Sortie du nucléaire : « Il faut cesser d’investir dans ces dinosaures énergivores »

La question de la sortie du nucléaire – actée pour 2025 – fait toujours l’objet d’un immense débat. Comment compenser la fermeture des 7 réacteurs en Belgique en produisant assez d’énergie, à un bon prix, sans faire grimper les émissions de CO2 ? La ministre fédérale de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) s’est exprimée ce matin sur Bel RTL.

La ministre a répété le positionnement des écologistes, pour qui la prolongation du nucléaire ne fera que repousser les investissements dans le renouvelable. Dos au mur, on aura plus le choix que d’aller dans cette seule direction, argumente la ministre: « Pour ça, on a besoin de sortir de nos dinosaures énergivores. Le nucléaire, c’est un dinosaure qui nous empêche de faire ce switch vers une énergie 100% renouvelable. On a sept unités nucléaires dans ce pays, dont cinq vont fermer dans tous les cas car ils sont trop vieux. Nous, on a confirmé qu’on fermerait les sept pour pouvoir faire ce switch vers l’énergie renouvelable. »

La fermeture des deux réacteurs restants est conditionnée à l’évaluation du CRM (le mécanisme de rémunération de la capacité), qui doit assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité. Lancé en 2021, il permet, au moyen d’enchères annuelles, d’apporter un soutien aux unités qui peuvent fournir de l’électricité par d’autres moyens que le nucléaire ou économiser de l’électricité. Environ 2,3 GW de nouvelles capacités seront ainsi mis aux enchères en octobre 2021. La Commission européenne doit encore donner son approbation à ce mécanisme.

Combien de centrales à gaz ?

On le sait, il est prévu, pour compenser la fermeture des centrales nucléaires, de construire des centrales à gaz, davantage émettrices de CO2. Une solution provisoire – la moins mauvaise solution selon les écologistes: « Il nous faut, de manière temporaire et dans un temps limité, une capacité qui sera peut-être une capacité fossile. Mais j’ai fait en sorte qu’on limite le plus possible cette alternative et en même temps j’ai déjà bétonné la sortie de l’énergie fossile », explique la ministre. A termes, les centrales à gaz devront se passer d’énergie fossile. Mais personne ne sait vraiment comment on va procéder.

Il est prévu pour le moment de construire 2 à 3 centrales à gaz pour pallier le manque d’énergie atomique. Certains estiment que ça ne suffira pas. C’est le cas de la fédération belge des entreprises électriques et gazières: « Le remplacement de 6 GW de capacité nucléaire par 2,3 GW de centrales au gaz est serré (…). Nous espérions 3 à 3,5 GW de capacité », c’est-à-dire 3 à 4 centrales.

Les calculs sont-ils bons ?

Au niveau du prix, la ministre assure que la sortie du nucléaire n’aura pas d’effet sur les prix de l’énergie: « C’est un engagement ancré dans l’accord de gouvernement ». Sauf que ni le prix du gaz, ni celui des quotas d’émissions de CO2 (mécanisme européen) ne dépendent de la Belgique. Or, tout le monde suppose que sortir du nucléaire nous fera consommer plus gaz et émettre plus de CO2, au moins dans un premier temps.

Selon Damien Ernst, professeur à l’ULiège, spécialiste de l’énergie et aussi pro-nucléaire, le gouvernement et la ministre font fausse route. Les calculs ne sont pas bons: « La politique énergétique, c’est des chiffres aussi : Potentiel renouvelable Belgique: 80 TWh. Consommation énergie 420 TWh. Economie énergie: grand grand max 120 TWh. Il manque 420 – 80 – 120 = 220 TWh. On fait comment ? », s’exaspère-t-il sur Twitter.

Les chiffres restent très aléatoires selon la manière dont on les calcule. Ce qui est certain, c’est qu’au niveau de l’électricité – qui n’est qu’une partie de l’énergie consommée – selon le rapport statistique de la Fedbeg, le nucléaire représente autour de 40% du mix énergétique, quand le renouvelable plafonne à 20%. Il faudra en effet beaucoup d’économies d’énergie, d’énergie renouvelable ou de gaz pour compenser une sortie du nucléaire. Les importations de l’étranger jouent aussi un rôle, mais là encore, il est difficile d’avoir une influence sur le prix.

La ministre Van Der Straeten tente de rassurer: « On ne prend pas de risque avec la sécurité de l’approvisionnement. Tout ce qu’on fait avec les capacités qui remplacent le nucléaire, on ne prend pas de risques. On a un plan pour cela. Maintenant, le temps est court et on a besoin de tout le monde pour réussir. »

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