Le meilleur tremplin pour accéder aux plus hautes fonctions politiques de nos jours? Le métier de comique

Beppe Grillo, l’ex-comique italien qui a fondé le mouvement politique M5S, n’est plus le seul politicien de premier plan avec un passé de comique. Dans plusieurs pays d’Europe, d’anciens humoristes et acteurs ont récemment accédé à des fonctions politiques de premier plan.

Outre Beppe Grillo, le plus illustre d’entre eux est sans doute le Slovène Marjan Sarec (notre photo de couverture), qui est devenu l’année dernière Premier ministre de son pays.

Le comique Marjan Sarec est devenu Premier ministre de la Slovénie

Auparavant, Sarec, un comique, était surtout connu dans son pays pour ses sketches mettant en scène Ivan Serpentinšek, un paysan slovène grognon fictif, mais aussi pour ses caricatures de politiciens. Il semble qu’il se soit pris au jeu, puisqu’il a abandonné sa carrière d’artiste lorsqu’il a été élu maire de la petite ville de Kamnik en 2010. En 2017, il s’est présenté à la présidence de son pays, mais n’a pas remporté le second tour face au président sortant, Borut Pahor. 

Plus motivé que jamais en raison de ce résultat prometteur, Sarec a décidé de créer son propre mouvement pour les législatives de juin 2018, la Liste de Marjan Sarec (LMS). Celui-ci est devenu le second parti politique du pays, derrière le Parti slovène démocrate (SDS), obtenant 13 des 90 sièges du Parlement slovène. Sarec a ensuite profité de l’incapacité de ce dernier à s’allier avec d’autres partis pour former un gouvernement, et est parvenu à former une coalition avec 4 autres partis minoritaires avant d’être élu au poste de Premier ministre.

En Serbie, ce qui n’était qu’une blague est devenu une histoire sérieuse

Le jeune comédien serbe Luka Maksimovic, qui se fait appeler « Beli » (‘Blanc’), ou encore Ljubisa Preletacevic (‘celui qui change de camp comme de chemise’, comme l’a traduit le journal français le Figaro), n’était âgé que de 25 ans lorsqu’il a décidé de se présenter aux élections d’avril 2017 contre le Premier ministre serbe de l’époque, Aleksandar Vucic.

© EPA

Au départ, il ne s’agissait que d’une blague, mais à la faveur du désillusionnement de la population serbe, le jeune comique (photo ci-dessus) s’était classé second dans les sondages. Et lorsqu’il s’était décidé à s’engager pour de bon dans la campagne, il avait recueilli les 10 000 signatures nécessaires en seulement 24 heures, sans l’aide d’aucun parti. Sans surprise, Vucic a remporté les élections haut la main, mais Beli a tout de même réussi à se classer 3e.

Un ancien comique est devenu maire de la capitale arménienne, Erevan

En septembre 2018, Hayk Marutian est devenu le nouveau maire d’Erevan, la capitale de l’Arménie. Son parti, « My Step » a recueilli plus de 80 % des suffrages aux élections municipale, qui étaient largement perçues comme un galop d’essai décisif dans la perspective des élections législatives anticipées de décembre. Et effectivement, celles-ci ont été remportées haut la main par la coalition du Premier ministre Nikol Pachinian, que soutient Marutyan.

Avant d’accéder au poste de Premier ministre, Pachinian, qui n’était alors que député de l’opposition, avait été l’instigateur de la « Révolution de velours », un mouvement de protestation qui s’opposait à la nomination de l’ex-président de la République arménienne, Serge Sarkissian, au poste de Premier ministre. Marutian avait lui-même pris part à ces manifestations, qui avaient mené à la chute du gouvernement de Sarkissian.

Auparavant, Marutian était surtout connu pour être l’un des membres du duo comique Hayko Mko, une comédie populaire des années 2000. Il a également produit ses spectacles, et joué dans des films. 

