A l’épreuve des faits : les mini-centrales nucléaires sont au cœur du problème des déchets radioactifs

La nouvelle génération de petits réacteurs nucléaires pourrait produire jusqu’à 30 fois plus de déchets que les grandes centrales conventionnelles en service aujourd’hui, selon la conclusion d’une étude récemment publiée par des scientifiques américains.

Pourquoi est-ce important ?

Le concept des SMR (small modular reactors, petits réacteurs modulaires) prend de l'ampleur dans le monde entier. Le milliardaire américain de la technologie Bill Gates et le président français Emmanuel Macron sont convaincus qu'ils joueront un rôle important dans la transition énergétique. Mais, qu'il s'agisse d'une énergie à faible émission de carbone ou non, tout le monde n'est pas convaincu que les avantages de l'énergie nucléaire sont supérieurs à ses coûts. La production de déchets, plus importante que dans les centrales traditionnelles, va constituer une grave atteinte à son image de source d'énergie propre.

Les partisans des SMR les considèrent comme un moyen moins coûteux et plus rapide de construire de nouvelles capacités de production d’énergie atomique. Contrairement aux réacteurs géants d’aujourd’hui qui peuvent produire un gigawatt d’électricité, les SMR sont conçus pour produire moins d’un tiers de cette énergie et fonctionnent en complément des énergies solaire et éolienne, à la production intermittente.

Il existe plus de 70 modèles de SMR à différents stades de développement dans le monde ; selon le Premier ministre britannique Boris Johnson, le modèle Rolls-Royce pour lequel le Royaume-Uni a payé très cher pourrait produire de l’électricité d’ici 2030.

Outre les Britanniques, les Français et les Polonais apportent également un soutien gouvernemental aux projets SMR. Le gouvernement américain a aussi injecté pas mal d’argent dans NuScale Power pour développer sa propre version de cette technologie.

Jusqu’à présent, cependant, il y avait peu d’évaluations indépendantes sur la façon dont les déchets radioactifs des réacteurs SMR se comparent à ceux de leurs homologues à plus grande échelle. Cela a changé cette semaine, avec la publication d’une étude de l’université de Stanford en Californie.

Non seulement plus de déchets, mais aussi plus chers

Pour évaluer cette technologie, la chercheuse Lindsay Krall et ses collègues ont utilisé les données que NuScale Power a publiquement partagées avec les autorités américaines. Les scientifiques se sont concentrés sur trois types de SMR, ceux refroidis à l’eau, au sel fondu et au sodium, et les ont comparés aux réacteurs à eau pressurisée, le type de technologie nucléaire à grande échelle le plus utilisé dans le monde.

Les chercheurs ont constaté que les mini-réacteurs produisent non seulement plus de déchets que les grandes centrales, mais aussi des déchets plus difficiles à stocker, et donc finalement plus chers. Si les SMR produisent de plus grandes quantités de déchets plus complexes à traiter, ça serait parce qu’ils sont intrinsèquement moins efficaces.

« Les petits réacteurs modulaires ont attiré l’attention en raison de leurs caractéristiques de sécurité intrinsèques et de leurs coûts réduits », ont déclaré les auteurs de l’étude, cités par l’agence de presse Bloomberg. Mais de grandes quantités de « déchets SMR devront être manipulées, conditionnées et emballées de manière appropriée avant de pouvoir être éliminées géologiquement. Ces processus entraîneront des coûts importants. »

Ils ont notamment constaté que les SMR, si l’on considère leurs quantités de déchets par unité d’électricité produite, génèrent jusqu’à 30 fois plus de déchets de haute activité qu’un réacteur classique, et jusqu’à 5 fois plus de combustible usé. « La variation de ces chiffres reflète la variation attendue dans les conceptions SMR en cours de développement », ajoutent toutefois les chercheurs.

Fuite de neutrons

L’explication plus technique derrière ces mauvais résultats, c’est que la production d’énergie nucléaire implique une réaction en chaîne, dans laquelle une seule réaction nucléaire dans le cœur du réacteur crée des neutrons qui provoquent ensuite une ou plusieurs réactions ultérieures en moyenne. Cependant, selon l’équipe de Krall, les SMR laissent échapper plus de neutrons de leur cœur qu’un réacteur plus grand, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas maintenir la réaction auto-entretenue aussi longtemps. Selon l’étude, même une petite différence dans les fuites de neutrons a un impact significatif sur la composition des déchets.

NuScale Power affirme que l’étude est basée sur des informations périmées. « Nous ne sommes pas d’accord avec la conclusion selon laquelle la conception de NuScale produit plus de combustible usé par unité d’énergie que les réacteurs à eau légère actuellement en service », a déclaré la firme au New Scientist.

(MB)

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