En Irlande, un guide secret du parti Sinn Féin apporte des arguments à ses membres pour persuader leurs électeurs du bien-fondé et de la faisabilité d’une réunification du pays après le brexit.
Le premier jet de ce document, appelé « Guide des militants », a été distribué à une réunion du parti hier, sans être communiqué aux médias. Mais le Times a pu s’en procurer une copie. Le document explique que le Sinn Fein souhaite qu’un référendum sur la réunification soit tenu dans les 5 prochaines années. « Il y aura un référendum et nous devons nous préparer à gagner. Nous devons penser de manière nationale et agir de manière locale. Il ne pourra pas y avoir de véritable république sans une Irlande unie », peut-on y lire.
Une meilleure représentation au Parlement
Le guide explique comment évoquer le thème de la réunification auprès de ses amis et de sa famille. Il indique de que dans cette hypothèse, les Irlandais du Nord pourraient compter sur 58 députés au Parlement irlandais, qui en compte 215 au total, contre 18 actuellement au Parlement britannique, qui en compte 650. De ce fait, leur représentation grimperait à 27 % du pays, contre 3 % actuellement. De plus, selon lui, les 20 % d’Irlandais unionistes auraient la possibilité « d’exercer une autorité, un pouvoir et une influence réels », contrairement à ceux dont jouissent actuellement les députés du DUP (unionistes de l’Irlande du Nord) au Parlement de Westminster.
La création d’une « Nouvelle Irlande »
Le guide fournit également des arguments permettant de contrer toutes les objections. Il conseille par exemple d’éluder la question du coût de la prise en charge des 6 nouveaux comtés pour la République d’Irlande en invoquant la création d’une “Nouvelle Irlande”. Il se montre ouvert concernant l’hymne national et le drapeau que pourrait adopter cette « Nouvelle Irlande », et indique que cela pourrait être étudié. Il indique également qu’une étude de 2015 a montré qu’une réunification donnerait un coup de pouce économique tant au nord qu’au sud du pays.
La perte des subventions britanniques versées à l’Irlande du Nord est également abordée. Le document conteste qu’elle se monte à 10 milliards de livres (environ 11 milliards d’euros), comme on le croit habituellement, mais que leur montant réel serait compris entre 2,7 milliards de livres et 5,1 milliard de livres (entre 3 et 5,7 milliards d’euros). Il argue qu’étant donné la croissance économique induite par la réunification, ces subventions ne seraient de toute façon plus nécessaires, et que le budget de l’Irlande du Nord serait presque à l’équilibre.
Un système de santé public gratuit pour tous les Irlandais
Le livret enjoint d’affirmer au public qu’il n’y aura pas de période de chaos, compte tenu que l’on pourrait prévoir une période de transition pendant laquelle l’assemblée de l’Irlande du Nord serait maintenue.
En outre, il promet que le Sinn Fein s’engagerait à mettre en place un système de santé public gratuit pour l’ensemble du pays, financé par les recettes des impôts.
Il concède que certains fonctionnaires perdraient leur emploi à la suite de la réunification, en raison des redondances qui en découleraient, mais propose de répondre à cette objection en rappelant que certains postes du service public ne sont actuellement pas pourvus au nord et au sud du pays, et qu’il serait alors possible de remédier à cette situation.
Le Brexit fournit une occasion en or pour la réunification
Pour la dirigeante du Sinn Fein, Mary Lou McDonald (notre photo), le Brexit fournit une excellente opportunité pour réunifier son pays, et elle compte bien en profiter. Le 22 février dernier, elle avait déjà déclaré qu’elle « envisageait un référendum sur la réunification au cours de la prochaine décennie ».
Récemment, un sondage de Deltapoll a conclu que 52 % des électeurs d’Irlande du Nord préféraient rejoindre la république d’Irlande après le brexit, tandis que 39 % d’entre eux préféraient rester au Royaume-Uni.
A 7 mois du Brexit, l’Irlande demeure la principale pierre d’achoppement des négociations
La question de la frontière irlandaise reste la question d’achoppement pour la conclusion d’un accord concernant le Brexit. En 2017, Londres et Bruxelles ont exclu la possibilité de la réinstauration d’une frontière physique en Irlande. Mais en cas de sortie du marché unique du Royaume-Uni le 29 mars 2019, il sera nécessaire de rétablir les contrôles douaniers entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.
Le gouvernement de Theresa May planche sur une solution de “filet de sécurité” (“backstop”) pour éviter ce cas de figure. “Ce backstop est essentiel pour conclure les négociations car… sans protection, il n’y a pas d’accord”, a martelé le négociateur en chef de l’Union européenne, Michel Barnier. Mais peu de progrès ont été réalisés côté britannique, comme le concède un officiel : “Nous sommes bloqués sur les anciens problèmes. Il n’y a rien de nouveau. C’est toujours pareil”.