Hadja Lahbib ne se rendra pas « les mains vides » à Kiev, mais certains estiment que la Belgique « peut faire plus » : les vieux canons antiaériens belges sont une option

La Vivaldi devrait-elle proposer d’autres livraisons d’armes à Kiev ? Pour Hendrik Bogaert, député du CD&V, « nous pourrions vraiment faire plus ». Les Ukrainiens ont déjà régulièrement posé la question. Leur ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, l’a réitéré à la fin du mois dernier, à New York, lorsqu’il y a rencontré son homologue belge, Hadja Lahbib (MR). Cette dernière veut en finir avec l’agitation qui a entouré sa visite en Crimée, en tant que journaliste. Elle compte se rendre à Kiev prochainement. Mais elle « ne veut pas arriver les mains vides », a répété la ministre à plusieurs reprises. Les vieux canons anti-aériens belges sont une option. Après tout, l’Ukraine souffre sous les attaques russes de missiles de croisière et des drones iraniens : l’approvisionnement en énergie est particulièrement sous pression, avec l’hiver qui approche, suite aux attaques systématiques sur les centrales électriques. La Belgique a 38 vieux canons antiaériens Gepard en stock depuis des années, mais ils ont été vendus à la société OIP au début du siècle. Les racheter maintenant et les envoyer au front permettrait, diplomatiquement et militairement, de marquer des points pour la Vivaldi. Le vice-président de l’Open Vld, Jasper Pillen, n’est certainement pas opposé à cette idée : « Les Gepard ne sont pas une solution miracle, mais pour l’Ukraine, ils constituent une bonne réponse à la menace russe ». À la Défense même, on se refuse à tout commentaire.

Dans l’actualité : Jusqu’à présent, il y a eu des armes, du carburant et de l’aide humanitaire. La Belgique proposera-t-elle bientôt des équipements plus robustes : véhicules blindés, chars ou canons anti-aériens ?

Le détail : 150 véhicules blindés M113 et 38 chars anti-aériens Gepard prennent la poussière dans des hangars militaires belges.

