Allons-nous bientôt élever des poissons sur la Lune ?

Y aura-t-il bientôt des poissons sur la Lune? C’est une possibilité envisagée par une équipe de scientifiques français. Ils veulent lancer des œufs de poisson fécondés dans l’espace via des nanosatellites pour aider les équipages des futures missions sur la Lune et sur Mars – et plus tard peut-être aussi des colonies – à vivre de manière autonome.

Des chercheurs de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER) et de l’Université de Montpellier collaborent à un projet, Lunar Hatch, visant à concevoir une sorte de pisciculture sur la Lune, en utilisant l’eau qui y est déjà présente.

L’intention est de nourrir les habitants du futur « village lunaire ». Pour rappel, le PDG de l’Agence spatiale européenne (ESA) a plaidé en 2016 pour une telle base commune sur la Lune, incluant des projets spatiaux de différents pays et acteurs.

Le projet Lunar Hatch n’est que l’une des quelque 300 idées actuellement en cours d’évaluation par l’ESA, qui pourront – ou non – être sélectionnées pour la mission finale. Ce projet est une idée originale de Cyrille Przybyla, chercheur en biologie marine à l’IFREMER.

‘J’ai suggéré d’envoyer des œufs, pas du poisson, car les œufs et les embryons sont très forts’, a déclaré Przybyla au magazine scientifique Hakai. Et ses récentes expériences suggèrent qu’il a raison. Dans une simulation visant à simuler les vibrations intenses d’un lancement de fusée traditionnel, les chercheurs se sont aperçus que les œufs avaient réussi le test.

Tous les poissons ne sont pas « spatiaux »

L’équipe est également arrivée à la conclusion que tous les poissons ne sont pas aptes à être envoyés dans l’espace. Dans sa quête du poisson spatial parfait, Przybyla a compilé une liste de plusieurs centaines d’espèces. Finalement, une poignée d’entre elles ont été retenues. Seules les espèces ayant un besoin en oxygène modeste, de faibles émissions de dioxyde de carbone, un temps d’incubation court et une plus grande résistance aux rayons cosmiques ont été prises en compte.

Au final, les chercheurs ont décidé d’étudier de plus près les embryons de deux espèces: le bar européen et le maigre. Des œufs ont d’abord été secoués dans un laboratoire avec un shaker: un test réussi facilement. Ensuite, les embryons ont été mis à l’épreuve dans une machine simulant les vibrations – beaucoup plus fortes – du lancement d’une fusée russe Soyouz.

Après les chocs violents, 76% des œufs de bar savaient éclos, contre 82% des échantillons témoins – qui n’ont pas été secoués. Les œufs de maigre s’en sont encore mieux tirés: 95% œufs secoués ont éclos, contre 92%des œufs dans le groupe témoin.

Les chercheurs se sont dits stupéfaits. ‘C’était fou. L’environnement était très difficile pour ces œufs’, explique Przybyla, qui soupçonne que les œufs ont évolué pour survivre dans un environnement où ils peuvent résister à de forts courants, des vagues et des collisions contre des surfaces dures. En d’autres termes, ils sont naturellement parfaits pour l’espace.

Avantages de la pêche spatiale

Envoyer des poissons dans l’espace présente de nombreux avantages. Outre leur haute valeur nutritionnelle, ces poissons cultivés sur la Lune présentent, selon Przybyla un autre avantage important. ‘D’un point de vue psychologique, il vaut mieux avoir un souvenir de la Terre – comme un jardin ou un aquarium avec des poissons’.

Luke Roberson, chercheur au centre spatial Kennedy de la NASA en Floride, est d’accord. Les astronautes séjournant dans la Station spatiale internationale (ISS) passent beaucoup de temps à s’occuper des plantes qu’ils ont cultivées à bord, a-t-il confirmé à Hakai. ‘Ajoutez à cela un poisson ou un invertébré de compagnie et cela donne un avantage psychologique. Cela rend l’expérience plus humaine’

‘Concevoir des systèmes autonomes et autosuffisants pour la production alimentaire spatiale sera essentiel pour les futures missions spatiales’, ajoute Roberson. L’étude sur les œufs de poisson de Przybyla et de son équipe, dit-il, est ‘une première étape importante’ pour montrer que l’aquaculture peut être une partie viable des futurs voyages spatiaux.

Plus