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La BCE s’attaque désormais à la haute montagne, sans savoir où se trouve le sommet

La BCE s’attaque désormais à la haute montagne, sans savoir où se trouve le sommet
Christine Lagarde – Ting Shen/Bloomberg via Getty Images

La banque centrale européenne augmentera ses taux d’intérêt jeudi prochain. Sauf grosse surprise, elle fera un saut de 50 points de base. Mais où s’arrêteront les taux ? Et quelle prévision la BCE donnera-t-elle sur l’inflation et la croissance ? Paroles d’experts.

Dans l’actu : La prochaine réunion de la BCE aura lieu jeudi prochain, le 15 décembre. A quoi peut-on s’attendre ?

  • Le consensus du monde économique semble porter sur une hausse de 50 points de base, après deux hausses de 75 points de base. « Même si une minorité de membres du conseil des gouverneurs souhaiteraient une nouvelle augmentation de 0,75%, le scénario d’une hausse de 0,5% des taux directeurs semble avoir la meilleure plausibilité, suite à l’accalmie relative des pressions inflationnistes de la zone euro », écrit Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management (Université Catholique de Lille), dans un rapport que Business AM a pu consulter.
    • Au mois de novembre, l’inflation a effectivement montré des premiers signes de ralentissement dans la zone euro. Elle affichait 10,63% en Belgique, en glissement annuel, après un hausse de 12,27% en octobre. 10% en zone euro en novembre, contre 10,6% en octobre. Recul similaire en Allemagne, première économie du continent (10% après 10,4%).
  • Même écho chez Deutsche Bank. Une hausse de 50 points de base, même si une hausse de 75 points de base n’est pas impossible, écrivent les analystes de la banque dans un rapport consulté par nos soins. Ils comparent la politique monétaire à un trajet en vélo : « la BCE quitte le terrain facile et plat de la vallée où elle a pu se déplacer à grande vitesse et commence à se diriger vers les montagnes. L’altitude précise de l’arrivée n’est pas connue. Avant de se lancer dans la montée, la BCE devra rétrograder à une vitesse plus soutenable ».

L’essentiel : Taux finaux, inflation, croissance… quelles perspectives à long terme ?

  • Quelles hausses des taux après celle de décembre ? « Si le taux neutre nominal est estimé à la borne supérieure de 3% et si la BCE considère qu’il doit être fortement dépassé temporairement, le taux de la facilité de dépôt (actuellement situé à 1,5%, NDLR) pourrait aller jusqu’à 4% ou 5% l’année prochaine. Si, à l’opposé, l’estimation retenue du taux neutre nominal est plutôt de l’ordre de 1% ou 1,5%, et si la BCE veut être prudente en terme de dépassement temporaire, le taux de la facilité de dépôt pourrait se limiter à 2,5% l’année prochaine », écrit Dor.
  • Pour les analystes de Deutsche Bank, le taux final serait de 3%. Il serait atteint au début de l’année prochaine et y resterait jusqu’en 2024.
  • Dor se penche aussi sur l’inflation. Il s’attend à ce que la BCE propose la prévision présente (sur base de la prévision faite en septembre) : 8,5% en 2022, 6,5% en 2023, 3% en 2024 et 2,1% en 2025 uniquement. Il n’est pas le seul observateur à penser que l’inflation ne baissera pas jusqu’à l’objectif de 2% avant 2025 : le gouverneur de la Banque de France est du même avis.
  • Même date pour l’inflation-cible auprès de Deutsche Bank. Les analystes voient cette prévision à long terme comme une arme contre un emballement en bourse. Les investisseurs pourraient en effet surinterpréter la hausse de 50 points de base et s’attendre à un taux final moins élevé et des réductions des taux, comme aux États-Unis. Le discours de la BCE devrait alors comporter d’autres signes de resserrement, comme l’inflation, des inquiétudes sur la hausse des salaires et moins d’inquiétudes sur le fait de tirer trop fort sur le frein à main.
  • Prévision de Dor pour la croissance : 0,3% en 2023, soit moins que la prévision de l’OCDE. Il s’attend à -0,2% en cette fin d’année, puis -0,2% (synonyme de récession technique, à laquelle Deutsche Bank s’attend aussi), 0,2%, 0,2% et 0,5% pour les 4 trimestres de l’année prochaine. La BCE donnera également ses prévisions de la croissance jeudi prochain.

Zoom avant : Quelle réduction du bilan ?

  • Le resserrement quantitatif, ou QT, consiste en une réduction du bilan, ou « stock d’actifs financiers qu’elle a acquis », définit Dor. C’est aussi une politique monétaire jugée utile pour lutter contre l’inflation. La Fed par exemple a déjà commencé il y a quelques mois à réduire son balance sheet. La BCE devrait commencer l’année prochaine, « de manière très prudente et progressive », estime l’économiste français. Il s’attend à ce qu’elle réduise le bilan de 17 milliards d’euros tous les mois, au moins.
  • La Deutsche Bank s’attend à une réduction de 20% à la fin de l’année de 2023. Un plan détaillé devrait être présenté à la réunion en mars, et la réduction devrait commencer au deuxième trimestre.
  • A titre de comparaison : le balance sheet de la BCE pèse actuellement près de 8.500 milliards d’euros, ou 66% du PIB de la zone euro (contre 33% pour la Fed, par exemple). Le bilan a doublé depuis la pandémie, ce qui a aussi eu son impact sur l’envolée de l’inflation.
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