Le plafond des factures d’énergie va passer à 3.300 livres le premier octobre, au Royaume-Uni. À cette date, un mouvement de contestation appelle à boycotter le paiement des factures, pour se faire entendre auprès du gouvernement et des entreprises énergétiques et les forcer à réagir, alors que les coûts de la vie deviennent de plus en plus élevés et de plus en difficiles à supporter. Est-ce que cette initiative portera ses fruits, et pourra-t-elle faire des émules ailleurs?
Trop, c’est trop. À l’heure où les factures d’énergie des ménages explosent et que ces derniers voient leur pouvoir d’achat fondre, les bénéfices des fournisseurs d’énergie alignent des records. Voici une critique souvent entendue, du consommateur lambda aux sphères politiques. Elle témoigne en tout cas d’un sentiment de colère, voire d’impuissance et de détresse ; le paiement des factures devient de plus en plus difficile.
Au Royaume-Uni, une initiative entend cristalliser cette grogne. « Don’t Pay » (ne payez pas), ce qui sonne comme un slogan ou comme un ordre, veut lancer un mouvement de protestation nationale. Et le modus operandi est simple : arrêter de payer les factures d’énergie, et ce, dès le premier octobre.
C’est que le premier octobre, le plafond annuel pour les factures passe de 1.971 livres à 3.300, soit près de 4.000 euros par ménage. Le plafond en place aujourd’hui correspond a déjà été relevé de 54% en avril, rappelle BFM Business. Selon certains observateurs, le plafond pourrait encore être haussé à 4.400 puis 4.700 livres, respectivement en janvier et avril 2023.
La Belgique non plus n’échappe pas à la hausse des prix, on s’attend même à ce que les factures (gaz et électricité combinés) puissent atteindre les 7.000 euros par an, explique le professeur en énergie Damien Ernst à la DH. Il se base sur le prix record de 200 euros le mégawatt/heure atteint sur le marché de gros à Amsterdam, qu’il extrapole à l’année, en tenant compte des frais de réseaux et taxes. Or ce prix de gros peut varier très fortement, mais il reste très élevé en ce moment : ce mardi, il affiche 193 euros, contre moins de 20 euros pendant longtemps.
1 million de participants nécessaires
Don’t Pay souhaite faire participer un million de personnes au moins. L’action devrait mettre la pression sur le gouvernement et les fournisseurs d’énergie, pour limiter la hausse insoutenable des factures et trouver une solution à long terme. Aujourd’hui, l’association a encore du pain sur la planche : elle n’est pas à un dixième du nombre de participants voulu.
Avec l’approche de l’hiver, les prix devraient cependant continuer à exploser, selon de nombreux analystes. Aujourd’hui, c’est l’été, période où les prix sont habituellement bas – or, ils sont à des niveaux historiquement élevés, ce qui ne présage rien de bon pour les mois plus froids. L’année prochaine, la tendance devrait encore continuer.
Plus les prix augmentent, plus la grogne se fera sentir, et plus les rangs d’associations comme Don’t Pay pourraient renflouer. L’association s’appuie notamment sur un exemple historique où le boycott des factures a porté ses fruits : dans les années 90, 17 millions de Britanniques avaient refusé de payer une taxe locative. Le gouvernement Thatcher est tombé en conséquence. Ici, le Royaume-Uni n’a pas de gouvernement. Mais la crise du coût de la vie, avec le marasme économique, sera sans doute un des sujets principaux pour le successeur de Boris Johnson (élu par le parti conservateur en octobre).
Des émules ailleurs?
Ce mouvement contestataire pourra-t-il faire des émules ailleurs en Europe, voire dans le monde? Si des millions de Britanniques arrêtent en effet de payer, et que les entreprises revoient les prix à la baisse, cela pourrait avoir un effet boule de neige sur le continent.
Pour l’heure, les pays européens gèrent la crise des prix de l’énergie différemment. En Espagne par exemple, un bouclier tarifaire est en place, avec d’autres mesures d’aide. Il est financé par un impôt spécial sur les banques et les compagnies énergétiques. En France aussi, la population profite d’un bouclier. L’Italie taxe les surprofits des entreprises énergétiques, aussi pour financer des mesures de soutien. La France y a réfléchi, sans passer le cap, tout comme la Belgique. Ailleurs en Europe, surtout en Allemagne, les pays appellent à réduire la consommation, ce qui peut avoir un effet baissier général sur les prix. L’Europe voudrait aussi découpler les prix du gaz et ceux de l’électricité. Concernant le marché des prix, l’Italie ne veut plus suivre les prix de la bourse d’Amsterdam.
Bref, toutes ces mesures ne limitent qu’en partie l’explosion des factures pour les ménages. Pourraient-elles limiter la grogne? Il semble que non : au Royaume-Uni, une taxe sur les surprofits a été décrétée en mai, mais cela n’a pas freiné la contestation.
Dans tous les cas, un non-paiement massif des factures – par choix politique ou par incapacité à subvenir à ses besoins – forcerait les gouvernements et les entreprises énergétiques à répondre. Dans le cas d’une telle baisse des revenus, ces dernières ne pourraient pas simplement fermer les compteurs à tous les contestataires. Une participation plus modeste pourrait cependant se retourner contre les manifestants, qui se verraient pénalisés.