L’Europe est-elle au bord de la guerre ? La menace russe est-elle vraiment si dangereuse ?


Principaux renseignements

  • Ce qui semblait autrefois irréel devient de plus en plus un scénario réaliste : une guerre en Europe avec la Russie.
  • Le renforcement militaire de la Russie, ses tactiques de guerre hybride et le déploiement permanent de troupes près des frontières de l’OTAN sont le signe d’une menace croissante de guerre en Europe.
  • Malgré les avantages de l’OTAN en termes de technologie et de ressources, la Russie mise sur la rapidité, l’agressivité et la production de masse.

Les responsables de l’OTAN et les analystes de la défense s’inquiètent de plus en plus de l’éventualité d’une guerre en Europe impliquant la Russie. Le renforcement militaire continu de la Russie, ses tactiques de guerre hybride et ses déploiements de forces à long terme ont tiré la sonnette d’alarme quant à la sécurité du continent.

Dans les ministères de la Défense européens, la question autrefois impensable d’une nouvelle guerre avec la Russie est désormais sérieusement envisagée. Des événements récents, tels que des exercices militaires à grande échelle en Russie et le stationnement permanent de troupes au Belarus, ont considérablement modifié l’évaluation de la menace par l’OTAN. Le fait que l’industrie de défense de Moscou fonctionne à pleine capacité en temps de guerre et que ses forces continuent de mener des exercices provocateurs près des frontières de l’Alliance ne fait qu’amplifier ces inquiétudes.

Menace imminente

Bien qu’aucune action unique ne confirme définitivement l’imminence d’un conflit, le schéma constant de préparation suggère que le risque de guerre dans les prochaines années ne peut plus être écarté. La possibilité d’une guerre majeure en Europe est passée d’un concept stratégique abstrait à une préoccupation tangible. Dans les ministères de la défense situés le long du flanc oriental de l’OTAN, l’expression « conflit conventionnel majeur » est discrètement réapparue dans les documents de planification de la guerre.

Moscou ne cesse de repousser les limites en violant l’espace aérien au-dessus de la mer Baltique, en sabotant des oléoducs en mer du Nord et en lançant des attaques de guerre électronique contre les systèmes GPS scandinaves. Dans le même temps, son complexe militaro-industriel fonctionne à un rythme de guerre. Les exercices de mobilisation sont désormais monnaie courante dans toute la Russie occidentale et les troupes russes établissent une présence permanente au Belarus.

De la dissuasion aux opportunités pour la Russie

Cette situation soulève des questions sur la capacité de l’OTAN à dissuader les agressions. Depuis des décennies, le dispositif de l’OTAN repose sur la dissuasion par la supériorité de la force, la technologie de pointe et la cohésion de l’alliance. Cependant, lorsque l’une des parties devient plus audacieuse, plus rapide et moins encline à prendre des risques, tandis que l’autre est confrontée à la fragmentation politique et à la lenteur industrielle, l’équilibre des forces commence à se modifier.

On assiste à l’émergence d’un scénario que les chefs militaires redoutent mais que les décideurs politiques minimisent : l’émergence d’une fenêtre d’opportunité dans laquelle la Russie pourrait frapper la première, frapper rapidement et laisser l’OTAN dans l’embarras pour réagir.

Bloc stratégique élargi

En outre, une guerre en Europe pourrait ne pas rester une affaire régionale. De plus en plus, Moscou semble jeter les bases d’un bloc stratégique plus large d’États autoritaires, capable d’étendre l’OTAN sur plusieurs théâtres et de briser la cohésion occidentale. Le rôle de l’Iran s’est étendu au-delà des livraisons de drones ; il fournit désormais des instructeurs, des munitions et une assistance technique aux forces russes.

Le soutien militaire de la Corée du Nord à la Russie a également pris de l’ampleur. Des transferts de munitions, d’obus d’artillerie et même une coopération en matière de missiles balistiques ont été documentés. Pyongyang a clairement indiqué que si l’Occident était distrait en Europe, il pourrait chercher des occasions de remettre en cause l’équilibre dans la péninsule coréenne.

Rôle ambigu de la Chine

La Chine reste un acteur crucial et ambigu dans cet alignement en cours. Officiellement neutre, Pékin continue de prendre publiquement ses distances avec la guerre en Ukraine. Cependant, en coulisses, sa coopération en matière de défense avec la Russie s’est élargie. Les patrouilles navales conjointes, le partage de renseignements depuis l’espace et la synchronisation des messages stratégiques suggèrent une solidarité discrète.

Si la Russie devait s’opposer à l’OTAN, la Chine ne s’y joindrait peut-être pas militairement, mais pourrait exploiter cette distraction pour faire pression sur Taïwan ou déstabiliser l’influence des États-Unis dans la région indo-pacifique. La Corée du Nord et la Chine ont donc toutes deux intérêt à ce qu’une guerre éclate en Europe afin d’en tirer profit dans leur propre région.

