Baisser les taxes sur l’énergie : pourquoi ce n’est pas si simple

Face à la flambée des prix du gaz et par ricochet de l’électricité, l’UE envoie un signal aux États membres: baisser les taxes et principalement la TVA qui constituent souvent 50% de la facture.

La Commission européenne a présenté hier une série d' »outils » qui visent à alléger la facture du consommateur. Parmi ceux-ci, il y a la baisse de la TVA. Le problème est qu’il s’agit d’un sérieux manque à gagner pour les caisses des États déjà pas très remplies suite à la pandémie. Sans compter que cela pourrait pousser à la consommation, ce qui n’est pas le but à moyen terme avec les objectifs de réduction de carbone en 2030, une date butoir qui n’est finalement plus très loin.

Tout le monde n’a pas connu la crise

La baisse générale de taxes a également un autre effet pervers: elle affecte tout le monde de la même manière. Or, on sait que la pandémie n’a pas touché le portefeuille de tout le monde. En 2020, l’argent accumulé sur les comptes d’épargne des quatre grandes banques belges – CBC, Belfius, ING et BNP Paribas Fortis – a progressé de 5 à 10% par rapport à 2019. Au total, on parle d’un montant de 22 milliards d’euros épargné sur un an. En France, l’épargne a même atteint le chiffre record de 130 milliards d’euros sur un an.

On comprend donc très bien que tout le monde ne doit pas être aidé de la même manière face à la crise énergétique. Le tout est de savoir où l’on met le curseur. En Belgique, il a été décidé d’étendre le tarif social – tarif préférentiel pour les plus précarisés – jusqu’au premier trimestre 2022. Près d’1 million de ménages belges en bénéficient. Il leur est également attribué un chèque énergie de 80 euros. En tout, on estime que ces deux mesures pourraient faire baisser leur facture d’électricité et de gaz de près de 800 euros. En France, les citoyens en dessous d’un certain revenu bénéficieront d’un chèque compris entre 48 et 277 euros.

Pour ne rien arranger, les prix à la pompe s’envolent également. En France, ils ont atteint un niveau supérieur à 2018, quand le mouvement des Gilets jaunes s’est déclenché. Le gouvernement plaide pour que les distributeurs réduisent leur marge, mais elle ne vaut que pour 1% du prix, c’est à dire, 1 à 2 centimes par litre. Le levier n’est pas très grand. Là encore, un chèque carburant pourrait être une solution.

Les réserves du marché du carbone

C’est donc aux États à faire le principal effort. Et selon l’UE, les États membres peuvent aller chercher les ressources dans les recettes du marché du carbone, dans lequel les fournisseurs d’énergie achètent « des droits de polluer ». C’est ce que préconise notamment la Commissaire à l’Énergie, Kadri Simson.

Selon la Commission, la hausse des cours du CO2 a permis aux États d’engranger 26,3 milliards d’euros sur les neuf premiers mois de 2021. Dix milliards de plus que précédemment. Pour autant, l’UE estime que cette crise de l’énergie – qu’elle juge temporaire – ne doit pas écarter les États des ambitions du Green Deal européen.

Agir ensemble ?

On l’a vu: certaines hausses des prix, mais aussi la baisse de régime des énergies renouvelables (par exemple par manque de vent) ont poussé certains États à consommer plus d’énergies fossiles très polluantes comme le charbon. Dans ce contexte, l’énergie nucléaire voit son image se redorer, car elle permet de ne pas dépendre de l’étranger et notamment du gaz russe. Et cela a toute son importance alors que Bruxelles doit bientôt déterminer si l’atome sera inclus ou non dans la liste des investissements « verts ».

En attendant, plusieurs États comme l’Espagne proposent d’agir de concert, via des achats groupés, pour remplir les stocks stratégiques de gaz par exemple. La Grèce voudrait, elle, mettre en place un fonds transitoire qui absorberait la hausse des cours. Paris voudrait pour sa part revoir les règles du marché commun de l’électricité où le prix est déterminé par les cours des énergies fossiles.

D’autres pays – Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg – freinent des quatre fers, estimant qu’il ne faut pas prendre de mesures trop lourdes et permanentes pour une crise énergétique qu’ils estiment temporaire.

L’indépendance énergétique du Continent est plus que jamais nécessaire.

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