Une startup se donne 6 ans pour faire revivre le mammouth. Et le but n’est pas de jouer aux apprentis-sorciers

Depuis 20 ans, les scientifiques s’interrogent sur le possible clonage d’un mammouth. Une nouvelle start-up veut tenter le coup et espère y arriver dans les six ans à venir. Avec comme but d’équilibrer les écosystèmes arctiques et de limiter les émissions de carbone pris dans les sols gelés.

Verra-t-on un jour des mammouths arpenter à nouveau la Terre ? Pas de science-fiction ici, mais un fantasme scientifique bien réel apparu avec la révolution génétique du tournant des XXe et XXIe siècles, et surtout la découverte de Jarkov, en 1998. Un mammouth adulte, entièrement préservé dans les glaces de Sibérie depuis 20.000 ans. Conservé dans un bloc de glace placé dans un bunker qui le maintient à -15°C, Jarkov a permis d’étudier l’ADN de son espèce, tout en offrant l’espoir d’un futur clonage.

Plus de 20 ans après, les mammouths n’ont toujours pas fait leur grand retour, mais l’idée n’a jamais été abandonnée. C’est d’ailleurs l’objectif que s’est attribuée une nouvelle start-up américaine intitulée, avec beaucoup d’à-propos, Colossal, et née de l’association entre l’entrepreneur Ben Lamm et le généticien renommé de Harvard, George Church.

La compagnie veut se spécialiser dans la « désextinction », soit la recréation par la génétique d’animaux semblables à des espèces disparues, en général à cause de l’activité humaine. Le sujet fait polémique dans les milieux scientifiques, mais ces partisans assurent ne pas être motivés par une sorte de mauvaise conscience humaine : les animaux disparus occupaient des niches bien précises dans leur écosystème et, bien souvent, celles-ci demeurent vacantes, laissant un écosystème bancal. On peut le constater aisément en Europe de l’Ouest, ou l’absence de grands prédateurs entraine une multiplication des cervidés, qui dégradent les forêts et ne trouvent plus de quoi se nourrir en suffisance. Jusqu’à ce que les loups reviennent et chassent les plus jeunes herbivores, limitant leur prolifération.

géo-ingénieur laineux

Or le mammouth jouait un rôle essentiel dans l’environnement arctique : en arrachant les arbres et en piétinant les sols, il entretenait inconsciemment l’écosystème qui lui convenait le mieux : une immense steppe herbeuse s’étendant à perte de vue, qui nous rappellerait de nos jours la version glaciale d’une savane africaine. Or la steppe a presque disparu de Sibérie, et c’est préoccupant, car il s’agit d’un environnement naturellement froid, qui retient bien moins la chaleur du soleil que les arbres qui l’ont remplacée. Or le sol de Sibérie se réchauffe et le permafrost, la couche souterraine qui reste gelée, fond progressivement. Au risque de relâcher les immenses quantités de gaz à effet de serre, issus de la dégradation de millénaires de végétaux et pris dans la glace. A tel point que la réintroduction d’un grand herbivore de type mammouth dans les plaines de Sibérie est considéré comme une approche sérieuse pour contrecarrer le dérèglement climatique.

Un hybride dans 6 ans ?

Ben Lamm est en tout cas convaincu que c’est possible, et même faisable à court terme : « Jamais auparavant l’humanité n’a été en mesure d’exploiter la puissance de cette technologie pour reconstruire les écosystèmes, guérir notre Terre et préserver son avenir grâce au repeuplement d’animaux disparus. « En plus de ramener d’anciennes espèces éteintes comme le mammouth laineux, nous serons en mesure de tirer parti de nos technologies pour aider à préserver les espèces en danger critique d’extinction et restaurer les animaux que l’humanité a contribué à faire disparaître. »

L’entrepreneur donne six ans à Colossal pour obtenir un animal viable. Celui-ci, s’il voit le jour, sera issu d’une lignée d’éléphants d’Asie, mais aura été génétiquement modifié pour reprendre les traits du mammouth laineux, une espèce génétiquement semblable à 99,6%. Un hybride donc, un éléphant ressemblant fort à son cousin disparu, plutôt qu’un mammouth « classique ». Ben Lamm espère ainsi repeupler les grands espaces de Sibérie et d’Amérique du Nord avec cet animal adapté au climat local, et dont les grandes migrations auront un effet naturel de géo-ingénierie. Un rêve, peut-être, mais qui parait si réel. Il faut dire que Colossal vient de se constituer un budget de 15 millions de dollars pour y arriver.

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