Les riches ne dépensent plus d’argent. La récession commencera-t-elle par le haut?

Les riches Américains boudent l’immobilier, les voitures de collection, l’art et même les commerces de détail. Se pose maintenant la question des possibles répercussions de cette baisse de la consommation sur le reste de l’économie, et du déclenchement d’une possible récession.

Le secteur de l’immobilier américain traverse actuellement sa pire année depuis la crise financière de 2008. Les Américains fortunés boudent même les propriétés coûteuses de Manhattan, et les ventes de ces dernières ont enregistré 6 trimestres de  baisse consécutifs.

Une série de secteurs affectés par la contraction des dépenses des plus fortunés

Au cours du deuxième trimestre de cette année, les ventes de propriétés américaines d’au moins 1,5 million de dollars ont diminué de 5 %. Dans tout le pays, les biens de luxe ont du mal à trouver preneur. Dans les villes cossues, comme Aspen (Colorado) ou les Hamptons (New York), certains sont même invendus depuis 3 ans.

Les voitures de collection aussi connaissent un certain désamour. Récemment, lors de la célèbre vente aux enchères de Pebble Beach, la moitié des voitures dépassant le million de dollars n’a pas trouvé d’acquéreur. En revanche, les participants se sont bousculés pour les voitures mises en vente pour moins de 75 000 dollars, et ont fait grimper les enchères.

Même les ventes aux enchères d’art enregistrent une baisse pour la première fois depuis de nombreuses années. Chez Sotheby’s, les ventes ont chuté de 10 % par rapport au premier semestre de 2018, et chez Christie’s, la baisse atteint même 22 %.

La vente au détail est aussi touchée par cette tendance. La chaîne de boutiques de luxe new-yorkaise  Barney’s a fait faillite. Nordstrom, une chaîne de prêt à porter et accessoires, est aussi en difficulté depuis trois trimestres consécutifs. D’un autre côté, les chaînes Walmart et Target, qui ciblent une clientèle plus ordinaire, battent leurs prévisions de ventes.

Les 10 % de citoyens les plus riches à l’origine de près de la moitié de la consommation

Même si certains secteurs du luxe, tels que la vente de voitures de luxe neuves, les montres et la mode, sont relativement épargnés, des rapports récents suggèrent que la classe riche américaine commence à réduire globalement ses dépenses. Si ce phénomène se poursuit, c’est l’ensemble de l’économie américaine qui pourrait s’en trouver affecté. En effet, les 10 % de citoyens américains les plus fortunés sont à l’origine de près de la moitié des dépenses de consommation.

Sur les deux dernières années, cette classe de citoyens a eu tendance à épargner, tandis que les classes moyennes ont augmenté leur consommation. Ainsi, ces dernières ont eu tendance à compenser le manque à gagner. Mais si la croissance du marché du travail commence à se tasser, on peut s’attendre à une hausse du chômage. A ce moment-là, la classe moyenne réduira également ses dépenses, ce qui pourrait déclencher un ralentissement économique.

Un renversement de situation aux Etats-Unis

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces réductions de dépenses, et notamment, les nouvelles mesures fiscales dans le secteur immobilier. Mais la majeure partie de l’explication provient de la volatilité des marchés boursiers. Les 10 % d’Américains les plus riches possèdent en effet plus de 80 % des actions des sociétés américaines. Ils ont donc été durement touchés par les récentes fluctuations boursières, d’autant qu’une grande partie de leur portefeuille est investie dans des parts de sociétés très actives à l’étranger, donc plus sensibles aux tensions économiques ressenties ailleurs dans le monde.

Au contraire, la classe moyenne américaine profite actuellement du quasi-plein emploi et de la relative stabilité du marché du logement.

Autrement dit, on assiste à un renversement de situation aux Etats-Unis. Pendant plus d’une dizaine d’années, la consommation (et, partant, l’économie) était tirée par les consommateurs les plus fortunés. Mais désormais, ce sont les Américains de la classe moyenne qui consomment, tandis que les plus aisés sont entrés dans une récession de la consommation.

Les plus riches conservent la plus grande capacité à dépenser, mais les achats sont conditionnés par la confiance et la certitude. Et en ces temps de guerre commerciale et d’incertitude des marchés boursiers, l’une et l’autre s’étiolent rapidement.

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