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Le premier vol transatlantique « vert » a décollé 

Le premier vol transatlantique « vert » a décollé 
Un premier vol transatlantique « vert » pour Virgin. (Photo credit should read CARL DE SOUZA/AFP via Getty Images)

Le premier vol transatlantique utilisant uniquement des carburants durables se trouve entre Londres et New York. Un pas de géant pour l’aviation verte ? En fait, ça reste encore à prouver. Et la filière ne suit pas.

Pourquoi est-ce important ?

Environ 2,5% des émissions mondiales : c'est ce que représente l'ensemble du trafic aérien civil sur notre planète. Or le nombre de vols est plutôt en hausse d'année en année, et il est bien plus difficile de trouver des alternatives plus vertes que les carburants fossiles, pour les avions. Mais la recherche progresse, et les avions plus ou moins écologiques s'avancent sur les pistes.

Premier plein entièrement « vert »

Dans l’actualité : le premier vol transatlantique d’un avion de ligne entièrement propulsé par du carburant « durable » a décollé ce matin de l’aéroport londonien d’Heathrow. Il s’agit d’un vol Virgin Atlantic, partiellement financé par le gouvernement britannique, précise The Gardian. Il doit atterrir à New York. Un premier pas salué par l’industrie aéronautique et le monde politique. Beaucoup moins par les scientifiques et les ONG de protection de la nature.

Le vol de ce mardi était le premier entièrement propulsé par des carburants alternatifs, appelés carburants d’aviation durables (CAD). Habituellement, les compagnies qui utilisent déjà ces alternatives font plutôt un mix de 50% de CAD pour 50% de kérosène classique. Dans le cas de ce vol Virgin Transatlantic, le carburant était composé des huiles extraites de suif et d’autres déchets recyclés.

Pour l’occasion, le vol n’emportait que des passagers triés sur le volet, issus du monde politique pour la plupart.

« Le vol d’aujourd’hui entièrement alimenté par des CAD montre comment nous pouvons décarboner les transports dès maintenant et à l’avenir, en réduisant les émissions du cycle de vie de 70 % et en inspirant la prochaine génération de solutions. »

Mark Harper, secrétaire britannique aux transports et passager, cité par The Guardian

Un vol transatlantique « vert » qui sert de vitrine

Le plot-twist : le carburant utilisé ce mardi a été importé des États-Unis et de l’UE.

  • Les carburants d’aviation durables sont plébiscités par le secteur aéronautique, car ils fonctionnent dans les avions existants, sans conversion. Mais on en produit vraiment très peu, ce qui n’en fait une alternative crédible au kérosène que si toute une filière se crée, ce qui coûterait cher.
  • Dans ce contexte, le vol de ce mardi tenait du coup de pub envers le grand public et le monde politique, afin d’investir dans des usines capables de produire du CAD avec des déchets. De quoi créer de l’emploi, assurent les avionneurs. Cinq usines commerciales pour produire des CAD au Royaume-Uni devraient être en construction d’ici 2025.

Du côté des défenseurs de l’environnement, on est moins enthousiaste, y compris au sein d’associations professionnelles de l’aéronautique. « L’idée que ce vol nous rapproche d’une manière ou d’une autre du vol sans culpabilité est une blague », estime Cait Hewitt, la directrice politique de la Fédération de l’environnement aéronautique. […] Espérons que nous aurons de meilleures solutions technologiques à l’avenir, mais pour l’instant, la seule façon de réduire le CO2 de l’aviation est de voler moins. »

Du carburant vert, vraiment ?

  • Car faire voler un avion (avec un carburant importé qu’il a bien fallu acheminer) c’est une chose. Mais développer de manière durable une filière qui consiste à traiter des huiles et des graisses animales en carburant, c’en est une autre. Et cela vaut tant pour les processus de traitement eux-mêmes que pour l’énergie utilisée, à l’heure actuelle par forcément issue d’une source renouvelable.
  • Or, l’Académie française des technologies estime à 37 MWh la consommation d’électricité nécessaire pour en fabriquer une tonne.Elle calcule que, pour remplacer largement les carburants fossiles, le secteur aurait alors besoin de 660 TWh d’énergie décarbonée par an en 2050, ce qui absorberait 25 % de l’électricité durable produite en Europe d’ici là.
  • En outre, le secrétariat britannique aux transports occulte l’aspect scientifique de ce vol, évoquant l’ère à venir de l’aviation « sans culpabilité » – d’où la réaction virulente de Cait Hewitt. Car les effets des traînées de condensation et des particules émises à haute altitude par ces carburants restent très mal connus. Il faudra encore les estimer après ce vol-test.
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