Prix de l’énergie : une surmortalité plus élevée qu’au plus fort de la pandémie est à craindre

Selon des projections du magazine britannique The Economist, jusqu’à 335.000 personnes de plus que la moyenne pourraient mourir cet hiver en Europe, à cause des prix de l’énergie. Une arme que Poutine garde braquée sur le continent.

Pourquoi est-ce important ?

Le froid a un impact sur la santé. Avec les prix élevés de l'énergie, les Européens vont être plus réticents à allumer leur chauffage, ce qui devrait provoquer une surmortalité. Mais les aides gouvernementales pourraient offrir un peu de répit.

Les faits : une étude de l’Economist, sur la surmortalité potentielle à cause des prix élevés de l’énergie.

  • En période de froid, les gens meurent plus facilement. L’hiver connaît d’ailleurs toujours des chiffres de mortalité plus élevés que l’été, en moyenne de 21%.
  • Or, au vu des prix élevés de l’énergie sur le continent – le gaz est 144% plus cher que la moyenne 2000-2019, et l’électricité 78%, selon les calculs du magazine britannique, malgré une rechute des pics connus cet été -, la population va économiser et risque d’avoir plus froid.
  • Même dans le schéma de l’hiver le plus doux, la mortalité risque de dépasser la moyenne de 2000-2019 de 32.000 décès. En cas d’avis particulièrement rude, on pourrait voir mourir 335.000 personnes de plus. C’est plus que la surmortalité de l’hiver le plus meurtrier du covid (2021), en gris très clair sur le graphique.
  • Ce décalage entre l’hiver et l’été se note surtout dans les pays chauds. Au Portugal, c’est 39% de personnes qui meurent en plus l’hiver (en moyenne), tandis qu’en Finlande la différence se limite à 13%. Les pays froids auraient notamment des logements mieux isolés. L’Italie, où les prix de l’électricité ont le plus augmenté (200% depuis 2020) et qui est un pays chaud avec une population vieillissante, court donc le plus de risques.
    • Le risque est bien sûr encore plus élevé en Ukraine, où l’envahisseur russe a bombardé les infrastructures énergétiques. Or, le pays connaît déjà des chutes de neige, que la population doit affronter sans chauffage. Les Ukrainiens risquent littéralement de mourir de froid. Mais l’Ukraine n’est pas reprise dans ce calcul, qui couvre l’UE (sans Malte), le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse.
Capture d’écran, The Economist
  • L’Economist précise cependant qu’il reste des inconnues dans l’équation. L’impact des mesures gouvernementales pour aider la population à payer la facture ne peut que difficilement être mesuré, car elles étaient inexistantes (ou moins élevées et touchaient moins de personnes) dans les années prises pour comparaison. Elles pourraient faire baisser les chiffres de la mortalité, mais les factures restent tout de même plus élevés que la moyenne des dernières années, augurant une potentielle surmortalité.

Le pourquoi : l’impact du froid sur la santé.

  • Une des raisons de cette mortalité est notamment la prolifération de virus, comme la grippe, qui survivent plus longtemps dans l’air lorsqu’il fait froid. Les personnes sont aussi plus agglutinées à l’intérieur, ce qui facilite la transmission ; nous l’avons bien compris ces deux dernières années avec le covid.
  • Autre danger pour la santé : les AVC. Avec le froid, le sang devient plus épais et la pression artérielle augmente, augmentant les risques.
  • Ainsi, plus il fait il froid, plus la mortalité augmente.

Le détail : le prix du gaz repart à la hausse.

  • Ajoutons qu’un défi supplémentaire vient s’ajouter à cette situation. Au début de l’automne, à l’heure où les réserves européennes se remplissaient, les prix du gaz ont chuté. Pour de nombreux observateurs, ces réserves remplies à l’avance devaient garantir un prix stable sur tout l’hiver.
  • Mais depuis deux semaines, le gaz est reparti à la hausse. Sur le marché de gros, le prix de référence, le TTF néerlandais, affiche aujourd’hui plus de 140 euros. C’est près de 50% en plus que le niveau auquel on pensait que le prix devait se stabiliser. Là aussi la température peut jouer un rôle : une vague de froid risque de gonfler davantage ce prix.
  • L’UE n’y trouve pour l’instant pas de solution : les pays se déchirent toujours sur le plafond des prix.

L’essentiel : une arme de Poutine.

  • Contre Napoléon, contre Hitler : la Russie pouvait compter sur son légendaire Général Hiver. Ce fameux général est maintenant aussi à l’offensive contre le continent européen.
  • Avec le froid, et les prix élevés de l’énergie, provoqués par la guerre en Ukraine et les tentatives européennes de se sevrer des énergies russes, Poutine espère créer la discorde entre les dirigeants européens. Pour qu’ils arrêtent de fournir l’Ukraine en armes et autres aides et qu’ils se remettent à acheter son gaz et son pétrole.
  • Ce général risque ainsi de faire plus de morts en Europe que le bilan humain provisoire en Ukraine, calcule le magazine britannique. A savoir 25 à 30.000 soldats de chaque côté (or, les estimations ne sont pas toujours les plus précises dans ce genre de situation, les informations sont filtrées au compte-goutte) et 6.500 civils.
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