Les dettes d’Evergrande mènent à une crise en Chine. Mais le gouvernement ne serait-il pas tombé sur une occasion en or pour donner un exemple, en faisant payer personnellement le patron d’Evergrande, pour imposer davantage de restrictions sur le marché des prêts? De nombreux signes semblent l’indiquer.
Les dettes d’Evergrande sont colossales. Même si l’entreprise de construction a déjà payé quelques intérêts, d’autres échéances arrivent sans cesse. Mercredi, un paiement d’intérêts à hauteur de 148 millions de dollars a finalement pu être remboursé. L’entreprise avait déjà repoussé le paiement auparavant, et était maintenant arrivée au terme d’une période dite de grâce de 30 jours.
Sur l’année 2022, des intérêts à hauteur de 8 milliards de dollars seront dus. Mais alors, comment payer? L’entreprise a déjà essayé de vendre des parts de sa filiale de vente de voitures, ainsi qu’un immeuble de bureaux à Hong Kong, mais sans succès. Pour payer des redevances précédentes, l’entreprise s’est même débarrassé deux de ses jets privés.
La Chine veut donner un exemple…
La vente de biens personnels, pour éponger la dette, semble être une stratégie que le gouvernement chinois veut imposer pour résoudre cette crise. Pas uniquement les biens de l’entreprise, mais les biens du patron et fondateur, Xu Jiayin, qui était il n’y a pas si longtemps la 53e fortune mondiale selon Forbes. C’est ce que confirmaient des sources anonymes à l’agence Bloomberg en octobre.
Selon des médias de Hong Kong, qui ont analysé un registre de terrains, Xu aurait d’ailleurs pris une villa privée comme garantie dans des prêts.
La Chine veut réguler les prêts que prennent les acteurs du marché de l’immobilier. Trop de prêts, trop de risques, pour le gouvernement de Xi Jinping. « C’est quelque chose que le gouvernement chinois verrait bien être éliminé », explique à CNN Peter Cai, un expert sur la Chine du Lowy Institute, un think tank australien. « En faisant un exemple des milliardaires qui ont pris trop de prêts pour leurs entreprises, je pense que c’est une manière du gouvernement de montrer sa détermination. »
Donc mettre Xu Jiajin, ce fantasque riche (également membre du Comité Consultatif, qui donne ainsi ses avis sur les politiques prises et à prendre au gouvernement) au pilori, le forcer à payer les dettes de ses propres poches, pour montrer l’exemple en termes de gestion d’entreprise à ne pas suivre, serait donc la stratégie du gouvernement chinois. Mais le calcul financier est un peu moins évident : la dette totale de l’entreprise est de 300 milliards de dollars, alors que la fortune personnelle du patron est retombée à sept milliards de dollars. « Mais le pousser à payer de ses poches est plus d’une valeur symbolique que pour effectivement éponger les dettes », continue Cai.
… pour ensuite réguler le marché
L’année dernière, Beijing a commencé à réprimer les prêts effrénés de l’immobilier. En août 2020, le gouvernement a présenté un plan contenant « trois lignes rouges » pour encadrer et limiter les contrats de dettes. Selon des experts, cités par CNN, les restrictions auraient justement ralenti le marché, et mené à cette crise de liquidités. D’autres estimaient que trop de libertés dans ces prêts auraient fait peur au Parti communiste, qui aurait vu une menace contre son autorité.
Xi Jinping estime vouloir réduire les inégalités entre riches et pauvres, fidèle à son programme de prospérité commune lancée au début de l’année. Mais des experts interprètent la volonté de restreindre le marché comme une volonté d’étendre le pouvoir du président, ainsi que celui du parti, et leur contrôle sur le pays.
Dernièrement, la Chine a imposé des régulations dans de nombreux secteurs, notamment la Tech, ainsi que les jeux vidéos.
Le gouvernement marche cependant sur des oeufs. L’économie chinoise, déjà au ralenti, serait en grande crise si Evergrande, voire tout le secteur de l’immobilier, venait à s’effondrer. Une entreprise comme Evergrande crée près de quatre millions de nouveaux emplois tous les ans, selon ses propres dires. Ce secteur contribue entre 25 et 30% au PIB de la deuxième puissance économique. Une crise pourrait également avoir des répercussions sur la croissance mondiale.