  • « La Belgique n’abandonnera pas l’Ukraine. Nous continuerons à vous soutenir. Nous ne vous laisserons pas tomber. L’Ukraine gagnera cette guerre. » Ce sont les mots du Premier ministre Alexander De Croo, pour lesquels il a reçu des applaudissements venant de tous les bancs de la Chambre, lors de son discours sur l’état de l’Union, au début du mois.
  • Seulement, jusqu’à présent, la Belgique n’a pas vraiment été à la hauteur en matière d’aide militaire : la Belgique a donné quelque 213 millions d’euros jusqu’à aujourd’hui, a calculé le Kiel Insitut für Weltwirtschaft, qui suit les comparaisons. Plus de la moitié de cette somme est constituée d’aide humanitaire : la Vivaldi a fait don de plus de 117 millions d’euros à diverses institutions de l’OTAN, de l’ONU et de l’UE, pour aider les Ukrainiens. Cet argent a notamment servi à acheter des vêtements d’hiver, des lunettes de vision nocturne et des équipements de premiers secours pour les soldats ukrainiens.
  • Ensuite, ce que la Belgique a fourni en termes d’équipement « militaire », financièrement parlant, c’est surtout du carburant : quelque trois millions de litres. Il y a également eu une livraison de 6.000 fusils d’assaut, de la part de FN Herstal, ainsi que des missiles antichars MILAN obsolètes et 200 lance-roquettes M72 LAW, bons pour un usage unique. Enfin, il y avait des casques, des gilets pare-balles et des lunettes de vision nocturne. La valeur de ce paquet militaire est estimée à 96 millions, bien que ce chiffre soit calculé de manière optimiste : les gens regardent le prix de vente de l’équipement, et non sa valeur réelle. Selon les initiés, un dixième de ce montant est plus proche de la réalité.
  • Quoi qu’il en soit : avec seulement 213 millions de dons, la Belgique se positionne fermement en bas du classement des pays apportant un soutien militaire à l’Ukraine. Même si l’on considère le pourcentage du PIB, on ne va pas beaucoup plus loin : 0,04 % du PIB de la Belgique a été donné, les États baltes approchent le 1 %. Les États-Unis se contentent de 52 milliards de dollars de dons, soit 0,2 % du PIB total.
  • Ces livraisons d’armes restent une question difficile au sein de la coalition. Au début du conflit, les Verts ont d’abord freiné fermement, puis ont cédé. Mais comme mentionné, cela n’a jamais impliqué d’équipement lourd. Et avec à chaque fois le même argument de la part de la Défense, dirigée par la ministre Ludivine Dedonder (PS) : « Nous n’avons pas de stocks ». Ce n’est qu’après une longue pression des partenaires de la coalition que les armes antichars (obsolètes) y ont été envoyées, par exemple.
  • Dans l’hémicycle, le CD&V ne mâche pas ses mots : « Vous vous heurtez naturellement à vos propres capacités. Nous ne sommes pas l’armée la mieux équipée du monde, mais nous pourrions en faire un peu plus de temps en temps. On pourrait faire plus pour l’Ukraine sur le plan militaire », a déclaré Hendrik Bogaert à propos du dossier. « Pour cela, on peut s’adresser à des entreprises privées, qui ont beaucoup d’équipements dans des hangars », entend-on.
  • Le fait qu’au même moment, une enveloppe entière vienne d’être approuvée par la Vivaldi, pour investir à nouveau massivement dans l’armée, peut être une opportunité à cet égard, explique Bogaert. Il est favorable à l’idée d’accélérer les achats, afin que les équipements de Défense soient également débloqués plus rapidement pour l’Ukraine. « Cet argent doit être dépensé de toute façon ».
  • Mais tant le CD&V que l’Open Vld avertissent que la Belgique doit comprendre le signal d’alarme actuel et, surtout, investir rapidement et fermement, entre autres, dans de nouvelles générations de canons antiaériens. « Si les nouveaux vêtements ne sont pas encore arrivés, ne donnez pas les anciens, sinon vous serez nu », prévient Bogaert.
  • Le député et spécialiste de la défense Jasper Pillen (Open Vld) a également indiqué que la Belgique n’est pas préparée à un conflit avec des drones ou des attaques de missiles. Il a même mis sur la table l’idée de racheter les Gepard pour notre propre armée, une idée que la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS) a rapidement écartée. « La ministre nous a informés, en plaisantant à moitié, qu’elle n’allait pas revenir sur cette décision maintenant », a expliqué Pillen.
  • On ne sait pas à quel point ce rachat peut devenir concret, si la ministre des Affaires étrangères, Lahbib, et peut-être aussi le Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld), se rendent enfin à Kiev. Car il y a beaucoup de brouillard au sein de la Vivaldi sur les livraisons d’armes.
  • Au cabinet du Premier ministre et aux Affaires étrangères, ils renvoient la balle à la Défense pour tous les dossiers d’acquisition d’armes. « Ils gardent leurs dossiers près d’eux la plupart du temps de toute façon ». Et ne pas venir les « mains vides » pourrait aussi bien signifier une contribution à la reconstruction future de l’Ukraine, entend-on aux Affaires étrangères. Bien que personne ne soit opposé à de nouvelles livraisons d’armes en soi.
  • À la Défense, on fait court : « Le gouvernement analyse chaque demande de soutien de l’Ukraine et examine ce qui est possible avec l’industrie belge. Pour des raisons opérationnelles et stratégiques, nous ne donnons pas d’autres explications ».

Concrètement: la Belgique a la possibilité de donner des canons anti-aériens, qui proviennent de « vieux » stocks belges.

