette période est devenu impossible en raison de l’absence d’une terminologie appropriée qui reconnaît la variation géographique humaine », argumente Mirjana Roksandic, autrice principale de l’étude et paléoanthropologue à l’Université de Winnipeg. « Nommer une nouvelle espèce n’est pas une mince affaire, car la Commission internationale de la nomenclature zoologique n’autorise les changements de nom que dans le cadre de règles très strictes. Nous sommes convaincus que celui-ci restera longtemps en place, un nouveau nom vit quand d’autres chercheurs commencent à l’utiliser. »

Selon la nouvelle classification, H. heidelbergensis et H. rhodesiensis seront effectivement supprimés. À la place, H. bodoensis sera utilisé pour décrire la plupart des humains du Pléistocène moyen d’Afrique, ainsi que certains d’Europe du Sud-Est. Les autres fossiles trouvés en Eurasie pourraient être reclassés dans la catégorie des Néandertaliens. Une évolution qui ne plaira sans doute pas à toute la communauté scientifique mais qui a le mérite d’être claire. Et qui permet d’évacuer une référence explicite à Cecil Rhodes, un impérialiste britannique du XIXe siècle qui a joué un rôle majeur dans les horreurs de l’Afrique australe coloniale et dont l’ancienne Rhodésie tirait le nom.

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