Comment la téléphonie par satellite risque de nous couper du ciel nocturne

De grands satellites, véritables antennes-relais dans l’espace, pourraient servir d’alternatives aux constellations telles que Starlink. Problème : ceux-ci sont gigantesques, lumineux et saturent l’espace d’ondes radio. De quoi aveugler les télescopes les plus sophistiqués.

Pourquoi est-ce important ?

Les communications par satellite seront la nouvelle grande révolution des communications, avec des réseaux 3G, 4G et autres, qui couvriront toute la planète depuis l'espace. Mais ça n'est pas sans conséquence sur notre orbite, encombré et surtout saturé de lumières jusqu'à nous rendre aveugles.

Dans l’actualité : ce week-end, Starlink a mené à bien son 41e lancement de l’année. La fusée Falcon 9, partie depuis Cap Canaveral, emportait 35 satellites, tous – sauf un – destinés à renforcer le réseau en orbite d’Elon Musk. Le dernier, BlueWalker 3, est un prototype de nouvelle génération, bien plus imposant.

  • BlueWalker 3 appartient à la société AST SpaceMobile, spécialisée, comme SpaceX, dans les communications et la diffusion d’internet depuis l’espace. L’engin n’a toutefois rien d’un cubesat : déployé, il occupe 64 mètres carrés, et il pèse une tonne et demie.
  • Ce nouveau type de satellite doit incarner une alternative aux réseaux d’engins de Starlink ou de Blue Horizon. C’est une véritable station de télécommunications en orbite, et AST SpaceMobile envisage d’avoir une centaine de ces engins en orbite d’ici la fin 2024.
  • Ce premier satellite lui a permis d’obtenir l’autorisation pour offrir ses services au Texas et à Hawaï. 25 sociétés de communication telles que Vodafone ou Orange ont déjà passé contrat avec AST SpaceMobile.

L’enjeu : BlueWalker 3 est énorme, mais surtout très visible et très lumineux. À tel point qu’il représente tout ce que les astronautes craignent avec la multiplication des satellites : un engin capable de gravement perturber toute observation de l’espace depuis la Terre.

  • Toutes les étoiles, sauf les plus brillantes, peuvent être éclipsées par la luminosité de BlueWalker 3, selon l’organisation International Astronomical Union Center for the Protection of the Dark and Quiet Sky from Satellite Constellation Interference (IAU CPS).

« C’est exactement ce que les astronomes ne veulent pas. Il apparaîtra comme une traînée super brillante dans les images et saturera potentiellement les détecteurs des caméras des observatoires. »

Meredith Rawls, de l’Université de Washington à Seattle, pour Science.
  • Outre la pollution lumineuse, il y a aussi les interférences radio : Bluewalker 3 est une immense tour relai en plein espace, alors que les fréquences radio terrestres sont déjà un gros souci pour les observatoires, qui subissent leurs interférences.
  • « Les fréquences allouées aux téléphones portables sont déjà difficiles à observer, même dans les zones de silence radio que nous avons créées pour nos installations », signale Philip Diamond, directeur général de l’Observatoire Square Kilometer Array, au Royaume-Uni. Les nouveaux satellites tels que BlueWalker 3 ont le potentiel d’aggraver cette situation et de compromettre notre capacité à faire de la science s’ils ne sont pas correctement atténués. »
  • La société a annoncé qu’elle espérait bien améliorer ses futurs satellites afin de réduire ce problème. Mais en attendant, c’est tout notre champ d’observation dans l’espace qui se trouve menacé, à une époque où, justement, ces observations s’annoncent capitales pour mieux comprendre notre place dans l’univers et mieux défendre notre planète.
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