Edouard Herinckx (CEO Thomas & Piron) : « Maitriser toute la chaine de valeur offre de nombreux avantages aujourd’hui »

Rédigé avec la contribution de Thomas&Piron

Le groupe de construction Thomas & Piron affiche une solide année 2021 et attend beaucoup de cette année malgré les nombreux défis. L’acquisition de Galère fin 2021 apportera déjà un pôle de croissance supplémentaire au sein du Groupe. Un bon moment pour s’adresser au CEO Edouard Herinckx pour examiner les bons chiffres et se tourner vers l’avenir. 

Quelques chiffres clés de Thomas & Piron en 2021 

  • Un chiffre d’affaires de 696 millions d’euros, en hausse de 10 % par rapport à 2020
  • Un EBITDA de 88 millions d’euros
  • Des fonds propres de 329,6 millions d’euros
  • Un ratio de solvabilité de 28,3 %
  • 780 maisons, 895 appartements et 90 rénovations clé sur porte livrés en 2021
  • Fin 2021, le groupe comptait 2407 collaborateurs (actuellement 3100 en comptant les effectifs de Galère)

Au-delà de ces chiffres solides, 2021 a été marquée par une acquisition majeure, celle de la société Galère

Herinckx : Nous avons racheté au groupe néerlandais BAM la société de construction et de génie civil Galère, active en Belgique, et sa filiale luxembourgeoise Galère Lux. Nous avons ainsi augmenté nos effectifs de 25% avec l’arrivée des 650 nouveaux collaborateurs de Galère. L’avantage de cette acquisition est que nos activités sont très complémentaires. Galère est, par exemple, réputée en matière de travaux publics et de génie civil, des domaines dans lesquels nous étions peu actifs au BeLux. 

Pour la suite, nous regardons encore d’autres opportunités de reprise : nous recevons 1 à 2 dossiers par semaine que nous étudions le plus rapidement possible. Nous préférons les dossiers où nous sommes le seul candidat. Aujourd’hui, 2 dossiers concrets sont sur la table. 

Vous êtes à la tête du groupe depuis 6 ans. Quelle a été votre stratégie de croissance ?

Herinckx : Nous avons mis sur pied une équipe équilibrée et misé sur le travail d’équipe, la responsabilisation et la prise d’initiatives personnelles. Nous avons aussi investi dans la digitalisation du Groupe, ce qui permet d’accélérer de nombreuses étapes dans le processus de construction. Avoir un actionnaire unique est également un avantage pour prendre des décisions rapidement. Notre actionnaire est un véritable entrepreneur qui ose prendre des risques et qui réinvesti chaque année presque tous les bénéfices dans la croissance du Groupe, si bien que nous pouvons disposer de solides fonds propres.

Et last but not least, nous sommes un Groupe intégré. 

Pourquoi ce dernier point est-il une force du Groupe ?

Herinckx : Notre force est d’avoir le contrôle et la connaissance des différentes étapes du processus de construction. Cela va de la création d’un concept à la commercialisation et souvent aussi l’entretien des bâtiments, en passant par le développement et la construction. Bien sûr, nous avons aussi besoin de bureaux d’études, d’architectes et parfois de sous-traitants, mais le fait que nous maitrisions toute la chaine de valeur nous offre un énorme avantage. 

La majeure partie du chiffre d’affaires en 2021 a été enregistrée sur les marchés intérieurs de Belgique francophone et du Luxembourg. Cela va-t-il changer ?

Herinckx : Depuis peu, nous avons opéré une diversification géographique et sommes actifs en Suisse, au Portugal, en France et au Maroc. L’avantage est que les marchés sont différents. En Suisse, par exemple, nous ne pouvons presque pas suivre en raison de l’énorme demande en immobilier résidentiel et en infrastructure. Nous y étudions également une opportunité de reprise. En France, nous observons un fort potentiel d’augmentation de notre part de marché sur le marché résidentiel. Au Portugal, nous participons à 3 projets qui apparaîtront dans les chiffres après réception. Et nous ne devons pas oublier la Flandre où nous lancerons 2 projets dans le Brabant flamand après l’obtention des permis. L’objectif est finalement que partout où nous sommes actifs, nous soyons compétitifs et bien organisés.

Qu’en est-il de la concurrence sur le marché belge ?

