Après « le seum » des électeurs massivement déçus tant par les résultats du premier tour que par la très forte abstention, la colère de celles et ceux qui voulaient voter, mais en ont été empêchés ? Depuis ce lundi, les témoignages se multiplient : des citoyens français se sont retrouvés devant leur bureau de vote pour apprendre qu’ils avaient été rayés des listes.
Pour l’instant, ces témoignages circulent principalement sur les réseaux sociaux et sont donc difficilement vérifiables. Mais leur multiplication interpelle : de nombreux électeurs français, précisant bien qu’ils remplissaient les conditions pour voter et qu’ils avaient avec eux leur carte d’électeur et leurs papiers d’identité, mais qu’on leur a rétorqué qu’ils n’étaient pas sur les listes électorales.
En France le vote n’est pas obligatoire, mais pour déposer son bulletin dans l’urne il faut être inscrit sur les listes électorales de sa commune de résidence et pouvoir prouver son identité. Une carte d’électeur est également envoyée par courrier dans la majorité des cas, au plus tard 3 jours avant le scrutin, et il est conseillé de se présenter avec elle, mais ce n’est pas strictement obligatoire tant que les autres prérequis sont réunis.
Des centaines de rejetés dans certaines villes
Mais il semblerait que ce système ait connu un nombre important de cafouillages au premier tour et, vu le nombre et la répartition géographique des témoignages, il ne semble pas s’agir de cas isolés ; on évoque, dans certains quartiers et certaines villes, des centaines de personnes qui ont été privées de leur droit de vote.
Deux raisons semblent se détacher pour expliquer ces manquements : des déménagements qui n’ont pas été pris en compte, empêchant la personne de voter dans son nouveau lieu de résidence, et les cas de mariage entrainant confusion suite à un changement de nom de famille ; une situation qui touche en majorité des femmes.
Sauf que les institutions publiques françaises semblent avoir laissé planer l’ambiguïté sur la date butoir pour vérifier son inscription sur les listes électorales ; en outre, certains précisent qu’ils avaient reçu confirmation par mail que leur cas était bien réglé avant de se voir débouter à l’entrée de l’isoloir.
La file pour voter, puis devant le tribunal
Combien de personnes ont été privées de leur droit de vote par ce qui semble bien être une multiplication des erreurs administratives ? Impossible à dire avec certitude. Le site Rue89 évoque au moins 200 personnes qui se sont présentées à la mairie de Strasbourg afin de contester leur radiation de la liste électorale et réclamer leur réinscription ce dimanche 10 avril pour voter au premier tour de l’élection présidentielle. Et ce, sans certitude d’y parvenir : l’un des motifs recevables pour une réinscription en urgence semble être de vivre dans une rue dont le nom a récemment été changé.
Et beaucoup d’autres se sont probablement résignées en apprenant leur éviction, d’autant qu’il fallait souvent faire la file pendant une heure, voire deux, avant de se présenter. Et des situations semblables semblent s’être produites dans de nombreuses villes. Or, si on peut imaginer que tous n’avaient pas effectué à temps les démarches nécessaires pour s’inscrire, de nombreux témoignages insistent que c’était bien le cas, et que leur radiation des listes électorales tenues par les communes ne s’explique pas et ne leur a pas été communiquée.
Près de 227.000 personnes rayées des listes à l’initiative des communes
Selon les chiffres de l’INSEE, pour ce scrutin, les communes françaises ont rayé automatiquement des listes et à leur initiative 226.962 électeurs sans que cela soit imputable à leur décès, ou à un déménagement, pour lequel cette suppression serait comptabilisée comme relevant d’une inscription ailleurs (plus de 3 millions de dossiers). Difficile de détailler plus ce nombre et les raisons derrière ces radiations, mais ce chiffre interpelle alors que certains bureaux de vote strasbourgeois auraient refusé l’accès à l’isoloir à 10% des personnes s’étant déplacées, toujours selon Rue89.
Déni de démocratie et munitions pour les complotistes
Ces erreurs administratives ont de quoi choquer : pour les personnes concernées, il s’agit d’un déni de démocratie. Mais est-ce que cela a eu une influence sur le résultat du premier tour ? C’est très peu probable : même si plus de 200.000 personnes avaient été injustement empêchées de voter (et jusqu’à preuve du contraire ce nombre n’est pas si élevé), ce n’est pas suffisant pour influencer significativement les scores, ces votes se répartissant sur l’ensemble des candidats. À moins bien sûr de verser dans la théorie du complot, un pas que certains franchissent déjà. Car ces erreurs à répétition ont pour principale conséquence de saper la confiance de nombre de Français envers leurs institutions démocratiques.