Paradis fiscaux et chèque en blanc, un « Proximus Gate » se profile-t-il à l’horizon ? « Hors de question », gronde la ministre des Entreprises publiques

Afin de mener une transaction stratégique, Proximus serait en négociation avancée avec une société dite « chèque en blanc » installée aux Îles Caïmans. Voir un fleuron de l’industrie publique flirter avec la fraude fiscale internationale est inadmissible, a condamné le chef du groupe PS au Parlement. « Ce serait inacceptable », a confirmé la ministre De Sutter.

 « Sommes-nous à la veille d’un Proximus Gate ? », s’est interrogé ce jeudi en séance plénière du parlement fédéral le député Ahmed Laaouej. Après les scandales à répétition, le chef du groupe politique PS s’est naturellement inquiété de l’actualité de Proximus.

L’entreprise télécom a évoqué des discussions concernant une transaction stratégique impliquant TeleSign, sa filiale américaine à 100% et société-phare de l’identité digitale mobile, de la gestion de la fraude, l’authentification et les CPaaS (communication platforms as-a-service) sécurisées.

Pour soutenir la croissance rapide de sa filiale US, Proximus explore différentes options, parmi lesquelles effectivement une cotation en bourse par le biais d’une fusion SPAC (Special Purpose Acquisition Company). Ce type de structure est surnommé de société chèque en blanc.

Or, le processus est déjà bien avancé et Proximus serait proche d’un accord « avec North Atlantic Acquisition Corporation, une SPAC cotée sur le Nasdaq depuis janvier qui dit vouloir se concentrer en premier lieu sur l’Europe (alors que TeleSign est basé aux États-Unis…) et qui affiche un profil plutôt sulfureux puisqu’elle est enregistrée aux Iles Caïmans et que son patron est basé à Malte, deux paradis fiscaux notoires », rapportait Le Soir.

La perle est sans valeur dans sa propre coquille

Ahmed Laaouej ne voit dans cette coquille vide, cette société-écran liée à des territoires connus pour leur rôle dans la fraude fiscale internationale, qu’un moyen pour contourner les obligations légales de la cotation en bourse.

« Alors que le gouvernement se mobilise pour lutter contre ce fléau de la criminalité financière, de la fraude fiscale internationale, personne ne pourrait admettre que l’une de nos entreprises publiques, l’un de nos fleurons industriels dans le domaine de la communication et de l’économie digitale, soit aujourd’hui compromise dans ce qui pourrait, demain, être un scandale financier d’envergure internationale », a développé le parlementaire socialiste, en interpellant la ministre des Entreprises publiques.

Proximus a confirmé à la ministre fédérale être en train d’examiner les différentes options stratégiques pour permettre à la « perle dans son portefeuille » qu’est TeleSign d’atteindre son plein potentiel.

Le conseil d’administration de Proximus a décidé son entrée en bourse, en vue de laquelle toutes les possibilités sont en train d’être examinées – tâche qui prend beaucoup de temps. Il est notamment question d’une fusion avec une SPAC, processus courant aux États-Unis, mais qui reste encore méconnu en Europe.

Un non ferme

À ce stade, difficile pour Proximus, elle aussi cotée en bourse, de commenter l’opération plus en détails. Les marchés d’actions ont d’ailleurs déjà réagi à cette annonce, fidèles au principe du Buy the rumor

La ministre Petra De Sutter (Groen) s’est en tout cas réjouie de l’occasion offerte par le groupe PS d’apporter une réponse « très ferme ».

« Il n’est pas question – et je suis très ferme à cet égard – que Proximus recoure à cette SPAC dont le siège social est installé aux Îles Caïmans, afin de faire entrer TeleSign en bourse. Comme vous, je suis convaincue que ce serait inacceptable pour une entreprise publique belge. Vous savez que le conseil d’administration est occupé à en discuter. En tout cas, je le répète, il est hors de question que Proximus aille organiser une fusion avec une SPAC située dans un paradis fiscal », a insisté Petra De Sutter.

Des paroles aux actes

Le chef du groupe parlementaire PS a accueilli positivement la réponse de la ministre qui, a-t-il ajouté, doit être suivi d’effets, démarche que les socialistes francophones soutiendront.

« Comment se trouve-t-il des gens qui sont aux commandes de cette entreprise publique pour pouvoir imaginer que nous allons les laisser emmener ce fleuron de l’industrie publique belge vers le terrain fangeux de la fraude fiscale internationale? C’est totalement inadmissible », a renchéri Ahmed Laaouej.

Si l’État belge doit mobiliser toutes ses forces pour lutter contre la fraude fiscale et la criminalité financière, il doit inéluctablement donner l’exemple là où il est actionnaire.

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