Affaire Vitae : des victimes de vol « imprudentes » à l’origine de la procédure judiciaire

Le montant global des préjudices financiers reste inconnu pour l’heure. Mais les autorités belges seraient passées à l’action suite aux plaintes d’utilisateurs dont les fonds avaient disparu. Le management de Vitae avait promis une communication officielle, qui n’a toujours pas vu le jour.

Mardi 22 juin 2021. Ce jour-là, la communauté internationale de Vitae avait rendez-vous en début de soirée avec Mendy, le directeur commercial anversois, pour une visioconférence sur « comment relever un défi ».

Ce jour-là, avec l’aide d’experts d’Europol, la police judiciaire fédérale procède à des perquisitions dans 17 lieux différents, surtout en Flandre. Les forces de l’ordre ciblent les membres présumés d’une organisation criminelle. Ils dirigent Vitae, un réseau social et sa cryptomonnaie, encore à l’état de développement mais impliquant déjà des milliers de bêta-testeurs partout dans le monde. Il s’agirait d’un système de Ponzi mondial.

Ce jour-là, Mendy et 4 autres personnes sont arrêtées. En l’absence de déclaration des autorités belges, la communauté Vitae attend toujours l’intervention de son charismatique CCO.

Au moment prévu pour la visio sur les canaux de communication destinés aux membres, on prévient d’abord qu’une mise à jour est en cours sur le site du réseau social, Vitae.co. « Si vous rencontrez des problèmes d’utilisation, réessayez dans quelques heures », conseille l’administrateur. Puis invoquant tardivement un autre « problème technique », l’admin s’excuse de devoir annuler la conférence à la dernière minute.

« Une autre urgence »

Mais Vitae.co et Vitaetoken.io, le site dédié au jeton numérique du média social, ne sont plus accessibles. Un message flanqué d’un énorme signe « Stop » a remplacé leur page d’accueil. Quiconque peut y lire que « le site contient des informations illégales au regard de la législation belge. »

Le lendemain, sans autre commentaire, un nouveau rendez-vous est donné sur les messageries externes de Vitae pour une conférence « Bienvenue dans l’industrie aux 1.000 milliards $ » donnée par deux ambassadeurs depuis le Ghana. La communauté ne semble toujours pas au fait des démêlés avec la justice en Belgique.

Un nouveau couac survient le 24 juin. Un meeting particulièrement attendu sur zoom se retrouve lui aussi annulé sans grandes explications. C’est que l’invité spécial ne pourra prendre part à l’événement. Nous l’appellerons Ritchie, un commercial chevronné de la région d’Anvers. Il est le premier membre premium de Vitae dans le monde mais il est dit « indisponible à cause d’une urgence avec l’équipe juridique » de l’entreprise crypto-sociale.

Le parquet fédéral annonce alors une opération de démantèlement d’une vaste fraude pyramidale. Inquiétés, des membres contactent la CEO de Vitae, une avocate d’affaires passée par la banque Crédit Suisse où elle chapeautait une division pour gros patrimoines. « Nous sommes occupés à préparer une réponse officielle pour l’entreprise », indiquera laconiquement la dirigeante. Contactée par nos soins, elle n’a pas donné suite à nos interrogations.

« Des membres ont été hackés »

Dans la nébuleuse des messageries employées par les membres de Vitae, un administrateur de la Global Team explique alors que l’opération policière survient après une cyberattaque. « 15 comptes ont été hackés et vidés en Europe. Les victimes ont porté plainte et la Cyber Crime Unit de la Belgique est intervenue instantanément. La justice belge a temporairement fermé les serveurs de Vitae pendant l’enquête », indique l’admin, assurant que l’équipe de Vitae travaille en étroite collaboration avec les autorités belges pour résoudre ce problème et promettant fournir des détails complémentaires dès que possible.

Choquée par la fermeture arbitraire de sa plateforme censée apporter la prospérité à ses utilisateurs, une membre importante de Vitae lance une campagne de soutien sur le site de pétitions en ligne Change.org le 25 juin. Elle engrangera des dizaines de milliers de signatures au fil des semaines. Jusqu’à ce mercredi. Au lendemain d’avoir franchi le cap symbolique des 40.000 signataires, la pétition réclamant au parquet fédéral belge de débloquer les sites de Vitae a bizarrement disparu. Soit parce que son auteure l’a supprimée, soit parce qu’elle a enfreint les règles de Change.

Le samedi 26 juin, un autre administrateur d’un canal de communication de Vitae AG prend la parole pour tenter de clarifier une situation « difficile à décrire brièvement ».

« La plupart des propos dans les médias sont des mensonges. Les faits : 15 membres de Vitae ont été victimes d’un piratage, leurs comptes ont été hackés et tous leurs tokens ont été volés », détaille cet admin, avant de décliner toute responsabilité de Vitae pour ces victimes imprudentes. « C’est au membre d’assurer la sécurité de son compte en utilisant un mot de passe difficile et une authentification à deux facteurs. »

« Une intrusion »

Selon ses dires, ces victimes belges ont porté plainte à la police, ce qui a initié l’enquête qui vise actuellement l’entreprise Vitae à tort. Sur les cinq personnes arrêtées et placées en détention préventive, il précise qu’il y a le CCO, le COO mais aussi Ritchie, le premier membre premium de Vitae, ami de longue date du directeur commercial.

« Leurs tokens Vitae mais aussi leurs autres cryptos, leurs voitures, tout a été saisi et leurs comptes en banque bloqués. C’est une intrusion dans leur vie privée », déplore l’administrateur.

Il explique que le management ne veut pas commenter publiquement l’affaire tant qu’il ne sait pas exactement ce que l’enquête a dévoilé ou non.

« De très bons avocats accompagnent les membres », ajoute-t-il, avant de donner pour conseil « à tous les membres du monde : soyez calmes, gardez foi en Vitae, soyez patients pendant au moins deux semaines, Vitae en ressortira plus fort. »

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