Herinckx : Il y a beaucoup de concurrence, mais nous sommes convaincus, comme mentionné précédemment, que nous avons un avantage compétitif grâce à notre organisation solide. Nous nous basons en outre sur nos propres forces grâce aux 1800 ouvriers que nous employons. Pouvoir exécuter soi-même beaucoup de choses constitue aujourd’hui un gros avantage. Nous faisons d’énormes efforts pour former notre personnel et essayons d’augmenter la productivité de toutes sortes de manières. Nous avons également revu notre stratégie d’achat : nous importons moins et travaillons davantage avec des partenaires locaux. Et nous avons réduit notre dépendance vis-à-vis de partenaires en faisant davantage en interne. 

Quels sont les projets de financement ? De nouveaux actionnaires, une nouvelle émission obligataire ou autre chose ? 

Herinckx : Aujourd’hui, nous n’avons pas le projet de modifier notre structure actionnariale. Nous sommes toutefois en train de préparer  d’ici la fin de l’année une nouvelle émission obligataire dans le sillage des obligations déjà émises fin 2020. Nous avions alors récolté 33 millions d’euros auprès des institutionnels. 

Comment le Groupe a-t-il traversé la pandémie ? 

Herinckx : Nous avons dû arrêter le travail sur nos chantiers pendant 4 à 5 semaines et pendant cette période, nous avons réfléchi à la manière d’aborder différemment notre façon de travailler : nous étions prêts quand le feu est repassé au vert. Contrairement à d’autres groupes qui dépendaient de sous-traitants dont les ouvriers étaient souvent bloqués à l’étranger, nous avons pu immédiatement remettre nos ouvriers au travail. Cela nous a permis de rattraper rapidement les retards dus à l’arrêt forcé ; de plus, notre carnet de commandes était de bonne qualité et les conditions météorologiques étaient favorables. Parallèlement, nous avons profité de cette période pour examiner nos processus. 

Et aujourd’hui, les défis sont immenses. Comment gérez-vous cela ?

Herinckx : Difficile de prédire le marché immobilier. Nous somme en tout cas bien préparés aux nombreux défis qui risquent de se présenter. Tout le monde sait que les choses vont être plus difficiles : nous sommes à la fin d’un cycle économique. Il se pourrait que nous devions concéder une baisse du chiffre d’affaires en 2022. Aujourd’hui, il y a tellement d’incertitudes qu’il est difficile de bien évaluer le déroulement de l’année. On s’interroge d’une part sur l’évolution des dispositions administratives et de la TVA, et d’autre part sur l’impact de la hausse des taux d’intérêt, de la guerre en Ukraine mais aussi des récents résultats électoraux en France. Nous avons une grande réserve foncière et nous pouvons décider librement sur quels terrains nous démarrons les futurs projets. Ce luxe nous permet de déterminer nous-mêmes, en fonction des conditions du marché, quand change de vitesse et appuyer sur l’accélérateur.

Les taux ont fortement augmenté. Quel impact cela aura-t-il sur le marché du logement ?

Herinckx : Le taux actuel à 10 ans est de 2,3 %, ce qui est certes supérieur au taux de 1 % d’il y a peu. Il y aura donc un impact, mais il ne faut pas le surestimer. Sur un prix d’achat moyen d’un de nos appartements ou de nos maisons, cela représentera environ 100 euros supplémentaires de remboursement par mois. Grâce à nos nouvelles unités de logement plus économes en énergie, vous pourrez en même temps réaliser des économies substantielles sur votre facture énergétique. 

Le marché immobilier belge est-il surévalué ?

Herinckx : Je ne pense pas. Dans certaines villes avec une offre limitée, il y a une certaine spéculation, mais sur le reste du marché, on ne le voit pas. Surtout par rapport à nos voisins, la bonne qualité des logements ne permet pas de parler de prix excessifs. Et je peux également dire que les logements de Thomas & Piron ont été évalués équitablement. 

Quelle est l’importance de la durabilité et de l’ESG ?

Herinckx : Aujourd’hui, nous examinons surtout comment économiser l’énergie, entre autres grâce à une bonne isolation de l’habitation. La durabilité, c’est toutefois plus que cela et un objectif important pour l’avenir. La construction a toujours une mauvaise image en raison des émissions de CO2 élevées pour produire notamment le ciment et le béton. Aucune solution miracle n’a encore été trouvée, mais on y travaille. Et sur le plan ESG, nous avons encore du pain sur la planche. Ainsi, nous devons féminiser la direction de notre Groupe. Mais c’est un travail de longue haleine car le secteur de la construction est un bastion masculin. Chez nos employés, nous comptons 35 % de femmes, mais chez nos ouvriers, il n’y a que 2 femmes. 

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