La Banque centrale européenne se réunit ce jeudi. Elle doit décréter une hausse des taux d’intérêt, mais cela s’annonce déjà être un exercice délicat, en vue de la faillite de Silicon Valley Bank et de la pression qui règne sur les autres banques, depuis. A quoi faut-il s’attendre ? Une révision de la copie et une hausse de 25 points de base ou une hausse de 50 points, comme promis lors de la dernière réunion.
La faillite de SVB s’invite à la réunion de la BCE de ce jeudi : va-t-elle garder son objectif de hausse des taux de 50 points de base ?

Pourquoi est-ce important ?
La BCE est prise entre le marteau et l'enclume. D'un côté, les hausses des taux peuvent faire souffrir les banques, comme l'a montré la faillite de SVB (même si, il est vrai, les taux sont moins élevés en Europe qu'aux États-Unis et que le contexte est différent). D'un autre côté, l'inflation - et l'inflation sous-jacente surtout - est toujours très élevée en Europe.Dans l’actu : la réunion de la Banque centrale européenne, ce jeudi.
- Lors de la dernière réunion, la présidente de la BCE Christine Lagarde avait annoncé que ce sera une nouvelle hausse de 50 points de base, à cette réunion-ci aussi. Ce n’était pas une décision formelle bien sûr, mais de la forward guidance comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire des « directives anticipées ».
- Or, depuis, la donne a quelque peu changé. Dans le monde bancaire des États-Unis, la plus grande faillite depuis Lehman Brothers a eu lieu la semaine dernière, avec l’effondrement de Silicon Valley Bank. La banque a coulé à cause des taux d’intérêts élevés, entre autres.
- Les banques centrales du monde entier sont désormais très attentives à la situation, sachant qu’une autre hausse des taux pourrait faire d’importantes vagues sur les marchés et davantage mettre les banques sous pression.
- Mais ailleurs : l’inflation de la zone euro n’a quasi pas reculé en février, passant de 8,6 à 8,5% (en glissement annuel). Ce qui, contrairement à la situation des banques, appelle à augmenter les taux.
Tous les yeux sont donc rivés sur Francfort. Que va faire la BCE ?
25 ou 50 points de base ? That’s the question.
L’essentiel : de quelle envergure pourrait être la hausse des taux ? Un choix difficile et à ne pas prendre à la légère.
25 points de base ?
- « L’effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) a ajouté une grande part d’incertitude à l’issue de la réunion de politique générale de la BCE de cette semaine. La BCE s’efforcera de comprendre les ramifications de l’effondrement de la SVB et de déterminer si le choc subi par les conditions financières européennes sera temporaire ou persistant », écrit Deutsche Bank dans un rapport consulté par nos soins.
- Les analystes estiment qu’une hausse de 25 points de base, « au lieu des 50 points annoncés », parait plus probable dans l’état actuel des choses. Néanmoins, ils ne changent pas leur estimation du taux final : les taux devraient bien atteindre 3,5 à 4%, soit 100 points de base de plus qu’actuellement.
- Au-delà de la hausse en tant que telle, ils estiment aussi que la BCE sera dorénavant plus « prudente » dans son discours, pour les mois à venir. « Cela signifie moins d’engagements préalables (comme lors de la dernière réunion, NDLR), plus d’importance accordée à l’approche ‘en fonction des données, réunion par réunion’ (comme c’était d’ailleurs le cas avant la dernière réunion, NDLR) et pas de précipitation pour signaler une nouvelle réduction des réinvestissements dans le cadre de l’APP. »
Ou 50 points de base ?
- Voilà pour une analyse extérieure. À l’intérieur de la BCE, c’est un autre son de cloche. Une source proche du Conseil de Gouverneurs confirme à Reuters qu’une hausse de 50 points de base serait toujours à l’ordre du jour, malgré les tumultes du côté des banques.
- En cause : il en irait de la crédibilité de l’institution monétaire, si elle revenait sur cette hausse de 50 points de base déjà annoncée.
- C’est en effet un des problèmes de ce type d’annonces faites au préalable. Il faut s’y tenir pour ne pas perdre sa crédibilité, même s’il y a des risques de casser quelque chose en poursuivant sur cette voie. Ces promesses sont aussi une perte de flexibilité.
- La source ajoute que les gouverneurs ont déjà vu l’estimation de la BCE pour l’inflation sur les mois et années à venir. Cette estimation est mise à jour tous les trois mois. La prévision de l’inflation sera revue à la baisse, mais celle de l’inflation sous-jacente sera revue à la hausse. D’où, aussi, la nécessité d’une hausse de 50 points de base.
- Enfin, cette hausse de 50 points de base dont parle la source n’est pas encore écrite dans le marbre. « Néanmoins, les décideurs politiques qui ont prêché la prudence dans l’augmentation des coûts d’emprunt et mis en garde contre le risque d’instabilité financière se sont sentis justifiés par les récentes turbulences sur les marchés. Il est probable qu’ils s’abstiendront de s’engager dans de nouvelles augmentations de taux et qu’ils diront plutôt que toute nouvelle mesure dépendra des données qui arriveront », continue-t-elle.
Qui aura fait le bon pari ? Réponse ce jeudi en début d’après-midi.