L’armée russe a pu faire ses courses en Europe et obtenir les meilleures technologies pendant des années, grâce à une filière belge

En démantelant une filière qui acheminait des composants technologiques frappés de sanctions en Russie, la Suède a secoué une fourmilière qui s’étendait vraisemblablement jusqu’à chez nous.

Pourquoi est-ce important ?

Si les sanctions sur les exportations russes fonctionnent moyennement, celles sur les importations sont bien plus efficaces. La machine de guerre du pays dépend de l'étranger pour tous ses composants les plus technologiques, des microprocesseurs aux roulements à billes. Sans ça, pas d'engins perfectionnés. Mais les Russes sont très forts pour créer des réseaux pour obtenir ce qu'ils veulent, et certains sont en place depuis les premières sanctions de 2014.

Dans l’actualité : le journal De Tjid, en collaboration avec le média d’investigation suédois Expressen et du journal estonien Delfi, a pu consulter des documents issus d’une perquisition menée à Stockholm en novembre 2022. Celle-ci ciblait la résidence de Sergueï Skvortsov, grand patron de la société d’import-export d’électronique Network Technologies.

  • Une firme suspectée de collecter des technologies occidentales pour l’appareil militaire russe, et frappée de sanctions par les USA dès 2016.
  • Or, parmi les documents photographiés par la police, on trouve une carte de visite venue de Belgique.

Une filière belge ?

L’enquête suédoise démontre que l’entreprise de Skvortsov à Stockholm a eu recours à des complices belges pour acheminer les marchandises vers la Russie.

  • La piste remonte jusqu’à une entreprise établie à Knokke-­Heist, Hasa-Invest. Officiellement, Network Technologies lui vendait ses produits, et ce depuis 2014. L’année même où les services suédois lui avaient interdit d’expédier en Russie des marchandises susceptibles de servir à des fins militaires.
  • Mais la société belge renvoyait ensuite ces cargaisons vers la Russie.
  • Les documents judiciaires suédois indiquent que les marchandises ont simplement été reconditionnées dans notre pays. Puis exportées via diverses expéditions vers la branche moscovite de Radioexport. Qui n’est autre que l’ancien nom de la société de Skvortsov à Stockholm.
  • Une fois seulement, la douane belge a stoppé une cargaison de Hasa-Invest sur la suspicion qu’il pouvait s’agir de marchandises soumises à une interdiction d’exportation.
  • L’enquête suédoise a démontré la présence d’anciens agents russes du GRU entre leur pays et le nôtre. Officiellement, ils étaient reconvertis dans les affaires. Mais dans les faits, ils semblaient bien gérer un réseau destiné à contourner les sanctions occidentales, et ce depuis au moins 2014.

Un réseau international pour contourner les sanctions

Interrogé par nos collègues de De Tijd, le patron (et quasiment seul employé) de Hasa-Invest, Hans De Geetere, nie toute implication dans un réseau quelconque.

  • « Notre client russe, Radioexport, était une grande entreprise qui importait beaucoup et était parfaitement en règle, jusqu’à ce que les Américains l’inscrivent sur la liste des sanctions en 2016 » leur répond-il.
  • Pourtant, les Suédois ont trouvé des messages entre les numéros mobiles de Skvortsov et De Geetere, envoyés entre 2017 et 2020. Ceux-ci contenaient les noms d’entreprises américaines qui participaient également au réseau russe et qui ont été arrêtées aux États-Unis en 2016 et 2022.
  • Selon les messages interceptés, les Russes et De Geetere semblaient également se disputer sur des impayés, à une échelle de plusieurs millions d’euros.
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