  • Pour répondre aux missiles de croisière russes et aux drones suicide fournis par le régime iranien, l’Ukraine s’intéresse aux fameux chars antiaériens Gepard. Les avions, développés dans les années 1960 et 1970 par Krauss-Maffei Wegmann, sont équipés de deux canons particulièrement puissants et précis, capables de tirer chacun 550 coups par minute, ce qui permet d’abattre presque n’importe quelle cible aérienne. La Belgique en avait beaucoup, et ils sont devenus obsolètes depuis, mais « pour les Ukrainiens, ils sont une bonne réponse à la menace russe », confirme Pillen, qui suit le dossier pour les libéraux.
  • À l’époque, en pleine guerre froide, l’armée allemande en avait acheté 420, les Pays-Bas 95 et la Belgique 55. En raison des coûts d’entretien élevés, il a été décidé de les éliminer progressivement dans toute l’Europe. Mais ils continuent à être utilisés : en Jordanie, où 60 Gepard néerlandais (améliorés) ont atterri, en Roumanie, mais aussi bientôt au Qatar. Pas plus tard qu’en 2020, l’État du Golfe a payé 31 millions d’euros pour 15 unités, qui doivent servir à sécuriser les stades de football pour la Coupe du monde de cette année. Le Brésil a également acheté une trentaine de Gepard en 2014, à la suite d’une visite du pape François, de la Coupe du monde et des Jeux olympiques.
  • L’Ukraine, quant à elle, dispose de chars anti-aériens : l’Allemagne a déjà promis d’en livrer 50 provenant de ses stocks, une quinzaine ayant déjà atteint le pays assiégé. En revanche, il n’y a aucune trace des 55 Gepard belges : il en reste 38, déjà vendus à la fin des années 1990 à l’entreprise de défense OIP. Cette société, anciennement Sabiex, basée à Tournai, rachète du matériel militaire obsolète, le modernise et le revend.
  • Les vieux Gepard belges sont donc parfaitement vendables, vraisemblablement pour environ un demi-million d’euros chacun, voire moins. Ils peuvent ensuite être donnés à l’Ukraine, s’ils bénéficient des mises à niveau nécessaires. Auparavant, le Royaume-Uni avait fait exactement la même chose avec de vieux obusiers blindés M109 belges, stockés dans l’entreprise belge FTS : il en a résulté une situation diplomatique embarrassante pour la Belgique, qui n’a cessé de traîner les pieds pour racheter son vieux matériel militaire, jusqu’à ce que le Royaume-Uni prenne les devants, en rachetant rapidement le matériel qui se trouvait devant elle et en fasse don. Si l’on veut éviter cela, il faut que les choses aillent plus vite cette fois-ci.

Douloureux : des centaines de véhicules de l’armée sont également en stock en Belgique, prêts à être vendus et livrés à l’Ukraine.

  • Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le gouvernement ukrainien demande toutes sortes d’équipements militaires, notamment des véhicules blindés et des chars. Or, plus de 500 pièces, dont une trentaine de chars Leopard 1, prennent la poussière dans nos entrepôts. Ces véhicules peuvent être rachetés par la Défense et donnés à l’Ukraine. Des sources proches du dossier indiquent également que cela n’implique pas un coût de plusieurs dizaines de millions : la valeur marchande d’un tel Léopard 1 est estimée à un demi-million. Un petit investissement, en termes de défense.
  • Également en stock : 150 véhicules blindés d’infanterie M113, également rachetés aux armées belge et italienne. En 2005, les 525 véhicules de la Défense ont été remplacés par les Dingos, qui se déplacent sur des roues et non sur des rails, et sont donc beaucoup plus mobiles. Les véhicules prouvent désormais leur utilité en Ukraine, qui utilise pleinement les M113 pour transporter les soldats, prêts au combat ou blessés, vers et depuis le front.
  • Les États-Unis ont déjà fait don de 200 unités aux Ukrainiens, mais d’autres pays, dont l’Australie et l’Espagne, ont aussi déjà livré 166 unités. En raison du tirage élevé, les véhicules sont relativement bon marché. Mais la Belgique ne semble pas non plus prendre d’initiative en ce sens.
  • De plus, il existe d’autres options, car la Défense doit de toute façon faire face à une modernisation importante au cours des prochaines années : dans le cadre de la coopération CaMo entre la Belgique et la France, les véhicules de transport de troupes Dingo et les véhicules blindés Piranha seront remplacés par du matériel français, le Griffon et les Jaguars, à partir de 2025. Les Lynx-4×4, les jeeps des forces spéciales et les camions lourds seront également tous éliminés progressivement et remplacés. Ainsi, même ces « vieux » équipements pourraient être acheminés vers l’Ukraine : en théorie, il est possible d’en faire simplement don à un rythme accéléré, si les achats du matériel neufs sont avancés. En pratique, il est plus probable qu’on en reste aux mots, mais moins dans les actes « militaires » de la Belgique.

