Formation fédérale: le choix fort du roi qui met la pression sur le PS

Bart De Wever (N-VA) était prêt à assumer un rôle d’informateur. Les autres partis n’étaient pas contraire, mais le Palais s’y est refusé.

Vendredi dernier, coup de théâtre. Koen Geens (CD&V) est nommé informateur à la surprise générale. Même le président du CD&V et informateur Joachim Coens ne semblait pas au courant. En fait, il était prévu que Bart De Wever soit informateur. Mais le Palais a refusé. Un choix politique à la limite des prérogatives du souverain.

Pour comprendre, il faut revenir à mardi dernier. Les deux informateurs Georges-Louis Bouchez et Joachim Koens se rendent chez le roi avec un constat sans appel. Il est impossible d’aboutir à une majorité regroupant le PS et la N-VA, les deux plus grands partis de chaque Communauté. La veille, lors du bureau politique du PS, Paul Magnette, président des socialistes, met les points sur les ‘i’: tenter de trouver des ‘points de convergences’ avec les nationalistes ‘a assez duré’. Le roi décide de prolonger le duo d’informateur après une réunion de 4 heures. Le but? Gagner du temps.

Trois pistes sont étudiées pour reprendre le rôle d’informateur. Le duo PS/N-VA, Bart De Wever tout seul et enfin Koen Geens. Très vite, la première piste est reléguée au second plan. Paul Magnette et le PS ne veulent pas d’une mission commune avec le président de la N-VA.

Frederic Sierakowski / Isopix

Les partis se réunissent et conviennent de donner les clés à Bart De Wever. Socialistes, écologistes et libéraux sont d’accord. Ils se disent que donner des responsabilités au président de la N-VA peut jouer en leur faveur: tous privilégient la Vivaldi. Le CD&V pourrait alors décider de se détacher de la N-VA tout en l’impliquant aux discussions.

Mais le Palais refuse. Plusieurs sources pointent le rôle déterminant du chef de cabinet du Palais, Vincent Houssiau, qui n’est autre que l’ancien chef de cabinet… de Koen Geens.

C’est cette dernière piste qui est finalement choisie. Après tout, c’est le CD&V qui détient la clé. Le parti démocrate-chrétien s’est repositionné dans le jeu et peut décider de la future coalition. Le roi veut gagner du temps et se dit sans doute que la mission de Bart De Wever est vouée à l’échec. Ce qui se joue en fond, c’est la volonté du Palais de ne pas retourner à des élections anticipées.

C’est reparti pour un tour…

Mais est-ce que la piste Koen Geens fera vraiment gagner du temps? On est en droit de se poser la question. Georges-Louis Bouchez s’est montré assez franc dans une interview accordée au Soir: ‘On a tout essayé pour marier PS et N-VA. Ils ne le souhaitent pas’.

Georges-Louis Bouchez (MR)
Isopix

Pourtant, c’est toujours la piste du nouvel informateur. La position du ‘missionnaire’, comme il est aujourd’hui appelé, reste de marier les deux plus grands partis de chaque Communauté. Soit à peu près ce qui est testé depuis le début, à l’exception de l’Arc-en-ciel de Paul Magnette (PS).

En fait, deux logiques s’affrontent: une francophone et une néerlandophone. Les partis clés du nord du pays ne peuvent se résoudre à gouverner dans une coalition minoritaire (sans la N-VA). Ils ne veulent toujours pas entendre le ‘non’ du PS. De l’autre côté, le PS ne peut se résoudre à gouverner avec la N-VA, un parti, il est vrai, à l’opposé du spectre politique. Georges-Louis Bouchez l’a bien résumé lors du JT de RTL-TVI samedi soir: ‘Le PS a diabolisé la N-VA. Politiquement, c’est compliqué de faire le chemin inverse.’

Mais une coalition ‘Diable rouge’ n’est pas non plus dans l’intérêt des libéraux francophones. Comme nous vous l’expliquions vendredi dernier, le MR sortirait triplement perdant d’une telle coalition. D’abord, car les deux partis dominants seraient le PS et la N-VA. Ensuite, car le parti libéral subirait les ‘deals’ entre ces deux partis, qu’ils soient sociaux ou communautaires. Enfin, cela laisserait les libéraux flamands sur le côté, une situation loin d’être idéale. Dans un ‘Arc-en-ciel’ ou une ‘Vivaldi’, le MR aurait beaucoup plus de poids sur la note finale.

Du côté de la N-VA, il se dit que le président des nationalistes est ressorti frustré de ne s’être pas vu confier de mission royale. Pourtant, en y réfléchissant, cette position aurait pu être assez inconfortable pour lui. D’abord, car la N-VA n’a pas de raison d’accéder à la fonction de Premier ministre. Le rôle qu’elle veut jouer au sein de l’Etat fédéral est à cet égard toujours ambigu. Mais surtout, la N-VA se serait cassé les dents à tenter de convaincre le PS. Sans succès, il ne resterait que la piste ‘Vivaldi’ ou ‘Arc-en-ciel’ sur la table.

Aujourd’hui, on en est là. Les francophones espèrent faire plier le CD&V vers un gouvernement sans la N-VA, et donc lui faire accepter l’idée d’un gouvernement minoritaire. Du côté néerlandophone, on reste déterminé à convaincre les socialistes. Tout en prenant le soin de mettre l’avenir du pays au centre du jeu. Pour eux, c’est évident, mettre la N-VA hors jeu rendra la situation irréversible dans cinq ans.

Un avis que ne partage pas forcément Georges-Louis Bouchez pour qui trouver un gouvernement reste le priorité absolue: ‘Je ne crois pas que la coalition déterminera le résultat de 2024, mais l’attitude de façon générale et surtout les résultats.’ Et d’ajouter: ‘Beaucoup de partis traditionnels raisonnent encore comme si nous étions concurrents. Moi, je crois que notre seul adversaire, c’est le populisme.’

Le roi, lui, a fait un choix politique fort. En laissant la main à Koen Geens, il fragilise le PS, qui doit maintenant supporter la pression politique de ses adversaires, alors que cette pression aurait pu être sur les épaules du CD&V. Or chaque parti doit éviter le poids de la crise.

Bref, on tourne en rond.

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