Ce mardi, le porte-parole du président kazakh a annoncé que la capitale du pays allait changer de nom. Objectif : affaiblir le culte de la personnalité bâti autour de son prédécesseur, qui a régné sur le Kazakhstan pendant près de trois décennies.
La capitale du Kazakhstan va à nouveau s’appeler Astana. Soit le nom qu’elle avait porté entre 1998 et 2019. Lors de ces trois dernières années, elle avait été baptisée Nour-Soultan, en l’honneur de Noursoultan Nazarbaïev, le président du pays de 1990 à 2019.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser au regard des dates, le changement de nom d’Astana en Nour-Soultan n’avait pas été décidé à la fin de la présidence de Nazarbaïev. Cela avait en réalité été une des premières grandes décisions de son successeur, Kassym-Jomart Tokaïev.
La décision avait donc été prise par le nouveau – et actuel – président kazakh. Mais il faut signaler qu’en coulisses, Nazarbaïev avait continué de faire jouer son influence, restant à la tête du parti au pouvoir et du conseil de sécurité du pays.
Nazarbaïev évincé, petit à petit
La décision prise par Tokaïev de revenir au nom d’Astana montre en revanche qu’il a commencé à s’affranchir de son prédécesseur depuis plusieurs mois.
Rappelons qu’au début de l’année, de vives manifestations ont éclaté dans le pays et qu’elles ont été réprimées dans le sang. Plus de 230 personnes y ont perdu la vie. Si c’est la soudaine hausse des prix du carburant qui avait été l’élément déclencheur du mouvement, les Kazakhs avaient exprimé un ras-le-bol plus global. Ils avaient notamment dénoncé des décennies de corruption et de mauvaise gestion, généralement associées à Nazarbaïev et à son entourage.
Suite à ces événements, Tokaïev avait choisi de réduire progressivement l’influence de son prédécesseur, le poussant à quitter la tête du parti au pouvoir et du conseil de sécurité du pays. Dans le même temps, le président kazakh avait évincé d’autres proches – membres de la famille ou alliés – de Nazarbaïev, allant même jusqu’à envoyer certains devant la justice.
En juin dernier, un référendum a été organisé dans le pays en vue de proposer de larges réformes constitutionnelles. Les Kazakhs se sont vus proposer, globalement, de réduire le pouvoir du président et de mettre un peu plus de d’huile démocratique dans les rouages du pouvoir. On leur a également demandé s’il fallait mettre un terme au culte de la personnalité autour de Nazarbaïev, dont le statut d’Elbasy (Chef de la Nation) lui garantissait l’immunité judiciaire. Sans surprise, une large majorité de Kazakh se sont montrés favorables à ces propositions.
Mais il ne disparaît pas complétement
Notons que si la capitale va retrouver son nom d’Astana, l’ombre de Nazarbaïev va toutefois continuer de planer sur les Kazakhs, en tout cas symboliquement. Une importante artère économique de la capitale économique du pays, Almaty, portera toujours son nom. Même chose pour l’aéroport d’Astana. Une université et des écoles garderont également son nom.
Il s’agit d’une reconnaissance du rôle de Nazarbaïev dans « le renforcement de l’État moderne du Kazakhstan et dans la création de la capitale », a expliqué le porte-parole de Tokaïev dans le message indiquant le changement de nom de la capitale.
C’est en effet Nazarbaïev qui a décidé d’y transférer la capitale en 1997, en lieu et place d’Almaty. Il y a notamment fait édifier des monuments à l’architecture fantasque, ce qui a donné à la ville le surnom de « Dubaï des steppes« .
Le pape est là, Xi Jinping arrive
On soulignera aussi que ce mercredi, la capitale du Kazakhstan sera le théâtre de la première virée à l’étranger de Xi Jinping depuis le début de la pandémie de coronavirus. Le président chinois rencontrera Tokaïev. Objectif probable : essayer de gagner de l’influence dans le pays et globalement en Asie centrale, dont les réserves énergétiques sont très convoitées.
L’ancienne république soviétique reste jusqu’ici encore très proche de la Russie, celle-ci ayant été appelée en renfort en début d’année pour réprimer les manifestations. Des liens qui semblent toutefois se distendre ces derniers mois, Tokaïev ayant refusé de reconnaître les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk – il ne reconnaît pas Taïwan non plus – et l’ancien président russe Dmitri Medvedev ayant dénoncé un « génocide des Russes » en cours au Kazakhstan.
Enfin, on notera que cette semaine est décidément très chargée pour le Kazakhstan, puisque le pape François a débarqué à Nour-soultan mardi pour une visite de trois jours. Accueilli par Tokaïev, il a appelé le président à son entourage politique à avancer vers la voie de la démocratie. Le principal enjeu de sa visite reste toutefois la guerre en Ukraine. Le pape François aurait d’ailleurs dû rencontrer au Kazakhstan Cyrille, le patriarche (orthodoxe) de Moscou et de toute la Russie, proche de Vladimir Poutine, mais il a annulé sa participation sans en préciser la raison.