Le 24 janvier, les représentants italiens éliront un nouveau président. Des personnalités du monde de la culture lancent un appel pour qu’une femme soit élue à ce poste pour la première fois. Ce vote, pour lequel certains imaginent Mario Draghi, actuel Premier ministre, comme candidat, intervient à un moment clé pour toute l’Union européenne : juste avant les présidentielles françaises et juste après les élections allemandes (les deux autres premières puissances économiques du continent).
Le président sortant est Sergio Mattarella. Malgré le titre pompeux, le poste n’est pas le plus important dans l’exécutif italien, comme le serait le titre de président en France ou aux Etats-Unis. Il s’agit d’un rôle plus représentatif, comme pour le président d’Allemagne, alors que la véritable figure de proue de l’exécutif est Mario Draghi, président du Conseil (Premier ministre).
Même si ce titre est plus un acte de représentation, en Italie, ce poste tient tout de même un rôle éminemment important. Comme le Roi des Belges, le président italien peut dissoudre le Parlement et demander des nouvelles élections – et les crises politiques sont monnaie courante en Italie. Les 1.008 personnes (les députés, les sénateurs, et 58 représentants régionaux) qui élisent le président, doivent alors alors souvent trouver un compromis, car la plupart du temps aucune candidature ne réunit le nombre suffisant de votes, analyse le Courrier international.
Dans cet imbroglio déjà compliqué, serait-il difficile de limiter encore plus les choix en ne proposant que des femmes comme candidats? Une critique souvent avancée. Mais un nombre d’écrivaines, d’intellectuelles et de personnes du monde du spectacle font fi de cette critique, et indiquent que de nombreuses femmes ont les capacités pour endosser le rôle : « beaucoup de femmes dans ce pays ont les titres, l’expérience et l’équilibre nécessaire pour représenter au mieux la nation, il n’y a donc pas de raisons acceptables pour retarder encore ce choix. »
La ministre de la Justice Marta Cartabia?
Le quotidien Il Fatto Quotidiano estime également que par la question de la « complexité du vote », il ne faille pas automatiquement exclure les femmes. Il fait l’analyse des candidates potentielles et distingue Marta Cartabia comme la plus probable. Ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, elle est aujourd’hui ministre de la Justice. Mais l’élément qui pourrait servir de point de convergence pour les électeurs est surtout son indépendance : elle n’est en effet affiliée à aucun parti.
Deux autres présidentes potentielles sont, selon l’analyse du média, Rosy Bindi, ancienne ministre de la Santé, représentant le Partito Democratico (centre gauche, parti aussi de l’ancien Premier Matteo Renzi) et Maria Elisabetta Alberti Castellati, qui est aujourd’hui la présidente de la Chambre, et fait partie de Forza Italia (centre droit, parti de Silvio Berlusconi, lui aussi souvent pointé pour devenir président le 24 janvier).
En même temps, le quotidien indépendant avertit de la récupération politique de la candidature d’une femme, devenant alors « un moyen pour distraire l’opinion publique ». Défendre des candidatures féminines pour faire bonne figure, en somme. Un constat que dresse également le journal Domani : tous plaident pour des candidatures de femmes, mais au moment de voter, les représentants en question choisiront tout de même le candidat masculin. Cette tendance se verra-t-elle renversée cette année?
Elections-clé dans les trois premières économies européennes
L’Allemagne a voté en automne et a désormais un nouveau gouvernement, après le règne d’Angela Merkel qui a duré 16 ans. En France, les élections présidentielles auront lieu en avril. L’Italie fait partie de ce trio de tête de l’économie européenne. Comme indiqué, le président de la République transalpine n’a pas grand mot à dire dans les décisions politiques, mais une personne qui est également perçue comme candidat au poste est Mario Draghi, l’actuel Premier ministre.
Sa désignation pourrait alors changer la donne dans ce trio de tête. L’Allemagne, on le sait, veut réinstaurer une politique budgétaire plus stricte. Le couple Macron-Draghi se prononce plutôt pour l’abandon, sinon le réforme, des règles de Maastricht. Ces trois ont toujours un rôle influent sur les politiques de l’Union européenne.
Et si ces deux hommes devaient quitter leur poste? Emmanuel Macron est en tête des sondages, mais n’a pas encore annoncé sa candidature. Et même s’il est réélu, la crispation politique actuelle en France, notamment amenée par les candidats d’extrême-droite, devrait rendre son exercice plus difficile lors du prochain quinquennat. Les élections législatives auront lieu en juin.
En Italie, les crises politiques sont monnaie courante. Draghi cependant a su créer un certain consensus politique, et a savamment tenu la barre lors de la relance, mettant l’Italie au-devant de la scène lors de la sortie de crise. Une gestion de main de maître qui lui a valu de nombreuses louanges à échelle internationale. Sans lui, la majorité actuelle, fragmentée, serait mise devant la difficile épreuve de trouver un nouveau candidat pour ce poste ; chose qui a déjà mené à plus d’une dissolution de parlement.
Mais même la désignation d’un président, autre que Draghi (dont le mandat court jusqu’en 2023), devrait mettre une certaine pression sur la majorité et pourrait créer des dissonances, même sur le long terme, analyse CNBC.
Ces deux élections promettent donc leur lot de suspense. Encore 19 jours pour l’Italie, et encore trois mois pour la France.