Quand Jeff Bezos se fait piéger son smartphone par le prince héritier saoudien

C’est l’histoire de l’homme le plus riche du monde, informaticien de formation, qui se fait piéger par une vidéo envoyée sur WhatsApp par le prince héritier d’Arabie saoudite. Résultat: un smartphone piraté, une relation extraconjugale révélée, et un possible lien avec l’affaire Khashoggi.

Cette histoire incroyable nous est contée par le Guardian et remonte à mai 2018. Jeff Bezos, patron d’Amazon, est en conversation privée avec le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane (MBS).

Ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite. EPA-EFE/ALEXEY NIKOLSKY/SPUTNIK/KREMLIN/POOL MANDATORY CREDIT

Dans cette conversation, un fichier infecté. Une vidéo plus précisément. Les analyses n’ont pas révélé ce qu’elle contenait. Mais elle aurait permis d’exfiltrer ‘de grandes quantités de données’ pendant ‘plusieurs’ heures. Sans que le Guardian ne sache précisément quoi.

Dans un tweet, l’ambassade d’Arabie saoudite aux États-Unis a qualifié ces révélations ‘d’absurdes’ qui ne sont pas le fruit du Royaume. ‘Nous mènerons notre enquête’, poursuit l’ambassade.

Un lien avec l’affaire Khashoggi ?

Comme pour le meurtre du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi (en octobre 2018), l’Arabie saoudite nie toute implication et qualifie le piratage ‘d’opération voyou’. Mais il est surprenant de constater, sans qu’il n’y ait aucune causalité établie, que cette attaque vise cette fois le patron du Washington Post (Jeff Bezos).

Agnès Callamard, rapporteuse spéciale à l’ONU, est en charge de l’enquête. C’est aussi elle qui tente de faire la lumière sur les éventuelles implications du régime dans l’assassinat-boucherie de Khashoggi. Elle non plus n’a pas établi de lien entre les deux affaires, mais elle dit en savoir assez que pour demander des comptes au Royaume saoudien. Sans perdre de vue un autre fait troublant: seuls cinq mois séparent les deux faits.

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Relation extraconjugale

Du côté de Jeff Bezos, c’est l’embarras. Car lui et son équipe commencent à comprendre l’origine des révélations d’un tabloïd sur une aventure extraconjugale du milliardaire. À l’époque, l’équipe de Jeff Bezos soupçonnait les Saoudiens. Son chef de la sécurité en aurait même informé les autorités sans révélation publique.

Ce qui est sûr, c’est que détenir ce genre d’informations confidentielles peut s’avérer utile quand on doit faire pression sur un patron de média. Khashoggi était connu pour ces chroniques critiques envers le régime et a sans doute été découpé en petits morceaux pour cette raison. Cette information aurait pu servir de couverture à MBS et son pays. C’est en tout cas l’avis d’Andrew Miller, expert du Moyen-Orient et ex-conseillé d’Obama, cité par le Guardian: ‘Il est clair que les Saoudiens n’ont pas de véritables frontières pour faire progresser MBS, qu’il s’agisse de la tête d’une des plus grandes entreprises du monde ou d’un de leur propre dissident.’

Du côté du tabloïd, on nie l’implication saoudienne. L’origine de la fuite viendrait du beau-frère de Jeff Bezos. Du côté des avocats de Jeff Bezos, ‘pas de commentaires’. Pas plus que du côté de la Maison-Blanche avec laquelle le régime saoudien a une bonne relation. Une relation toutefois de plus en plus embarrassante pour le président des États-Unis.

Il s’agit en tout cas d’un énième signal qui ne va pas dans le sens de l’Arabie saoudite, alors que le pays est en pleine opération séduction. Le régime veut redorer son image, que ce soit par le biais d’une politique intérieure plus souple ou par l’organisation d’événements sportifs internationaux (Paris-Dakar, Supercoupe d’Espagne de football). Ces nouvelles relations, si elle sont confirmées, seront un nouveau coup porté à la confiance des occidentaux envers le régime.

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