Le commissaire du marché intérieur a un projet : mettre sur pied un plan similaire pour rétorquer à l’Inflation Reduction Act des États-Unis, qui promet d’importants subsides aux entreprises qui y développent des technologies vertes. Thierry Breton est en pleine opération pour convaincre les pays de la nécessité d’une telle réponse. Mais il y a des obstacles sur son chemin.
Opération séduction de Thierry Breton : convaincre les pays européens à sortir une grosse enveloppe de subsides pour répondre à Washington

Pourquoi est-ce important ?
Le plan américain inquiète l'Europe, qui craint une fuite des entreprises européennes vers les Etats-Unis. L'UE est devant un véritable choix philosophique : doit-elle prendre des mesures fortement protectionnistes pour soutenir son industrie ?Les faits : l’Inflation Reduction Act de Wahsington, une enveloppe de 369 milliards de dollars de subsides pour les entreprises qui produisent des technologies vertes (véhicules électriques, batteries, etc.), aux Etats-Unis.
- Un affront pour l’Europe, qui juge le texte comme anti-concurrentiel, et qui craint un désinvestissement de la part des entreprises, qui vont aller produire leurs marchandises aux États-Unis.
- Le Premier ministre belge Alexander De Croo n’est plus à convaincre et a parlé d’une « campagne agressive » de la part des États-Unis, lors d’un meeting du parti libéral européen, Renew Europe, ce mardi.
- « Les États-Unis, notre partenaire… ils appellent notre industrie. Et ils disent : pourquoi investissez-vous en Europe ? Vous devriez venir aux États-Unis. Les entreprises allemandes et belges sont appelées de manière très agressive en disant : ‘N’investissez pas en Europe, nous avons quelque chose de mieux' », fustige-t-il, relayé par le Financial Times. Et d’ajouter « que les Américains étaient très conscients de l’impact que la loi sur la réduction de l’inflation aurait sur l’Europe ».
- Depuis l’adoption du texte, le bloc des 27 cherche une réponse pour contrer l’enveloppe de Biden.
L’essentiel : Thierry Breton veut un plan pour injecter des subsides.
- Le commissaire européen du marché intérieur Thierry Breton est en pleine opération séduction, avec un projet appelé Clean Tech Act. C’est essentiellement un plan pour offrir des subsides à l’industrie verte, comme aux États-Unis, de la part des pays membres, rapporte Politico.
- En ce début d’année, il s’est déjà rendu en Espagne, en Pologne et en Belgique, pour discuter de ce plan avec les dirigeants.
- Pour l’heure, il n’y a pas d’informations sur un montant, les secteurs bénéficiaires des subsides ou les formes et conditions pour les obtenir qui circulent. Un secret bien gardé qui est un levier dans les discussions, sans doute. Ou des concepts encore vagues qui sont discutés sur le fond plus que sur la forme. La Commission, sollicitée par nos soins, n’a pas fourni plus de détails sur ce projet en particulier.
- Breton glisse à Politico que Pedro Sánchez partage « la même analyse mais aussi les mêmes conclusions » que lui, « ce qui signifie que nous sommes d’accord sur la nécessité d’une réponse commune et coordonnée au niveau de l’UE ». Même son de cloche pour les dirigeants français, polonais et belges.
Mais : il y a des obstacles sur la route.
- Premier obstacle : la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, travaille elle même sur un projet. Il serait présenté la semaine prochaine au Forum économique mondial à Davos. Il n’est pas clair dans quelle mesure il correspond, ou pas, au plan de Breton. Les commissaires se réunissent ce mercredi pour en discuter.
- Le prochain obstacle sont les pays plus libéraux, comme les Pays-Bas, l’Allemagne et les pays nordiques, généralement plus frileux pour intervenir sur le marché libre, valeur fondatrice de l’Union, et pour accorder de larges subsides. Lors de l’épisode des plans de relance post-covid, ils s’étaient rangés dans le camp des « frugaux ».
- Il y a aussi une autre commissaire à convaincre : la Danoise Margrethe Vestager, responsable de la concurrence. Elle calme habituellement les ardeurs interventionnistes de Breton, et s’est déjà prononcé contre des plans de subsides pour cette industrie verte. En résumé : « Vous ne pouvez pas construire la compétitivité à partir de subventions ».
- Encore un obstacle : les différences des pays sur le plan économique. Il est sûr que le pays qui offre le plus de subsides attirera les gros poissons. Ce que les pays avec des économies plus fragiles ne pourront pas se permettre. Un désavantage qui risque de créer des tensions et qui répliquerait même, en son propre sein, ce que l’Europe se voue à combattre à échelle internationale.
Le détail : les finances publiques sont déjà dans le rouge.
- A cela s’ajoute la viabilité des mesures et des subsides. Avec le covid et la crise énergétique, les pays offrent déjà des paquets d’aides aux entreprises. La dette et le déficit, partout en Europe, se creusent. Les règles de Maasticht, référence en matière de bonne gouvernance des deniers publics, sont temporairement mis en suspens, mais nombreux sont ceux qui œuvrent pour qu’elles ne reviennent jamais.
- Les questions sont nombreuses : est-ce que les pays peuvent encore se permettre de sortir des telles enveloppes ? Et comment ? Sans donner un nouveau coup de jus à l’inflation ? Et qu’est-ce que cela va rapporter, et à partir de quand ?