L’arme nucléaire a fait son grand retour dans notre psyché avec la guerre en Ukraine, et ce y compris dans les états-majors. Même si pour l’instant elle reste le tabou ultime, les superpuissances préfèrent se sentir prêtes aux pires éventualités.
Un retour imminent des essais nucléaires ? Les trois grandes puissances semblent bien s’y préparer

Pourquoi est-ce important ?
Les traités de non-prolifération ont tous pris l'eau : rien ne semble plus pouvoir empêcher des États tels que l'Iran ou la Corée du Nord de développer leur propre arsenal nucléaire, tandis qu'il est à peu près manifeste que la Chine veut agrandir le sien. Même entre la Russie et les États-Unis, qui avaient su se mettre d'accord pour se modérer, l'heure n'est plus trop à la diplomatie. L’accord New Start, qui régule les arsenaux stratégiques russes et américains, ne sera vraisemblablement pas renouvelé. On a fait sauter le verrou de la boite de Pandore.Des tunnels suspects
Dans l’actualité : selon une enquête de CNN basée largement sur l’étude d’images prises par satellite, les trois plus grandes puissances nucléaires de la planète – Chine, Russie, et USA – se sont toutes lancées dans de grands travaux sur leurs sites d’essais nucléaires ces dernières années. Des extensions récentes des structures, mais aussi de nouveaux tunnels ; on peut donc se demander si les superpuissances envisagent de nouveaux tests d’armes atomiques.
- USA : Nevada National Security Site, dans le désert du Nevada.
- Chine : entre le lac salé de Lop Nur et le désert du Taklamakan, Région autonome du Xinjiang.
- Russie : archipel de Nouvelle-Zemble, océan glacial Arctique.
« Il est très clair que les trois pays, la Russie, la Chine et les États-Unis ont investi beaucoup de temps, d’efforts et d’argent non seulement pour moderniser leurs arsenaux nucléaires, mais aussi pour préparer les types d’activités qui seraient nécessaires pour un essai. »
Cedric Leighton, colonel à la retraite de l’US Air Force, qui a pu examiner les images
Un nouvel arsenal à tester
Le contexte : en théorie, les essais nucléaires souterrains, comme ils étaient pratiqués dans les années 1960 à 1980, ont été bannis par un accord entre grandes puissances en 1996. Mais celui-ci n’a jamais été ratifié officiellement par Washington et Moscou.
- Ces nouveaux tests, qui pour l’instant restent des suppositions basées sur des observations, pourraient avoir pour but de mettre à jour le savoir des trois puissances sur les effets de l’arme atomique. C’est d’autant plus vrai pour la Chine qui, avec une quarantaine d’essais au XXe siècle contre des centaines pour la Russie et les USA, dispose de peu de données « réelles ».
- En outre, toutes ont développé de nouvelles générations d’armes, mais n’ont jamais pu les mettre à l’essai. Or, le nucléaire stratégique capable de détruire des villes entières en un seul coup n’a plus vraiment la cote.
- Dans le contexte actuel, une frappe tactique, qui ciblerait un champ de bataille ou une unité militaire en particulier, avec une bombe de l’ordre de la kilotonne ou moins (Hiroshima : 15 kt), semble bien plus probable. C’est le scénario nucléaire le plus crédible en Ukraine, si la Russie décide un jour de passer à l’acte.
- Or, Washington a sans doute besoin de savoir de ce dont dispose son armée pour répondre, y compris au rayon nucléaire. Mais les armes tactiques américaines n’ont jamais été mises au banc d’essais, ce qui signifie qu’on ne peut qu’estimer leur puissance réelle de destruction.
- Rajoutons aussi dans cette dangereuse équation les « armes secrètes » plus ou moins exotiques du Kremlin – comme les fameuses torpilles nucléaires capables de causer un tsunami – et on se retrouve avec un XXIe siècle qui met en application les pires craintes formulées durant le siècle précédent.