Voir les deux hommes les plus riches du monde se battre pour conquérir la Lune, c’est bien triste…

La pleine lune était magnifique cette semaine. Elle était au plus près de la Terre, ce qui la rendait plus grande et plus brillante que d’habitude. Pendant ce temps-là, ici-bas, deux milliardaires de l’espace, et actuellement les deux hommes les plus riches de la Terre, se chamaillaient pour cette même Lune. C’est un peu pathétique, mais cela montre les profonds changements qu’a connus la conquête spatiale.

Nous parlons de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et de la société spatiale Blue Origin, la personne la plus riche du monde, et d’Elon Musk, le fondateur de la société spatiale SpaceX, et la deuxième personne la plus riche du monde. Bezos et Musk veulent tous deux que la NASA choisisse leur entreprise respective pour envoyer un homme sur la Lune pour la première fois depuis 1972.

Les astronautes n’ont pas mis le pied sur la Lune depuis la dernière mission Apollo, il y a maintenant près de 50 ans. Mais les Américains ont à nouveau de grands projets : un retour triomphal, un séjour plus long et même la construction d’une base permanente. Et ces dernières années, ils ont sollicité l’aide du secteur privé pour y parvenir.

Une guéguerre sur Twitter avec des blagues suggestives sur les pénis, on en est là

La NASA a annoncé il y a quinze jours que SpaceX avait remporté le contrat convoité, d’une valeur de 2,9 milliards de dollars, pour développer un engin d’alunissage. La société a battu Blue Origin, qui s’est associée à des entrepreneurs spatiaux de longue date pour déposer son offre. Cette semaine, Blue Origin a fait savoir qu’elle contestait cette décision. L’entreprise de Bezos a déposé une plainte auprès de l’agence fédérale qui enquête sur les dépenses du gouvernement.

Bezos et Musk se chamaillent depuis des années au sujet des projets spatiaux, et ce dernier épisode, le plus important à ce jour, ne les a pas vraiment réconcilié, ni même mis en valeur. Bezos, qui prévoit de quitter son poste de PDG d’Amazon cet été pour se consacrer davantage à son entreprise spatiale, serait ‘furieux’. Musk a jugé nécessaire de se moquer de lui, et de remettre en question sa virilité, en soulignant que Blue Origin, contrairement à SpaceX, n’a jusqu’à présent effectué que des vols suborbitaux. ‘Can’t get it up (to orbit) lol.’, a-t-il tweeté.

Nous vivons clairement dans un monde différent par rapport au moment où la NASA s’est lancée dans sa première mission visant à faire atterrir des hommes sur la Lune, dans les années 1960. Faire des blagues suggestives sur les pénis devant un public de millions d’adeptes ne faisait pas partie du jeu à l’époque.

Avant, les stars du voyage spatial étaient des astronautes. Aujourd’hui, ce sont des milliardaires excentriques.

La querelle entre Bezos et Musk est le résultat d’un certain nombre de changements radicaux dans le domaine de la conquête spatiale depuis, disons, une décennie. La première est que les entreprises privées effectuent désormais le type de missions spatiales qui étaient autrefois réservés aux agences gouvernementales. SpaceX a envoyé des astronautes sur la station spatiale internationale et prévoit de faire voler des non-astronautes d’ici la fin de l’année. Blue Origin semble quant à elle plus proche d’entamer les vols touristiques dans l’espace.

Le deuxième grand changement est que les icônes de l’espace sont désormais les puissants propriétaires de sociétés privées, avec leurs propres histoires personnelles et leurs ambitions propres. Avant et pendant l’ère Apollo, les célébrités étaient les astronautes – John Glenn, Neil Armstrong -, maintenant ce sont des milliardaires excentriques.

Illustrons ce point un instant. Dans le cadre du programme Artemis, du nom de la sœur d’Apollo, la NASA veut faire atterrir la première femme et la première personne de couleur sur la Lune. Mais qui connaît les astronautes qu’elle a sélectionnés pour s’entraîner à ces missions ? En attendant, tout le monde sait que Musk est responsable de Tesla, qu’il est en couple avec une chanteuse lunaire et qu’il a donné à son bébé un nom imprononçable. On sait aussi que Bezos est responsable d’Amazon, que son divorce a été le plus cher de tous les temps, que son ex-épouse MacKenzie Scott s’en est enrichie de 35 milliards, et que Bezos a fait pression sur Paramount pour obtenir le rôle d’un officier de Starfleet dans le film Star Trek Beyond. Ah, oui, aussi, il aime se promener avec un gilet pare-balles. Indépendamment de ce qui se passe avec le contrat lunaire la semaine dernière, ce sont ces hommes qui contribueront à façonner l’avenir de l’humanité dans l’espace pour les décennies à venir.

Des rêves différents, mais le même objectif à court terme

Musk et Bezos ont une histoire colorée d’intimidations mutuelles pour des sujets liés à l’espace. Lorsque Blue Origin a lancé une fusée puis l’a faite atterrir à la verticale sur le sol lors d’une première historique, Musk a félicité Bezos, mais a souligné que Blue Origin n’était pas entré en orbite. Un mois plus tard, quand SpaceX a livré le même exploit, mais avec une fusée orbitale, Bezos a ignoré cette remarque et a félicité Musk avec un tweet « Bienvenue au club! ».

Les milliardaires se sont aussi disputés à propos de l’utilisation d’une célèbre rampe de lancement de la NASA à Cap Canaveral, et au sujet leurs initiatives visant à mettre en orbite des constellations géantes de satellites Internet. Les entreprises ont des réputations différentes: celle de Blue Origin est lente mais régulière, tandis que SpaceX est considérée comme agressive et impulsive.

Les rêves des deux hommes diffèrent également Musk veut construire une ville sur Mars, Bezos imagine des stations spatiales géantes qui ressemblent à des villes. Mais d’abord, ils veulent surtout tous deux être celui qui ramènera l’humanité sur la Lune.

L’industrie spatiale s’attendait à ce que la NASA choisisse au moins deux candidats pour le contrat d’alunissage, dans un esprit de concurrence encourageant les autres projets spatiaux, mais aussi comme solution de secours en cas d’échec de l’un d’entre eux. Le programme de transport de la NASA vers l’ISS, par exemple, a attribué des contrats à SpaceX et à Boeing. Mais cela ne s’est pas produit cette fois-ci. La NASA répond qu’elle a reçu à peine assez d’argent du Congrès américain que pour choisir un gagnant. Deux, c’était impossible. Tout en précisant qu’elle souhaite se rendre le plus rapidement sur la Lune.

L’ancien président Donald Trump avait fixé l’échéance à 2024. Et le nouveau patron de la NASA, l’ancien sénateur Bill Nelson, choisi par Joe Biden, a déclaré la semaine dernière lors de son audition qu’il essaierait de s’en tenir à cet objectif.

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