Est-ce que les robots sexuels à visage d’enfants arrêteraient la pédophilie ou en feraient-ils la promotion ?

Marc Behrendt, doctorant à l’Université Libre de Bruxelles, se demande si les robots ou les poupées sexuels ne pourraient pas être une solution pour lutter contre la pédophilie.

Les poupées sexuelles sont une réalité. Elles sont conçues jusque dans les moindres détails pour se rapprocher chaque fois plus de leur modèle : les êtres humains. Leur présence dans la société donne lieu à d’immenses débats. Et dans quelques années, on parlera sans aucun doute des robots sexuels, soit des poupées sexuelles interactives.Qu’en sera-t-il du rapport humain, du consentement sexuel voire de l’amour, si des poupées robots chaque fois plus réalistes viennent remplacer nos semblables, mâles autant que femelles? Et que dire de ces dernières qui auront un corps d’enfant?L’avenir nous le dira. Mais une chose est certaine: les poupées sexuelles, au même titre que les robots et d’autres éléments inspirés du comportement humain, sont chaque fois plus présents dans notre vie, qu’on le veuille ou non. Certains veulent les bannir, d’autres préfèrent y voir une opportunité. C’est le cas de Marc Behrendt, doctorant à l’Université Libre de Bruxelles.

Trouble psychiatrique

Au Japon, des entreprises comme Trottla commercialisent en toute légalité des poupées sexuelles enfantines. Dans le futur, des versions plus interactives pourraient très prochainement voir le jour: les Child Sex Bots (CSB) ou les robots sexuels à forme d’enfant. « Actuellement , ces poupées sont déjà achetées par des clients européens parmi lesquels on trouve des pédophiles. Pas forcément des pédophiles étant déjà passés à l’acte mais des individus ayant des attirances sexuelles envers les enfants », nous explique Behrendt. »Dans le cadre de ma thèse, je me suis demandé si [lorsqu’ils seront commercialisés] ces robots enfants ne pourraient pas, dans le futur, nous aider à soigner ce qui est actuellement reconnu comme un trouble psychiatrique », ajoute le doctorant qui a interviewé plusieurs psychiatres belges. “Comment protéger les enfants ? Comment prévenir des actes répréhensibles à l’encontre des enfants ?” En d’autres termes : et si les robots pouvaient empêcher certains pédophiles de passer à l’acte ? »Je ne dis pas que les robots sexuels devraient être vendus en accès libre sur le marché européen. Mais je me demande si, bien encadrés par des psychiatres et des experts en la matière, l’usage de CSB ne pourrait pas être une solution pour aider les personnes soumises à ces pulsions » » ajoute Behrendt rappelant qu’il existe plusieurs formes de pédophilie.

Love and Sex with Robots Congress

Behrendt a présenté cette thèse à la troisième Love and Sex with Robots Congress, une conférence internationale sur le sexe, l’amour et les robots qui s’est tenue fin 2017 à Londres. Après son passage qui a marqué de nombreux médias et a été mal interprété, le philosophe a été vivement critiqué sur les réseaux sociaux. Un site conspirationniste de chrétiens extrémistes nord-américains lui a même conseillé de se détourner de ces « réflexions satanistes » pour revenir vers Jésus, raconte-t-il. »Je ne défends pas l’usage des CSB », précise Marc Behrendt. « Mais je ne me range pas dans le camp des opposants aux CSB et aux sexbots. En d’autres termes, je pense qu’il faut étudier la question, analyser les choses de manière scientifique, avec des preuves basées sur des faits vérifiables et ensuite, prendre une décision démocratique quelle qu’elle soit – pour ou contre les CSB. »Pour Kathleen Richardson, professeure d’éthique et de culture des robots à l’origine de la Campagne contre les robots sexuels, l’usage des poupées sexuelles risquent de « perpétuer les comportements de domination qui existent déjà dans les rapports classiques ». Selon elle, les CSB ne seraient pas une solution mais un danger. « Les pédophiles sont trop coupés de leur propre humanité et leur donner une poupée ne résoudrait pas le problème », nous confie-t-elle.

Robot sexuel

Le principal contre-argument posé aux affirmations de Richardson est qu’elles restent de l’ordre des suppositions, rien n’ayant encore été prouvé. C’est la raison pour laquelle d’autres chercheurs vont dans le même sens que Behrendt et pensent que l’usage des CSB est une piste qui vaut la peine d’être explorée. »Nous ne connaissons pas encore les réponses », explique Ron Arkin, professeur de robotique au Georgia Institute of Technology d’Atlanta et spécialiste des interactions homme-robot, à la NBC. « Mais la récidive chez les pédophiles est un problème majeur dans la société qui doit être abordé, et il y a une possibilité que la technologie puisse être en mesure d’aider avec cela. »Le Dr David Levy, auteur du livre Love and Sex With Robots et expert en robotique sociale, déclare au Daily Star: « Je peux imaginer que le gouvernement s’implique dans le traitement des criminels. (…) Vous allez en prison et pendant que vous êtes en prison, un robot sexuel vous accompagne dans votre cellule. Et quand vous sortez, un robot sexuel vous accompagne pendant plusieurs mois. »

« La pédophilie doit être punie »

« Il faut savoir que dans les années 70-80, certains intellectuels français ne considéraient pas la pédophilie comme un désordre psychiatrique. Certains philosophes réputés ont même défendu en quelque sorte cette pratique”, nous apprend Behrendt. Roland Barthes, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Gilles Deleuze et Michel Foucault ont ainsi signé des pétitions dans les journaux Le Monde et Libération qui demandaient la révision de la majorité sexuelle. Avant eux, il y a eux André Gide, « dont une grande partie de l’œuvre tourne autour de la pédophilie ».Pour pouvoir travailler dessus, il faut donc voir la pédophilie comme une déviance mentale et pas uniquement comme une orientation ou une perversion sexuelle. « Pour moi, il est évident que la pédophilie doit être punie », poursuit l’ULBiste. « Mais on peut aussi travailler en amont et faire en sorte d’éviter que les pédophiles passent à l’acte ou récidivent. Les robots sexuels pourraient alors devenir un outil de prévention pour certaines catégories de pédophiles ».Mais est-ce que l’usage de ces poupées ne risque-t-il pas de normaliser la pratique de la pédophilie? « Peut-être », admet Behrendt. « Tout comme ça peut provoquer l’effet inverse. Actuellement, nous ne sommes absolument pas en mesure de le dire. Et tant que cela n’a pas été testé, nous ne pouvons pas en tirer de conclusion. »

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