Le nouveau gouvernement suédois est le reflet d’une tendance inquiétante

En Suède, l’ex-Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven (à gauche sur notre photo de couverture, en compagnie de la chancelière allemande Angela Merkel)  a enfin réussi à s’accorder avec les Libéraux, les centristes et les Verts pour former une coalition qui devrait être présentée et investie aujourd’hui. Depuis les élections législatives du 9 septembre dernier, le pays n’avait plus de gouvernement, en raison de l’incapacité des deux partis arrivés en tête des élections à s’entendre sur une coalition.

Les élections ont placé les sociaux-démocrates en tête, avec 28,4 % des voix, mais pour ces derniers, il s’agit de leur pire score depuis des décennies. Quant aux Verts, leur traditionnel allié, ils sont ceux qui ont subi la défaite la plus cuisante, avec seulement  4,3 %, tout juste au dessus des 4 % nécessaires pour obtenir un siège au Parlement. Et finalement, compte-tenu de résultats assez atomisés, aucun bloc majoritaire n’a émergé. Même s’il n’a pas remporté la victoire escomptée, le parti d’extrême-droite des Démocrates de Suède s’est classé troisième, avec 17,6 % des voix, ce qui signifie qu’il faudra apprendre à compter avec lui.

La coalition la plus faible depuis des décennies

Ainsi, Löfven sera reconduit à son poste de Premier ministre d’un gouvernement de centre-gauche grâce à une alliance avec des partis de droite. Mais compte tenu d’un paysage politique divisé, cette coalition, qui ne dispose que d’une faible majorité, est l’une des plus faibles qu’ait connu le pays depuis 70 ans, écrit le journal La Croix. Et de toute évidence, la principale motivation de ses différentes parties n’est pas tant de se rallier à l’ex-Premier ministre, que d’échapper à la possibilité de se retrouver contraint à conclure une alliance avec les Démocrates de Suède.

Une alliance dont le maintien s’annonce déjà très délicat

Les négociations tortueuses qui ont mené à ce résultat illustrent une tendance inquiétante en Europe, souligne Bloomberg : il est de plus en plus fréquent que des coalitions parviennent aux commandes du pays avec une majorité mathématique, mais sans réelle représentation des suffrages exprimés.

La coalition de Löfven bouleverse totalement un système politique qui s’était maintenu en Suède depuis 2004, date à laquelle les partis de centre-droit s’étaient alliés pour s’opposer au centre-gauche. Sa coalition, qui repose sur le soutien des ex-communistes, est plus que précaire.  Le dirigeant de ce parti, Jonas Sjostedt, s’est déjà engagé à « lutter contre toutes les mesures qui pousseraient la Suède à droite », et à « déclencher un vote de défiance contre le gouvernement au moindre soupçon de « libéralisation des loyers ou réforme extensive du droit du travail » », précise Le Monde.  Et de son côté, Annie Lööf, la dirigeante du parti centriste, a promis « d’être l’ongle libéral dans l’œil des sociaux-démocrates » pendant les 4 prochaines années.

« Löfven va gouverner sur la base d’un document de 16 pages qui ressemble à une compilation désordonnée d’idées socialistes, écologistes et de centre-droit, plutôt qu’à un manifeste de coalition détaillé et réfléchi. Il vise à satisfaire tout le monde avec des réductions d’impôts, une plus grande attention portée au changement climatique, de meilleurs programmes d’assistance sociale et une approche plus pragmatique de l’asile et de l’intégration », déplore Leonid Bershidsky de Bloomberg.  Il précise que lors d’un récent sondage, la plupart des Suédois ont exprimé leur désapprobation à l’égard de ce programme. Seuls 11 % l’ont jugé « très bon ».

La Suède n’est qu’un exemple parmi tant d’autres

La Suède n’est pas la seule à écoper d’une telle coalition, majoritaire mathématiquement, mais pas politiquement. En Lettonie, Krisjanis Karins, chef du plus petit parti au Parlement et le plus grand perdant des élections de 2018, s’apprête à devenir Premier ministre. Dans les tout prochains jours, il devrait présenter l’accord final élaboré par sa coalition, un assemblage de cinq partis de centre-droit, de populistes et de conservateurs nationalistes, et dont l’unique raison d’être est de faire barrage à Harmonie, le parti de centre gauche soutenu par la populeuse minorité russophone du pays.

En Allemagne et aux Pays-Bas, les coalitions au pouvoir, dont la formation a également été très laborieuse, ne présentent qu’une cohérence très limitée, et là aussi, il semble que leur principale motivation soit d’empêcher l’accès au pouvoir des partis populistes-nationalistes.

Des coalitions qui favorisent le statu quo, au prix de la montée du populisme

Ces alliances ont toutes un point commun, note Bershidsky : elles reposent toutes sur les talents d’un politicien chevronné fin négociateur (Lofven, Karins,  le Premier ministre Mark Rutte aux Pays-Bas et la chancelière Angela Merkel en Allemagne). Mais s’ils réussissent à se maintenir au pouvoir avec ces calculs, c’est au prix de leurs idées les plus audacieuses, et des décisions les plus avantageuses pour le pays.

Mais l’évolution récente de la politique en Europe montre que les électeurs sont lassés de ces coalitions fades qui promeuvent le statu quo, plutôt que les réformes constructives. Et lors des élections au Parlement européen, ils risquent d’exprimer pleinement cette frustration, en refusant leurs suffrages à ces partis de l’establishment.

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