Covid-19: le secteur de la restauration est-il sacrifié pour rien ?

Une lettre ouverte a été publiée mercredi dans l’hebdomadaire français Le Point. Un collectif de restaurateurs y a demandé au président Macron de suspendre le couvre-feu. Il est en vigueur dès 21 heures à Paris et dans 8 autres grandes villes depuis le week-end dernier. Les restaurateurs parlent du ‘coup mortel’ porté au secteur. 30% d’entre eux seront au bord de la faillite avant le Nouvel An.

Selon le collectif, aucun cluster d’infections au coronavirus ne peut être associé au secteur de l’Horeca (hôtels, restaurants, cafés) en France

Et les restaurateurs ont quasiment raison. Selon les données du SPF (Santé Publique France), sur plus de 3.000 clusters chez nos voisins, à peine une dizaine (0,3%) peuvent être attribués à la restauration.

En Allemagne, une étude de l’Institut Robert Koch a conduit un juge de Berlin à annuler le couvre-feu fixé à 23 heures pour les restaurants. Selon le juge, ‘il n’y avait aucune preuve que la fermeture était nécessaire pour mener une lutte significative contre la pandémie’.

En Belgique également, le secteur de l’Horeca a vivement protesté contre la deuxième fermeture complète de la restauration, qui vaut pour un mois. Le Collectif Wallonie Horeca, groupement de restaurateurs francophones, se rend au Conseil d’Etat. Ils veulent contester légalement la fermeture.

Réduire le contact humain, partout…

La décision de fermer le secteur de la restauration dans notre pays aurait été prise sur base d’un rapport établi par la professeure et infectiologue Erika Vlieghe (UAntwerpen), qui mène le groupe d’experts en Belgique. Sa note fait référence à trois études de cas scientifiques (Chine, Autriche et Japon). Tous les trois sont liés à la première vague de la pandémie. Mais le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (SP.A) pousse le curseur encore un peu plus loin. Compte tenu de la forte diffusion du virus, il souhaite à tout prix réduire le nombre de contacts humains. ‘C’est pourquoi nous limitons les autres contacts humains au minimum. En fermant l’horeca, en faisant du télétravail la règle et en fixant un couvre-feu.’

‘Un manque total de connaissances’

Dans la plupart des pays européens, le problème est qu’il n’est pas possible d’identifier les principales sources de contamination. Cela vaut également pour la Belgique.

Il y a plusieurs explications à ce sujet. Législation restrictive sur la vie privée, mais aussi les raisons institutionnelles et certaines priorités pour retrouver les contacts. Un mariage ici, un collègue là-bas, un membre de la famille ou une entreprise locale… les sources d’infection en Belgique restent floues. ‘Il existe des données’, a déclaré le virologue Steven Van Gucht lors de la conférence de presse de ce mercredi. Mais ‘elles ne sont pas toujours complètes ni centralisées’.

Selon le biostatisticien Geert Molenberghs (UHasselt et KU Leuven) ‘il y a un manque total de connaissances dans notre pays sur l’origine des infections’.

Les chiffres ne sont pas disponibles pour notre pays, mais en France, ce n’est pas beaucoup mieux. La source d’à peine de 9% des infections a pu être retracée. Les Pays-Bas font un peu mieux, avec 30%. Mais cela signifie que dans 70% des cas, nous sommes dans le noir complet. L’Allemagne est le meilleur élève en Europe concernant le tracing, notre voisin s’est largement inspiré du Japon ou de la Corée du Sud.

Le tracing n’est pas une recherche de la source

On confond souvent deux choses : la recherche de contacts et la recherche des sources d’infection.

L’Institut Itinera: ‘La recherche des sources n’est pas la même chose que la recherche de contacts. La recherche des contacts, telle que nous la connaissons ici, consiste à rechercher les contacts à haut risque des patients et à indiquer clairement pourquoi et comment ils devraient s’isoler ou se mettre en quarantaine. Dans le cas de la recherche de la source, un travail est effectué à rebours pour savoir dans quels groupes les infections frappent. C’est précisément cela qui semble faire la différence dans bon nombre de pays asiatiques.’

Un article influent de The Atlantic souligne l’importance d’identifier les sources de contamination. Il cite plusieurs études selon lesquelles 10% à 20% des personnes infectées peuvent être responsables de 80% des infections. C’est ce qu’on appelle les super-contaminateurs. Leur existence montre qu’il est bien plus intéressant de regarder en arrière, que de rechercher en avant avec la recherche de contacts. Bien sûr, les deux opérations doivent être menées conjointement, mais il est plus qu’étonnant que notre gouvernement ne prenne pas la chose au sérieux.

Du côté français, il semble peu probable que Macron s’incline devant la restauration française. RTL France a même rapporté mercredi matin que le gouvernement français avait l’intention de porter le couvre-feu dans tout le pays à 19 heures.

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