Des minéraux et des herbes médicinales contre du pétrole : voilà le deal que proposent les talibans à la Russie

Nouvel épisode saugrenu entre les talibans afghans et Moscou. Après avoir appelé la Russie et l’Ukraine à résoudre leurs problèmes « de manière pacifiste » – une proposition étonnante de la part d’un groupe extrémiste qui a pris le pouvoir par la force -, les talibans souhaitent avoir recours au troc pour commercer avec la Russie.

Les talibans afghans sont en discussion avec Moscou pour échanger des minéraux et des herbes médicinales contre du pétrole, rapporte l’agence de presse publique russe RIA Novosti. La semaine dernière, le ministre taliban de l’Industrie et du Commerce, Nuriddin Azizi, se trouvait encore dans la capitale russe dans le cadre de discussions commerciales.

« La Russie étant un pays ami pour nous, nous sommes parvenus à un accord sur l’importation de pétrole et de produits pétroliers russes », a-t-il déclaré fin de semaine dernière.

Pas question de payer pour ces produits pétroliers, mais bien d’avoir recours au troc. Une pratique commerciale ancestrale qui consiste à échanger des marchandises en quantité de valeur équivalente.

Ainsi, si les talibans souhaitent importer un million de tonnes de gaz et de diesel russes, ces derniers ne comptent pas payer leur dette en monnaie sonnante et trébuchante, mais bien avec des minéraux et herbes médicinales dont l’Afghanistan regorge.

« Nous pouvons fournir à la Russie des centaines de tonnes de ces produits. Par exemple, les prix des herbes médicinales sont désormais très élevés et la Russie a besoin de ces matières premières pour la médecine », a souligné Azizi à l’agence de presse russe.

Pour l’instant, aucun accord n’a été signé, même si les deux parties ont une expérience historique dans le commerce de troc réciproque. Les talibans ont tout de même précisé qu’ils pourraient payer en argent si l’accord de troc ne satisfaisait pas les deux parties.

Le troc, ancestral, mais toujours d’actualité

La proposition pourrait faire son chemin au sein du Kremlin. Depuis son invasion du territoire ukrainien, la Russie fait face à d’importantes sanctions occidentales. Elle ne peut utiliser comme bon lui semble ses réserves de change ni même commercer librement avec les entreprises internationales. De quoi mettre à mal son économie, bien que le renforcement de ses relations avec la Chine, l’Inde et la Turquie qui lui permet d’écouler ses stocks de pétrole, lui fournit une rentrée d’argent non négligeable.

En optant pour le troc, la Russie pourrait contourner partiellement les sanctions occidentales. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une puissance étrangère lui fait une telle proposition. L’Iran, également sanctionné par l’Occident, a déjà discuté de la question avec Moscou, a indiqué le vice-premier ministre russe Alexander Novak en mai dernier.

À la même période, le gouvernement indien se serait également entretenu pour proposer un système de troc à la Russie, afin d’importer des engrais russes, a rapporté le média Times of India.

Pour l’heure, il n’est pas clair si Moscou a accepté de tels accords commerciaux avec les talibans, mais selon des analystes du groupe de réflexion britannique Centre for Economic and Policy Research, la Russie pourrait bien céder à la tentation pour diverses raisons. Tout d’abord pour obtenir les marchandises proposées par les talibans, dont des minéraux qui pourraient être utiles pour la production de pièces électroniques, mais aussi pour montrer à l’Occident qu’elle continue de commercer avec des pays étrangers.

Le troc serait bénéfique pour Moscou puisque les sanctions qui lui ont été infligées ont rendu « le financement, l’assurance et l’exécution des accords commerciaux entre la Russie et les pays non sanctionnés beaucoup plus chers », ont écrit les experts.

Une aubaine pour les talibans

Un tel accord ne sera pas bénéfique qu’à la Russie, ce serait également une aubaine pour les talibans afghans. Depuis qu’ils ont repris l’Afghanistan par la force, les talibans sont écrasés de sanctions occidentales – un point qui rapproche les deux pays. Car si l’Afghanistan regorge de charbon, ce n’est pas le cas pour le pétrole – du moins, elle n’a pas les infrastructures pour l’extraire – utilisé comme carburant.

Les talibans voient certainement dans le détournement de l’Europe de l’or noir russe une occasion de faire de bonnes affaires, à l’image de la Chine et de l’Inde. Ils pourraient en effet s’approvisionner en pétrole russe pour pas cher.

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