Défi pour l’OTAN

L’OTAN est confrontée à un défi complexe qui va au-delà de la puissance de feu. La Russie détient l’avantage géographique et l’avantage de l’initiative. Elle peut se mobiliser plus rapidement, frapper plus près et exploiter le terrain là où les défenses avancées de l’OTAN sont minces ou politiquement limitées. L’alliance, bien que plus grande et mieux dotée en ressources, doit encore parvenir à un consensus entre 32 membres avant d’agir de manière décisive.

Les États-Unis restent le pilier central de l’OTAN. Toutefois, leurs forces sont réparties dans le monde entier, engagées en Europe, concentrées dans le Pacifique et toujours empêtrées dans des opérations de dissuasion au Moyen-Orient. Une guerre en Europe contraindrait Washington à un triage stratégique : renforcer les forces outre-Atlantique ou les retenir en vue d’une éventuelle seconde crise ailleurs.

Supériorité vs préparation

Pour l’instant, l’OTAN conserve sa supériorité dans presque tous les domaines conventionnels, notamment en termes de personnel, d’avions, de puissance navale et de dépenses de défense. Mais la supériorité ne suffit pas à garantir la dissuasion. Ce qui compte aujourd’hui, c’est l’état de préparation, la réactivité et la détermination. Et sur ces fronts, la Russie ne reste pas inactive.

L’OTAN dispose d’une force militaire active nettement plus importante que les forces combinées de la Russie, de l’Iran et de la Corée du Nord. Toutefois, ces derniers bénéficient de systèmes de conscription et de modèles de mobilisation centralisés. Leur soutien conjoint à la Russie en Ukraine s’est avéré important sur le plan opérationnel.

Artillerie, force aérienne et marine

Si la flotte de chars de l’OTAN est plus moderne et mieux entretenue, la Russie compense par le volume de son artillerie. Moscou continue de produire des obus d’artillerie à un rythme cinq fois supérieur à celui de l’OTAN, aidé en cela par les munitions iraniennes et nord-coréennes.

Les forces aériennes de l’OTAN sont presque quatre fois plus nombreuses que celles de la Russie en ce qui concerne le nombre total d’aéronefs, et elles disposent de plus de 600 chasseurs de cinquième génération. La Russie exploite environ 1 500 avions de combat, mais bien que performants, ces appareils manquent de capacités furtives. Toutefois, la Russie a de plus en plus recours à l’utilisation massive de drones, les drones iraniens Shahed-136 et Mohajer-6 constituant l’épine dorsale de l’attrition à longue portée. Le déni de l’espace aérien est l’élément qui permet à la Russie de contrer l’avantage de l’OTAN.

Les marines de l’OTAN, menées par les États-Unis, disposent de plus de 2 700 navires de guerre, dont des porte-avions et plus de 140 sous-marins. La marine russe compte environ 420 navires, mais elle est largement cantonnée aux opérations régionales. L’Iran et la Corée du Nord ajoutent des menaces navales régionales avec des navires d’attaque rapides et des bateaux lance-missiles qui pourraient immobiliser les ressources américaines sur d’autres théâtres.

Décalage dans les dépenses de défense

L’OTAN dépense environ 10 fois plus que la Russie, avec plus de 1,38 billion de dollars (1,19 billions d’euros) de dépenses de défense annuelles combinées. Pourtant, les dépenses ne disent pas tout. Le complexe militaro-industriel russe est passé en mode guerre. Le système d’approvisionnement de l’OTAN en temps de paix a eu du mal à suivre le rythme de la production russe de munitions et d’obus d’artillerie.

Si l’OTAN détient l’avantage en termes de quantité, de technologie et de puissance économique, cet avantage s’érode si elle n’agit pas rapidement et de manière cohérente. La Russie et ses partenaires stratégiques misent sur l’asymétrie, la production de masse et l’escalade précoce pour perturber les délais de réaction de l’OTAN.

Défense dans l’UE

L’UE augmente rapidement ses budgets de défense. L’organe exécutif de l’UE incite les capitales à acheter des armes ensemble et souhaite qu’au moins 40 pour cent des marchés de défense soient des contrats conjoints d’ici à la fin de 2027. Elle souhaite également qu’au moins 55 pour cent des achats d’armes proviennent d’entreprises européennes et ukrainiennes d’ici 2028 et au moins 60 pour cent d’ici 2030

Le plan comprend des projets visant à combler les lacunes capacitaires de l’UE dans neuf domaines : défense aérienne et antimissile, catalyseurs, mobilité militaire, systèmes d’artillerie, IA et cybernétique, missiles et munitions, drones et anti-drones, combat terrestre et maritime. La feuille de route mentionne également le rôle de l’Ukraine, qui serait lourdement armée et soutenue pour devenir un « porc-épic d’acier » capable de dissuader l’agression russe.

Préparation à un conflit potentiel

Pour être prêts d’ici 2030, les projets dans tous les domaines prioritaires devraient être lancés au cours du premier semestre 2026.

Le général français Fabien Mandon a déclaré qu’il préparait les forces armées françaises à un éventuel choc russe dans trois ou quatre ans. Des généraux de haut rang et des hommes politiques des pays de l’UE et de l’OTAN ont prévenu que Moscou pourrait attaquer dans les années à venir, avec des échéances variant entre 2027 et 2030.

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