L’augmentation des prix du gaz et de l’électricité affecte les États membres différemment. Et comme souvent, les 27 peinent à parler d’une seule voix et s’opposent même sur les solutions concernant la Russie, les objectifs climatiques, et la classification de certaines énergies comme vertes. Une fracture qui s’est observée lors du Sommet européen de ce jeudi.
Eurostat a récemment comparé l’augmentation des prix de l’énergie sur les 6 premiers mois de l’année, donc avant la nouvelle flambée des mois d’août, septembre et octobre. Mais on peut déjà observer que le prix moyen de l’électricité dans l’UE est passé de 0,213 à 0,219 euro par kWh entre le premier semestre de 2020 et celui de 2021. Le prix moyen du gaz a par contre diminué de 0,0065 € à 0,0064 € par kWh au cours de la même période.
En réalité, il existe une forte disparité entre les États qui n’appliquent pas les mêmes taxes sur l’énergie. La Belgique est par exemple en tête derrière l’Allemagne et le Danemark au niveau de l’électricité avec 0,27 euro par kWh pour une moyenne européenne à 0,219 euro par kWh. Notre pays est par contre au milieu du peloton au niveau du gaz avec 0,046 euro par kWh contre 0,063 kWh.
Reste que l’état des prix du marché de gros inquiète. Car l’UE dépend fortement de la conjoncture et des importations de gaz étranger. Mais les solutions structurelles pour y faire face divisent.
1. Les solutions: frugaux vs Club Med
- Comme pour le plan de relance et comme plus récemment pour la refonte potentielle des critères économiques de Maastricht, les pays dits frugaux et du Club Med s’affrontent. La France et l’Espagne aimeraient un achat groupé de gaz pour faire baisser les prix. C’était une des solutions évoquées par la Commission dans sa « boite à outils », avec la baisse de la TVA et des différentes taxes. Madrid en appelle même à déconnecter le prix de l’électricité à l’inflation du prix du gaz.
- Mais l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg mettent le holà : pas question de remettre en cause la libéralisation des marchés de l’énergie au sein de l’UE. Une crise qu’ils jugent temporaire ne doit pas remettre en cause tout un système avec une intervention étatique trop importante.
2. La Russie: Poutine fait le forcing
- Outre la Norvège, les principales importations de gaz au sein de l’UE proviennent de Russie. Cela représente 40% en moyenne avec une dépendance encore plus importante en Europe centrale et orientale. Et Vladimir Poutine compte bien profiter de la situation. Il augmentera la production de gaz à destination du Continent si le projet du gazoduc Nord Stream 2 est enfin mis en service. Ce gazoduc qui lie la Russie à l’Allemagne divise l’Europe, car d’abord, il contourne l’Ukraine, qui craint pour son approvisionnement, mais aussi la Pologne qui pourrait y perdre financièrement. Ensuite, il accroit notre dépendance à a Russie là où d’autres préfèreraient le gaz américain.
- La Russie veut aussi utiliser la flambée des prix pour obliger les États européens à négocier des contrats à long terme avec Gazprom. Certains États membres s’aventurent de plus en plus vers l’achat de gaz directement sur les marchés où les prix sont plus volatils. Mais d’autres États membres ne partagent pas les suspicions à l’égard de la Russie et expliquent plutôt la flambée des prix par la spéculation et la conjoncture actuelle, faite d’une demande très forte dans un contexte de relance économique, avec des troubles dans la chaîne d’approvisionnement, des stocks de gaz déficients dans certains États ou encore la peur d’un hiver rude qui arrive.
3. Objectifs climatiques: la tentation
- L’occasion est trop belle. Certains États à l’est comme la Pologne, qui n’est plus à une polémique près, mais aussi la République tchèque ou la Hongrie remettent en cause les objectifs climatiques trop contraignants à moyen terme. Le fameux Fit for 55 qui doit nous faire baisser nos émissions de 55% d’ici 2030. « Ces objectifs vont tuer la classe moyenne en Europe et faire exploser les prix », a réagi Viktor Orban pour qui « les fantaisies utopiques tuent ».
- Les fameux ETS, les échanges de quotas d’émission, sont aussi remis en cause, car ils seraient selon certains dirigeants un facteur de l’augmentation des prix de l’énergie, avec la tonne de CO2 qui n’a cessé d’augmenter.
- Les autres répondent: au plus tôt on cesse notre dépendance aux énergies fossiles, au plus tôt l’UE retrouvera son indépendance énergétique.
4. Classification des énergies vertes: le nucléaire patiente
- La Commission doit établir en novembre une taxonomie qui vise à apposer un label »Vert » à certaines énergies qui pourront bénéficier d’éventuels subsides. Le nucléaire, mais aussi le gaz sont concernés, ce qui ne plait évidemment pas à tout le monde. Mais le gaz est beaucoup plus propre que du charbon par exemple qui a à nouveau le vent en poupe. Là encore, ce sont les pays d’Europe de l’Est qui poussent.
- Les pays qui reposent sur le nucléaire comme la France veulent aussi promouvoir l’atome qui reste – au-delà de la gestion des déchets – une énergie décarbonée. Elle est vue également comme le parfait complément aux énergies renouvelables, mais aussi inconstantes.
- Le trio Allemagne, Autriche et Luxembourg, qui pourrait bientôt être rejoint par la Belgique si elle sort effectivement du nucléaire, ne veulent pas entendre parler de subsidier le nucléaire.
Lors des Sommets européens, ça discute beaucoup, ça prend des décisions fortes rarement. Les 27 ont donc décidé de se revoir en décembre après analyses de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma). L’énergie reste une compétence très étatique : ce sont les États qui décident des chèques énergie, du gel de la facture ou encore des aides aux entreprises.
L’UE peut toutefois se concentrer sur des objectifs à plus long terme en investissant dans le renouvelable, le stockage d’énergie ou encore l’interconnexion des réseaux européens.