En Ukraine, un comique russophone menace les deux poids-lourds de la campagne présidentielle

Le dernier comique à être entré dans la sphère politique est l’Ukrainien Volodymyr Zelenskiy, un russophone originaire de Kryvyi Ryh, une métropole sidérurgique du sud-est ukrainien âgé de 40 ans, qui vient d’annoncer le 8 janvier dernier qu’il briguait la présidence de son pays. Vedette et producteur de l’émission d’humour Kvartal 95, il a aussi été l’un des soutiens de la révolution de Maïdan en 2014, ce qui lui a valu d’être placé sur la liste noire de la Russie, indique le Temps

Zelenskiy est devenu populaire après avoir incarné Vasyl Holoborodko, dans la série « Serviteur du peuple ». Holoborodko est un jeune professeur de lycée déçu par la classe politique traditionnelle qui décide… de se présenter à la présidence de l’Ukraine.

En décembre 2018, l’humoriste se classait en troisième position dans les sondages d’opinions, avec près de 10 % des intentions de vote, derrière la favorite Ioulia Timochenko, et le Président sortant Petro Porochenko.

Il bénéficie de deux atouts : d’abord, le ras-le-bol des Ukrainiens à l’égard de l’élite politique traditionnelle, dont Timochenko et Porochenko sont les dignes représentants, et qui n’a pas apporté les changements escomptés après les soulèvements de Maïdan. Or, « Quarante-deux pour cent des Ukrainiens ne savent pas pour qui voter, notre société n’a jamais montré de soutien fort aux politiques », estime Viktor Zamiatine, un politologue du Centre Razoumkov.Deuxièmement, Zelenskiy a un soutien de poids : Ihor Kolomoiskiy, l’oliquarque le plus riche d’Ukraine, ennemi juré de Porochenko, qui souhaite étendre son influence dans son pays.

Un humoriste qui a été maire de la capitale islandaise Reykjavic brigue la mairie de Barcelone… pour de rire ?

Jón Gnarr, de son vrai nom Jón Gunnar Kristinsson, est un politicien islandais qui a occupé le fauteuil de maire de la capitale islandaise, Reykjavik, de 2010 à 2014. 

Gnarr est devenu célèbre grâce à ses sketches, dans lesquels il jouait le rôle d’un politicien qui faisait des promesses de campagne loufoques. 

En 2009, alors que l’Islande était plongée dans une crise profonde, il avait décidé de créer un mouvement satirique, le Besti Flokkurinn (« le Meilleur Parti »), avec l’objectif initial de parodier les partis politiques. Mais dans son programme, au milieu de promesses absurdes, comme la construction d’un parc Disneyland près de l’aéroport, on trouvait aussi des engagements écologiques plus sérieux. Ceux-ci avaient fait mouche lors des élections municipales de Reykjavic en juin 2010, et Gnarr était ainsi devenu maire de la capitale islandaise, un poste qu’il a occupé pendant 4 ans.

Récemment, il a refait son apparition sur la scène politique européenne, en annonçant le lancement de sa campagne pour la mairie de la capitale catalane, Barcelone. Apparement, il aurait pris cette initiative après avoir appris que l’ex-Premier ministre français Manuel Valls, postulait lui-même pour le poste de bourgmestre de la ville espagnole.

Une tendance qui n’est pas nouvelle

Même si la multiplicité de ces cas semble plaider pour l’existence d’une véritable tendance, le phénomèe n’est pas nouveau. En France, le comique Coluche, alors au sommet de sa gloire, s’était présenté aux élections présidentielles de 1981. Lors de sa campagne, un sondage le crédite de 16 % d’intentions de vote, mais en dépit de cette popularité, il finit par se retirer, suite à des pressions. 

Le problème, c’est que même si ces comiques offrent une altenative pour les électeurs lassés de voter pour des politiciens décevants, ils manquent souvent d’un programme politique crédible, ou d’une certaine stature. Par exemple, l’humoriste ukrainien Zelenskiy n’a pas de conseillers politiques, et dans une vidéo, il demande au public de lui soumettre des propositions pour qu’il élabore son programme. 

Le Premier ministre Slovène Marjan Sarec n’avait pas non plus de véritable programme lorsqu’il s’est lancé dans la campagne. Dans son cabinet, il a inclus 2 anciens Premiers ministres slovènes, mais leurs avis sont étouffés par les voix dicordantes de nombreux autres politiciens.

« Un talent pour la satire peut améliorer l’allure d’un candidat anti-système avant des élections, mais une fois en poste, un ensemble de qualités totalement différent est requis », conclut le site Intellinews.

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