À suivre : Macron et Scholz se réconcilient à l’Élysée. Autant que possible…

  • Non, il n’y a pas eu de conférence de presse conjointe, pourtant habituelle après de tels contacts diplomatiques. Et même un communiqué de presse commun, une « déclaration conjointe », était hors de portée, rapporte l’AFP. Les Français étaient et restent offensés par le fait que Berlin ne leur accorde pas l’attention et le statut nécessaires au sein de l’UE, et ils ont voulu le faire savoir.
  • Le président français Emmanuel Macron a donc annulé une réunion de travail conjointe entre les gouvernements français et allemand qui était prévue à Fontainebleau. À sa place, il n’y a eu qu’un déjeuner entre les deux chefs d’État. On leur a servi du champagne, bien sûr, puis un déjeuner léger composé de poisson et de vin blanc français, selon Politico. Le dîner a duré pas moins de trois heures, avec une autre demi-heure en privé.
  • Cela a suffi pour que les deux hommes puissent parler d’un succès par la suite : « Les liens restent étroits, nous relevons les défis ensemble », a tweeté Olaf Scholz, le chancelier allemand. « Une coopération étroite à moyen et long terme », a fait écho Macron. Celui-ci n’a pas hésité à employer les grands mots : l’Europe doit s’engager à une « solidarité en matière d’énergie », et à une « coopération intense en matière de défense ».
  • Mais ce sont précisément ces deux zones de friction qui ont fait craquer le moteur de l’UE. Lors du dernier sommet européen, Macron s’est encore férocement insurgé contre « l’isolement de l’Allemagne » : M. Scholz est à peu près le seul à s’opposer à un plafonnement du prix du gaz, mais ce faisant, il empêche l’ensemble de l’UE d’y parvenir.
  • Et plus structurellement : la décision de l’Allemagne d’investir aussi lourdement sur le plan militaire, mais de ne pas opter pour des solutions « européennes », mais plutôt pour des équipements américains, voire israéliens, est très mal prise à Paris. Tout comme un récent plan de sauvetage de 200 milliards pour l’économie allemande, au nez et à la barbe de l’Europe.
  • En même temps, Paris et Berlin annoncent qu’il y aura désormais des « groupes de travail conjoints », sur l' »énergie », la « défense » et l' »innovation » : ils veulent donc aligner un peu leur stratégie.
  • Car sur le fond, Macron et Scholz sont d’accord sur la direction que doit prendre l’Europe, d’ici 10 à 15 ans. La Zeitenwende allemande, dans laquelle les Allemands veulent enfin jouer à nouveau un rôle militaro-diplomatique depuis Berlin, s’inscrit en fait dans la logique française de l’autonomie stratégique, dans laquelle l’Europe doit revendiquer un rôle sur la scène mondiale.
  • Et sur un dossier, les deux ont été parfaitement en accord : la série de différends commerciaux avec les États-Unis, se plaignant des barrières érigées depuis Washington DC. Un ennemi commun : cela aide toujours à rapprocher un peu plus deux personnes.
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